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05/11/2021 | FRANCE | N°20NT01574

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 novembre 2021, 20NT01574


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel le maire de Sainte-Honorine-du-Fay a accordé un permis de construire à M. D... B..., la décision du 5 mars 2019 portant rejet de leur recours gracieux et les arrêtés des 29 avril 2019 et 6 septembre 2019 accordant à M. B... des permis modificatifs.

Par un jugement n° 1900961 du 2 avril 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juin 2020 et le 30 mars 2021,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel le maire de Sainte-Honorine-du-Fay a accordé un permis de construire à M. D... B..., la décision du 5 mars 2019 portant rejet de leur recours gracieux et les arrêtés des 29 avril 2019 et 6 septembre 2019 accordant à M. B... des permis modificatifs.

Par un jugement n° 1900961 du 2 avril 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juin 2020 et le 30 mars 2021, M. E... et M. C..., représentés par Me Launay, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 2 avril 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Sainte-Honorine-du-Fay du 24 octobre 2018 et le rejet de leur recours gracieux ;

3°) d'annuler les arrêtés de permis de construire modificatifs des 29 avril 2019 et 6 septembre 2019 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Honorine-du-Fay la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme a été méconnu ;

- l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme a été méconnu ;

- l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme a été méconnu ;

- l'article A11 du règlement du plan local d'urbanisme a été méconnu ;

- les arrêtés des 24 octobre 2018, 29 avril 2019 et 6 septembre 2019 sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité du permis de construire autorisé par l'arrêté du 24 octobre 2018 emporte l'illégalité des permis modificatifs des 29 avril et 6 septembre 2019.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 décembre 2020 et le 23 avril 2021, la commune de Sainte-Honorine-du-Fay, représentée par Me Soublin, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que la cour fasse application des articles L. 600-1 et suivants du code de l'urbanisme et à ce que soit mise à la charge de MM. E... et C... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que MM. E... et C... ne justifient pas, en leur seule qualité de voisins, d'un intérêt à agir ;

- les moyens soulevés par MM. E... et C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 15 octobre 2021 et non communiqué, M. B..., représenté par Me Dreux conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de MM. E... et C... de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux entiers dépens.

Il s'associe à l'ensemble des moyens de rejet présentés par la commune de Sainte-Honorine-du-Fay.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Douet,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Launay, représentant MM. E... et C..., et de Me Soublin, représentant la commune de Sainte-Honorine-du-Fay.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 24 octobre 2018 la commune de Sainte-Honorine-du-Fay a accordé à M. B... un permis de construire sur un terrain cadastré ZE n° 6 pour la réalisation de deux extensions d'un hangar agricole, destiné au stockage de paille et au dépôt de matériel agricole. MM. E... et C... ont formé un recours gracieux contre cet arrêté, rejeté le 5 mars 2019. Puis, par deux arrêtés des 29 avril et 6 septembre 2019, M. B... a obtenu deux permis modificatifs autorisant pour l'un la création d'une réserve d'eau sur le terrain et pour l'autre, la réduction de la hauteur du projet. M. E... et M. C... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces trois arrêtés et de la décision du 5 mars 2019 rejetant leur recours gracieux.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant: 1o L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants; 2o Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet: a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain; d) Les matériaux et les couleurs des constructions; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. " et aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également (...) d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

3. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

4. La notice du dossier de demande de permis de construire expose que le projet du pétitionnaire portera sur " un seul volume à deux pentes symétriques d'une hauteur de 8, 85 m au faîtage pour une longueur de 27,3 m et une largeur de 21.4 m ". Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des plans des façades, du plan de masse et du volet paysager que le projet est constitué de deux extensions, de taille et de volume distincts, de part et d'autre d'un hangar existant. Ces documents permettaient au service instructeur d'apprécier la consistance du projet en dépit de l'erreur figurant dans la notice. Par ailleurs, si celle-ci indique que " le projet architectural vise à se rapprocher au maximum des bâtiments agricoles existants " et que " le terrain est entouré de cultures et de plantations diverses ", les plans de situation joints au dossier de demande font apparaître la présence de constructions à usage d'habitation face au terrain d'assiette. Ainsi, malgré l'absence de pièces décrivant la proximité du château de Bretteville, à l'exception d'un extrait du plan cadastral, le dossier permettait d'appréhender l'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants. Enfin, le projet architectural comprenait plusieurs photographies du terrain du projet sous différents angles, qui étaient suffisantes pour apprécier l'insertion dans l'environnement proche et lointain. Par suite, les moyens tirés par les requérants de la méconnaissance des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

6. Les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, justifient le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers.

7. Il ressort des pièces du dossier que la surface totale du hangar, après extension, sera de 1 399 m². Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados a émis le 3 septembre 2018 sur le projet d'extension et le 18 avril 2019 un avis favorable à la demande de permis de construire modificatif tendant à la création d'une réserve d'eau de 120 m3 sur le terrain d'assiette. En se bornant à soutenir que cette réserve sera d'un accès difficile pour les véhicules de secours en raison de son implantation par rapport aux vents dominants et parce qu'elle sera située à l'extrémité du terrain, alors au demeurant que les plans montrent au contraire la proximité de cette réserve d'eau par rapport au hangar et à la zone d'accès au terrain, les requérants ne remettent pas sérieusement en cause la validité de cet avis. Par ailleurs, ils ne peuvent utilement soutenir que l'étang situé sur la propriété de M. E... ne pourra pas servir de réserve d'eau supplémentaire car il ne respecterait pas les conditions fixées par le règlement départemental de défense contre l'incendie dès lors, d'une part, que l'avis du SDIS ne mentionne pas la présence de cet étang et ne semble pas en avoir tenu compte et, d'autre part, que le règlement départemental de défense contre l'incendie n'est pas directement opposable aux autorisations d'urbanisme en litige. Enfin, le terrain d'assiette est desservi par une voie certes étroite mais pourvue de bas-côtés enherbés et bordée de quelques maisons. Au regard tant des caractéristiques de cette voie que de la configuration des lieux, il ne ressort pas des pièces du dossier que le surcroît de véhicules en relation avec le projet litigieux représenterait un risque pour la circulation. Dans ces conditions, en délivrant le permis de construire contesté, le maire de Sainte-Honorine-du-Fay n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la conformité du projet aux dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". L'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) prévoit : " Esthétique générale : les constructions devront être réalisées en matériaux, dont la teinte se fondra dans le paysage en se rapprochant des matériaux traditionnels utilisés dans la région ".

9. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente doit refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou urbain sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

10. Le terrain d'assiette du projet est situé en zone A dans un vaste tènement agricole. Il est séparé par une impasse d'une zone urbanisée où sont notamment situés le château de Bretteville (XVIe-XVIIIe siècles) et ses dépendances, qui constituent des constructions architecturales de qualité. Si les anciennes dépendances, pour partie transformées en gîte, et la maison de gardien occupée par M. C... ne sont situées qu'à une trentaine de mètres du projet litigieux, le château de Bretteville est quant à lui plus éloigné et en retrait par rapport à la route. Si des vues sur les extensions du hangar seront perceptibles depuis différents endroits du jardin ou du château, il ressort des pièces du dossier que de telles vues existaient déjà sur le hangar dont l'extension est autorisée par les permis litigieux. Enfin la construction autorisée sera partiellement masquée au Nord par une haie et au sud par la végétation le long de la limite parcellaire. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme que le maire de Sainte-Honorine-du-Fay a estimé que la construction projetée pouvait s'insérer dans l'environnement existant et en particulier au regard du château de Bretteville.

11. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les matériaux utilisés pour la construction litigieuse seront un bardage en bac acier de couleur sombre, avec une couverture en bac acier également de couleur sombre. Les requérants n'apportent aucune précision de nature à démontrer que ces teintes ne sont pas utilisées dans la région pour des bâtiments similaires. Dans ces conditions, les dispositions de l'article A 11 du PLU n'ont pas été méconnues.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense à la demande de première instance, que MM. E... et C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administration de Caen a rejeté leur demande.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Honorine-du-Fay, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que MM. E... et C... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de MM. E... et C... une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Sainte-Honorine-du-Fay et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de MM. Revel de Beetteville et C... la somme que M. B... demande au titre des frais exposés. Il ne justifie pas non plus avoir supporté des dépens au titre de la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... et M. C... est rejetée.

Article 2 : M. E... et M. C... verseront ensemble à la commune de Sainte-Honorine-du-Fay la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à M. D... C..., à la commune de Sainte-Honorine-du-Fay et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2021.

La rapporteure,

H. DOUET

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01574


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01574
Date de la décision : 05/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-05;20nt01574 ?
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