Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... M'Chinda et Mme B... M'Chinda ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 16 janvier 2019 des autorités consulaires françaises à Tananarive (Madagascar) refusant la délivrance d'un visa de long séjour à Mme M'Chinda en qualité d'enfant étranger d'un ressortissant français.
Par un jugement no 1908326 du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 mars et 25 août 2020, M. C... M'Chinda et Mme B... M'Chinda, représentés par Me Floch, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision implicite contestée est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation sur l'existence du lien de filiation entre les requérants tant au regard des actes d'état-civil produits que de la possession d'état ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bréchot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... M'Chinda, ressortissante malgache née le 23 novembre 1998, a sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Tananarive (Madagascar) la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'enfant étranger à charge d'un ressortissant français, M. C... M'Chinda, né le 20 décembre 1982. Par une décision du 16 janvier 2019, les autorités consulaires ont refusé de délivrer le visa sollicité. Le silence gardé pendant plus de deux mois par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur le recours formé contre la décision du 16 janvier 2019 a donné naissance à une décision implicite de rejet. Mme B... M'Chinda et M. C... M'Chinda relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort du courrier du 21 août 2019, adressé en réponse à la demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet du recours formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, que celle-ci a fondé sa décision sur le motif tiré de ce que l'acte de naissance produit à l'appui de la demande de visa présentait des invraisemblances telles, s'agissant notamment de la date de son enregistrement et sa numérotation, que sa valeur probante était remise en cause et que l'identité de l'intéressée et son lien familial allégué avec le parent français n'étaient pas établis.
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de son identité et de son lien de filiation avec M. C... M'Chinda, Mme B... M'Chinda a produit successivement deux extraits de l'acte de naissance et de reconnaissance n° 863 dressé le 27 novembre 1998 par l'officier d'état-civil de la commune urbaine de Diégo-Suarez (Madagascar), qui ont été délivrés les 9 février 2015 et 3 janvier 2019. Il est vrai que ces extraits d'un même acte de naissance mentionnent une date de naissance différente pour le père de l'intéressée, à savoir le " vingt décembre mil neuf cent quatre vingt deux " pour l'extrait du 9 février 2015 et le " vingt décembre mil neuf cent quatre vingt quatre " pour l'extrait du 3 janvier 2019. Il est également vrai que, lors d'une vérification in situ effectuée en 2013 du registre d'état-civil de l'année 1998 de la commune de Diégo-Suarez, les autorités consulaires ont constaté que l'acte de naissance n° 952 de ce registre avait été dressé le 20 novembre 1998, ce qui rend incohérent l'attribution du numéro 863 à l'acte de naissance A... la requérante dressé postérieurement. Ces éléments sont de nature à mettre en doute la force probante des extraits d'acte d'état civil produits devant les autorités consulaires et la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Cependant, il ressort également des pièces du dossier versées pour la première fois en appel que, au vu d'un " certificat de non délivrance " établi par le maire de la commune de Diégo-Suarez le 21 janvier 2020, indiquant qu'il était " matériellement impossible " de délivrer l'acte de naissance n° 863 du 27 novembre 1998 concernant Mme M'Chinda, " car les feuilles des registres contenant ledit acte sont fortement détériorées ", un jugement civil du 29 janvier 2020 du tribunal de première instance d'Antsiranana Madagasikara a ordonné, d'une part, la reconstitution de cet acte de naissance et de reconnaissance n° 863 du 27 novembre 1998, avec notamment pour mention que Mme B... M'Chinda est la fille de M. C... M'Chinda, né le 20 décembre 1982 à Diégo-Suarez, et, d'autre part, la transcription du dispositif de ce jugement sur les registres de l'état civil de l'année en cours de la commune urbaine de Diégo-Suarez et la mention de cette inscription sur les registres des actes tenus pour l'année 1998 à la date la plus proche. En soutenant qu'au regard des articles 47, 68 et 69 de la loi malgache du 9 octobre 1961 relative aux actes d'état civil, la requête de Mme M'Chinda en reconstitution de l'acte de naissance n'était pas justifiée et qu'elle aurait dû solliciter un jugement supplétif d'acte de naissance, le ministre de l'intérieur se borne à mettre en doute le bien-fondé de ce jugement étranger, ce qu'il ne lui appartient pas de faire, et ne fait pas état d'éléments permettant de conclure que ce jugement aurait un caractère frauduleux. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pu légalement retenir que l'identité de Mme M'Chinda et son lien de filiation avec M. M'Chinda n'étaient pas établis.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme M'Chinda et M. M'Chinda sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Lorsqu'elles sont saisies d'une demande tendant à la délivrance d'un visa de long séjour par un ressortissant étranger faisant état de sa qualité de descendant à charge de ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que le demandeur ne saurait être regardé comme étant à la charge de son ascendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son ascendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
8. Le présent arrêt implique seulement, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur réexamine la demande de Mme M'Chinda. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 janvier 2020 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de Mme M'Chinda tendant à se voir délivrer un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme M'Chinda et M. M'Chinda est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... M'Chinda et Mme B... M'Chinda et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2021.
Le rapporteur,
F.-X. BréchotLe président,
A. Pérez
La greffière,
A. Lemée
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
No 20NT00917