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19/11/2021 | FRANCE | N°21NT00555

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 novembre 2021, 21NT00555


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Park Avenue a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 65 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé la fermeture administrative du débit de boissons " Le Melting-Pot " à Rennes.

Par un jugement n° 1900224 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er mars et 9 juillet 2021, la société Park Avenue, représen

tée par Me Preneux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 janvier 2021 du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Park Avenue a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 65 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé la fermeture administrative du débit de boissons " Le Melting-Pot " à Rennes.

Par un jugement n° 1900224 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er mars et 9 juillet 2021, la société Park Avenue, représentée par Me Preneux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 janvier 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 65 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé la fermeture administrative du débit de boissons " Le Melting-Pot " à Rennes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté préfectoral décidant la fermeture de l'établissement, eu égard à sa motivation et au fait qu'il survient huit mois après l'arrestation du gérant inculpé, à une période où les risques de trouble à l'ordre public n'existent plus, constitue une sanction tardive et non une mesure de police administrative ;

- la décision de fermeture illégale constitue une atteinte à la liberté de commerce ;

- l'illégalité fautive ouvre droit à réparation du préjudice économique subi pour un total de 65 000 euros HT.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Park Avenue ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Park Avenue exploite sur le territoire de la commune de Rennes un débit de boisson dénommé " Le Melting-Pot ". Par un arrêté du 27 juillet 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a prononcé la fermeture administrative de cet établissement pour une durée de trois mois, sur le fondement de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique. Par un jugement du 13 janvier 2021, dont la SARL Park Avenue relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 65 000 euros à titre de réparation de son préjudice économique né de cette fermeture.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La SARL Park Avenue soutient, sans autre précision, qu'en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative le jugement attaqué est insuffisamment motivé. Une telle insuffisance n'étant pas établie, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ce motif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas

six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / (...) 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l'annulation du permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. / 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation (...). ".

4. Lorsqu'elle est ordonnée, conformément aux dispositions combinées des 3 et 4 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, en cas de commission d'un crime ou d'un délit en relation avec l'exploitation d'un débit de boissons, la fermeture du débit de boissons, qui a pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l'établissement, indépendamment de toute responsabilité de l'exploitant, doit être regardée non comme une sanction présentant le caractère d'une punition, mais comme une mesure de police.

5. L'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 27 juillet 2018 décidant la fermeture pour une durée de trois mois du débit de boissons " le Melting Pot " situé à Rennes est intervenu sur le fondement du 3 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique au vu d'un rapport circonstancié de la police départementale du 16 janvier 2018. Il y est exposé que suite à des faits d'agression sexuelle dénoncés par un mineur en décembre 2017, une enquête préliminaire a identifié que M. B., cogérant minoritaire avec Mme A... B... ", avait notamment attiré dans cet établissement de jeunes hommes, parfois mineurs, dans le but d'obtenir des actes de nature sexuelle et les avait menacés s'ils ne cédaient pas à ses demandes. Il est également mentionné que l'intéressé a reconnu, lors de sa garde à vue, avoir usé de sa position de gérant de bar afin de provoquer des relations sexuelles avec les clients du débit de boissons qu'il exploitait, hors des heures d'ouverture de l'établissement. Il résulte de l'instruction que l'intéressé a été placé en garde à vue à compter de janvier 2018 puis en détention provisoire. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a informé M. B. et Mme A..., par un courrier du 19 février 2018, de son intention de décider la fermeture administrative pour 6 mois de l'établissement sur le fondement de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique et les a invités à présenter leurs observations.

6. La matérialité des faits reprochés à M. B., susceptibles à tout le moins d'être qualifiés de délictueux, n'est pas contestée. La circonstance que l'arrêté soit intervenu près de six mois après la mise en détention provisoire de M. B. n'est pas de nature à faire perdre à la décision contestée son caractère de mesure de police administrative dès lors, d'une part, qu'il ne pouvait être exclu, en juillet 2018, que l'intéressé ne reprendrait pas son activité professionnelle dans l'hypothèse d'une libération, sa cogérante faisant état de manière détaillée de l'emprise de ce dernier sur sa personne et de son impossibilité durant plusieurs années de se séparer professionnellement de M. B., auquel elle louait également un logement, d'autre part qu'il est constant que l'établissement était toujours fréquenté par une importante clientèle de jeunes lycéens ou étudiants. Par ailleurs, M. B. a explicitement reconnu qu'il a usé de sa qualité d'exploitant de bar afin de provoquer des relations sexuelles avec des clients, alors même qu'il usait des locaux à cette fin après leur fermeture et à l'insu de sa co-gérante. Par suite, eu égard à la gravité des faits fondant la décision et à la durée limitée à trois mois de la fermeture décidée, celle-ci demeurait toujours, à la date à laquelle elle a été prise, une mesure de police administrative nécessaire afin de prévenir la réitération de faits de même nature et ne pouvait être assimilée à une sanction. Dans ces conditions, l'arrêté préfectoral ne saurait être regardé comme ayant porté une atteinte illégale à la liberté du commerce.

7. Il s'ensuit qu'en l'absence d'illégalité de la décision préfectorale du 28 juillet 2018, les conclusions indemnitaires présentées par la SARL Park Avenue en raison du préjudice économique subi du fait de cette fermeture ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Park Avenue n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la SARL Park Avenue.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Park Avenue est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Park avenue et au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Une copie du présent arrêt sera adressée au ministre de l'intérieur

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2021.

Le rapporteur,

C. Rivas

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 21NT00555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00555
Date de la décision : 19/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL BAZILLE TESSIER PRENEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-19;21nt00555 ?
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