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05/11/2021 | FRANCE | N°20NT01734

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 novembre 2021, 20NT01734


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B..., agissant en qualité de représentant légal de Mme A... B..., et M. E... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 septembre 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 14 mars 2019 par laquelle les autorités consulaires françaises à Bamako (Mali) ont refusé de délivrer des visas de long séjour à M. E... B... et Mme A... B... ainsi que cette dé

cision.

Par un jugement no 1910999 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B..., agissant en qualité de représentant légal de Mme A... B..., et M. E... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 septembre 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 14 mars 2019 par laquelle les autorités consulaires françaises à Bamako (Mali) ont refusé de délivrer des visas de long séjour à M. E... B... et Mme A... B... ainsi que cette décision.

Par un jugement no 1910999 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 juin et 12 novembre 2020, M. D... B..., agissant en qualité de représentant légal de Mme A... B..., et M. E... B..., représentés par Me Saidi, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la minute de ce jugement ne comporte pas les signatures requises par le code de justice administrative ;

- la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreurs de fait et d'erreur manifeste dans son appréciation du caractère authentique des actes d'état civil produits à l'appui des demandes ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard des articles L. 411-1, L. 411-2, L. 411-4, L. 411-5 et L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., ressortissant malien né le 26 novembre 1970, a demandé au préfet de l'Essonne le bénéfice du regroupement familial au profit de ses enfants allégués, M. E... B..., né le 24 mars 1999, et Mme A... B..., née le 12 février 2001. Par une décision du 7 avril 2017, le préfet de l'Essonne a accueilli favorablement cette demande. Le 28 février 2018, M. E... B... et Mme A... B... ont déposé des demandes de visas de long séjour auprès des autorités consulaires françaises à Bamako (Mali). Ces demandes ont été rejetées le 14 mars 2019. Le recours formé contre ces décisions devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision de cette dernière du 4 septembre 2019. M. E... B... et M. D... B..., agissant au nom de sa fille mineure Mme A... B..., relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Nantes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans le mémoire produit par les requérants.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifié aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

5. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France mentionne qu'elle se fonde sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " notamment les articles L. 211-1 et les articles L. 411-1 et suivants ", et sur les motifs tirés de ce que " il a été produit pour chacun des demandeurs des jugements supplétifs et 2 actes de naissance différents établis par des centres d'état civil différents et qui comportent des incohérences dirimantes ; en conséquence, l'identité des demandeurs et partant leur lien familial allégué avec le regroupant ne sont pas établis ; la production au dossier de tels documents relève au surplus, d'une intention frauduleuse ". Ainsi, cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " Aux termes de l'article L. 411-2 du même code, alors en vigueur : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. "

8. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public, au nombre desquels figure l'absence de lien conjugal ou de lien de filiation entre le demandeur de visa et le membre de famille que celui-ci entend rejoindre.

9. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

10. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

11. D'une part, en ce qui concerne M. E... B..., né le 24 mars 1999, il ressort des pièces du dossier qu'il a présenté aux autorités consulaires le volet no 3 de l'acte de naissance no 130/AS dressé le 28 mars 1999 par un officier du centre d'état civil principal de Sebekoro. Cependant, cet acte de naissance indique qu'il s'agit d'un enfant de sexe " féminin " et mentionne qu'il a pour père " Bakary B... " et pour mère " Hawa B... ". Or " Hawa B... " n'est pas le nom de la mère alléguée de M. E... B..., à savoir Mme F... C... épouse B..., mais le nom de sa sœur cadette, née le 12 avril 2001, c'est-à-dire postérieurement à la date à laquelle l'acte de naissance no 130/AS du 28 mars 1999 a prétendument été dressé. Dès lors, cet acte de naissance présente un caractère frauduleux. M. E... B... produit également le volet no 3 de l'acte no 20 dressé le 6 juillet 2017 par un officier d'état civil du centre principal de Sébékoro, transcrivant un jugement supplétif du tribunal civil de Kita no 576 du 3 juillet 2017 et indiquant cette fois-ci qu'il s'agit d'un enfant de sexe masculin né de " Bakary B... " et de " Fatoumata C... ". Cependant, ce jugement supplétif, qui ne comporte aucun motif et ne précise pas sur quel fondement il a été pris, ni s'il rectifie ou annule le précédent acte de naissance prétendument dressé le 28 mars 1999, coexiste avec un second jugement supplétif no 576 du même tribunal, dont le contenu est identique à celui du 3 juillet 2017, mais qui est daté du 28 juin 2017. Par ailleurs, est versée au dossier la copie littérale de l'acte de naissance no 20 établi le 12 juillet 2017 par le centre principal de Kita, c'est-à-dire à une date et par un centre d'état civil différents de ceux indiqués sur le volet no 3 du même acte. En outre, le livret de famille malien versé au dossier, établi le 4 juin 2010 par un officier consulaire malien à Paris, fait référence concernant M. E... B... à un " extrait d'acte de naissance no 234 ", dont le numéro ne correspond à aucun des actes de naissance précédemment évoqués. Enfin, les requérants versent pour la première fois en appel un jugement du 1er octobre 2020 rendu par le tribunal de grande instance de Kita qui " annule l'extrait d'acte de naissance no 130/AS ", dit que " E... B... est né le 24 mars 1999 à Badinko c/r de Sébékoro, de Bakary et Fatoumata Kante " et ordonne la transcription de cette décision sur les registres d'état civil de la commune de Sébékoro. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard au caractère frauduleux de l'acte de naissance no 130/AS du 28 mars 1999 et aux multiples incohérences entachant les autres documents d'état civil et jugements supplétifs versés au dossier, l'ensemble de ces actes doivent être regardés comme présentant un caractère frauduleux. Dès lors, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait ni fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que l'identité de M. E... B... et son lien de filiation avec M. D... B... n'étaient pas établis et que les documents produits révélaient une intention frauduleuse faisant obstacle à la délivrance du visa sollicité.

12. D'autre part, en ce qui concerne Mme A... B..., a été présenté aux autorités consulaires le volet no 3 de l'acte de naissance no 049/CK dressé le 18 avril 2001 du centre d'état civil secondaire de Koméolou, indiquant qu'elle est née le 12 avril 2001 avec pour père " Bakary B... " et pour mère " Mme F... C... ". Toutefois le ministre produit une copie littérale d'un acte de naissance du centre principal de Yelimané, c'est-à-dire d'un autre centre d'état civil, portant sur la même naissance enregistrée sous le même numéro 49/CK, mais dressé à un jour d'écart (le 19 avril 2001) et indiquant Mme " F... B... " comme étant la mère. En outre, la levée d'acte effectuée auprès de ce centre d'état civil a conduit à la délivrance d'une copie d'acte de naissance correspondant à une tierce personne. Par suite, les documents produits par la requérante doivent être regardés comme présentant un caractère frauduleux. Dès lors, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait ni fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que l'identité de Mme A... B... et son lien de filiation avec M. D... B... n'étaient pas établis et que les documents produits révélaient une intention frauduleuse faisant obstacle à la délivrance du visa sollicité.

13. En troisième lieu, s'il est vrai que la décision contestée est entachée d'inexactitudes matérielles en tant qu'elle mentionne qu'" il a été produit pour chacun des demandeurs des jugements supplétifs et 2 actes de naissance différents établis par des centres d'état civil différents ", alors qu'un jugement supplétif n'a été produit qu'au soutien de la demande de M. E... B... et que les deux actes de naissance différents établis par des centres d'état civil différents n'ont été produits qu'au soutien de la demande de Mme A... B..., il ressort des pièces du dossier que ces inexactitudes matérielles sont, en l'espèce, demeurées sans incidence sur le sens de la décision contestée et donc sur sa légalité.

14. En quatrième lieu, dès lors que la filiation de M. E... B... et Mme A... B... avec M. D... B... n'est pas établie, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que la décision contestée méconnaît les articles L. 411-1, L. 411-2, L. 411-4, L. 411-5 et L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. En dernier lieu, pour la même raison, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Dès lors, leur requête doit être rejetée, y compris leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MM. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et M. E... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2021.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLe président,

A. Pérez

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

No 20NT01734


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01734
Date de la décision : 05/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-05;20nt01734 ?
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