Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... et Mme F... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision notifiée le 27 décembre 2018 de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo refusant de délivrer à Mme F... E... et aux enfants B... et A... D... des visas de long séjour demandés en qualité de membres de famille de réfugié.
Par un jugement n° 1905724 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté le recours formé pour Mme E... et M. A... D... et a rejeté le surplus des conclusions de la requête concernant Mme B... D....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 août 2020 et régularisée le 24 août suivant, M. C... D... et Mme B... D..., représentés par Me Mahieu, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours en tant qu'elle concerne Mme B... D... ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté leur recours formé contre la décision notifiée le 27 décembre 2018 de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo refusant de délivrer à Mme B... D... un visa de long séjour demandé en qualité de membre de famille de réfugié ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mahieu, son avocate, de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- l'illégalité des dispositions de l'article R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles sont contraires aux dispositions de l'article L. 752-1 du même code et à la directive européenne sur le regroupement familial, entache d'illégalité la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée ;
- la décision de la commission de recours attaquée porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25 % par une décision du 15 juin 2020 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- et les observations de Me Nève, substituant Me Mahieu, pour les requérants.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté le recours formé pour Mme E... et M. A... D... et a rejeté le surplus des conclusions de la requête, concernant la demande de visa de Mme B... D.... M. C... D... et Mme B... D... relèvent appel de ce jugement.
2. Il ressort des écritures en défense produites par le ministre de l'intérieur en première instance que, s'agissant de Mme B... D..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fondé sa décision sur un double motif tiré, d'une part, de ce que Mme B... D..., née le 7 février 1998, était âgée de plus de dix-neuf ans à la date de la demande de visa et n'était dès lors plus éligible à la procédure de réunification familiale et, d'autre part, de ce que les actes d'état civil de l'intéressée étaient dépourvus de valeur probante.
3. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. (...) ". Aux termes de l'article R. 752-1 du même code, alors applicable : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa mentionnée au troisième alinéa du II de l'article L. 752-1 (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. D'une part, aux termes de l'article 4 de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 : " 1. Les États membres autorisent l'entrée et le séjour, conformément à la présente directive et sous réserve du respect des conditions visées au chapitre IV, ainsi qu'à l'article 16, des membres de la famille suivants : / a) le conjoint du regroupant ; / b) les enfants mineurs du regroupant et de son conjoint, y compris les enfants adoptés conformément à une décision prise par l'autorité compétente de l'État membre concerné ou à une décision exécutoire de plein droit en vertu d'obligations internationales dudit État membre ou qui doit être reconnue conformément à des obligations internationales ; / c) les enfants mineurs, y compris les enfants adoptés, du regroupant, lorsque celui-ci a le droit de garde et en a la charge. Les États membres peuvent autoriser le regroupement des enfants dont la garde est partagée, à condition que l'autre titulaire du droit de garde ait donné son accord ; / d) les enfants mineurs, y compris les enfants adoptés, du conjoint, lorsque celui-ci a le droit de garde et en a la charge. Les États membres peuvent autoriser le regroupement des enfants dont la garde est partagée, à condition que l'autre titulaire du droit de garde ait donné son accord. / Les enfants mineurs visés au présent article doivent être d'un âge inférieur à la majorité légale de l'État membre concerné et ne pas être mariés. ".
6. Par l'arrêt C-133-19 du 16 juillet 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que : " L'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial, doit être interprété en ce sens que la date à laquelle il convient de se référer pour déterminer si un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride non marié est un enfant mineur, au sens de cette disposition, est celle à laquelle est présentée la demande d'entrée et de séjour aux fins du regroupement familial pour enfants mineurs, et non celle à laquelle il est statué sur cette demande par les autorités compétentes de cet État membre ". Par suite, les requérants, qui soutiennent que l'âge de l'enfant pour lequel la réunification familiale est demandée doit s'apprécier au moment de l'introduction de la demande d'asile du parent, ne sont pas fondés à soutenir que la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 n'a pas été correctement transposée par les dispositions citées au point 3 des articles L. 752-1 et R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles l'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. Le moyen tiré par voie d'exception de ce que l'article R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait contraire à la directive européenne du 22 septembre 2003 doit dès lors, et en tout état de cause, être écarté. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de ce que Mme B... D..., née le 7 février 1998, était âgée de plus de dix-neuf ans à la date de la demande de visa et n'était dès lors plus éligible à la procédure de réunification familiale.
7. D'autre part, il est constant que Mme B... D... est née d'une précédente union de M. D.... Il ne ressort des pièces du dossier ni que Mme B... D... vivait avec son père lorsque celui-ci a été contraint de fuir la République démocratique du Congo en 2011, ni qu'elle se trouverait isolée et sans attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne porte pas, en ce qu'elle refuse de délivrer le visa sollicité à Mme B... D..., une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale eu égard aux buts dans lesquels elle a été prise. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté. En outre, l'intéressée étant âgée de vingt-et-un ans à la date de la décision contestée, elle ne peut davantage invoquer utilement la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission en tant qu'elle concerne Mme B... D.... Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... D... et Mme B... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2021.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
J. FRANCFORT Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02520