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29/10/2021 | FRANCE | N°21NT01586

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 octobre 2021, 21NT01586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour ou à titre subsidiaire la décision portant refus de renouvellement d'une autorisation provisoire de séjour.

M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions du 26 février 2021 par lesquelles le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitte

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour ou à titre subsidiaire la décision portant refus de renouvellement d'une autorisation provisoire de séjour.

M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions du 26 février 2021 par lesquelles le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'une année.

Par un jugement n° 2100248, 2100439 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Caen a, en premier lieu, constaté qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 2100248 et, en second lieu, rejeté les conclusions de la requête n° 2100439.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2021, M. B... C..., représenté par Me Souty, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100248, 2100439 du tribunal administratif de Caen du 20 mai 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 26 février 2021 par lesquelles le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 4 jours, sous astreinte de 600 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de deux mille euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat, ou subsidiairement à son profit s'il ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, tant pour la première instance que l'appel ; à titre subsidiaire de mettre à la charge de l'Etat la même somme à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions méconnaissent l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Rouen du 9 juillet 2020 ; la question de la menace actuelle à l'ordre public a déjà été tranchée par ce jugement ;

- l'arrêté du 26 février 2021 est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté du 26 février 2021 est entaché d'une erreur de fait quant à la nationalité de sa fille A... ;

- le préfet du Calvados n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- les stipulations de l'article 6 § 4 de l'accord franco-algérien ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

- les décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,

- et les observations de Me Neraudau, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant algérien né en mai 1995, est entré en France selon ses déclarations en 2017. Par un arrêté du 12 juin 2020, le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une année. Par un jugement du 9 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions du 12 juin 2020 et enjoint au préfet du Calvados de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour pendant la durée du réexamen de sa situation. A l'issue de ce réexamen et après réunion de la commission du titre de séjour le 31 août 2020, par un arrêté du 26 février 2021, le préfet du Calvados a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'une année. M. C... relève appel du jugement du 20 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 février 2021.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 stipule que : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. Il ressort des pièces du dossier que si M. C... a été condamné à trois reprises, à neuf mois d'emprisonnement, dont trois avec sursis en 2018, à dix mois d'emprisonnement en 2018 et enfin à 8 mois d'emprisonnement en janvier 2020, pour des faits de vols avec violence, vol aggravé, dégradation de bien privé, escroquerie ou tentatives d'escroquerie, ces faits sont antérieurs à la naissance, le 28 mars 2020, de sa fille A..., née de sa relation avec une ressortissante française. Il ressort également des pièces du dossier, notamment des attestations nombreuses et concordantes de la famille de sa compagne, que l'intéressé, qui a reconnu sa fille avant la naissance, se montre très impliqué auprès de son enfant, depuis le début de la grossesse. Postérieurement à sa sortie de prison, M. C... s'est installé, en août 2020, avec sa compagne et leur fille dans un appartement situé à Caen. Il ressort en outre des pièces du dossier que la mère de la petite n'exerce pas d'emploi et doit suivre des formations, alors que M. C... s'est vu proposer, sous réserve de régularisation de sa situation au regard du droit au séjour, une promesse d'embauche pour un emploi à temps complet et sous contrat à durée indéterminée en qualité de tailleur de pierres en bâtiment et serait donc à même de subvenir aux besoins de sa fille. La commission du titre de séjour réunie le 31 août 2020, et qui a d'ailleurs émis un avis favorable, a ainsi relevé que M. C... " sembl[ait] s'investir dans l'éducation de son enfant " et " présent[ait) un projet professionnel cohérent avec les domaines professionnels actuellement en tension ". Dans ces conditions, malgré les actes délictueux ayant entraîné les condamnations passées et le fait qu'il n'a pas respecté une précédente mesure d'éloignement, antérieure à la naissance de sa fille, M. C... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un certificat de résidence, en l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une année, le préfet du Calvados a méconnu l'intérêt supérieur de sa fille.

4. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 février 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. C... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais du litige :

6. M. C... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Souty dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100248 et 2100439 du tribunal administratif de Caen du 20 mai 2021 est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 26 février 2021. L'arrêté du 26 février 2021 par lequel le préfet du Calvados a refusé d'admettre M. C... au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une année est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. C... un certificat de résidence d'algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Souty la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Souty et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2021.

La rapporteure,

M. BERIA-GUILLAUMIELe président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01586


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01586
Date de la décision : 29/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SOUTY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-29;21nt01586 ?
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