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26/10/2021 | FRANCE | N°20NT02363

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 octobre 2021, 20NT02363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 24 octobre 2018 de l'autorité consulaire française en Haïti refusant de délivrer à sa fille mineure, A... B..., un visa de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1900785 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa deman

de.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 24 octobre 2018 de l'autorité consulaire française en Haïti refusant de délivrer à sa fille mineure, A... B..., un visa de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1900785 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, Mme D... C..., représentée par Me Ouraghi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 24 octobre 2018 de l'autorité consulaire française en Haïti refusant de délivrer à sa fille mineure, A... B..., un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou de réexaminer la demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ouraghi, son avocate, de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de son lien familial avec l'enfant, lequel est établi tant par l'acte de naissance dont le caractère frauduleux n'est pas démontré que par des éléments de possession d'état ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et méconnaît l'article 9 de la même convention internationale prohibant la séparation des enfants de leurs parents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2020 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 24 octobre 2018 de l'autorité consulaire française en Haïti refusant de délivrer à sa fille mineure, A... B..., un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial. Mme C... relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante a demandé la communication des motifs de la décision implicite de rejet de la commission de recours. Il suit de là que le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision est inopérant. En outre, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative relatives à l'opposabilité des délais de recours contentieux pour soutenir que l'accusé de réception de son recours formé devant la commission de recours devait comporter une mention relative à la possibilité de demander la communication des motifs. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dernières dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Aux termes de l'article 311-1 du code civil : " La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. / Les principaux de ces faits sont : / 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ; / 2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ; / 3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ; / 4° Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ; / 5° Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue. " Selon l'article 311-2 du même code : " La possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque. "

5. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public, au nombre desquels figure le défaut de valeur probante des actes de de filiation produits.

6. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur produites en première instance que la commission de recours a fondé sa décision implicite sur un motif tiré de ce que le lien de filiation allégué n'est pas établi en raison du caractère frauduleux de l'acte de naissance produit à l'appui de la demande de visa déposée pour l'enfant Love B....

7. D'une part, pour établir son lien de filiation avec l'enfant pour lequel le visa de long séjour a été demandé au titre du regroupement familial, Mme C... a produit un acte de naissance établi le 26 décembre 2002 par l'officier d'état civil de Port-au-Prince. Il ressort des pièces du dossier que l'article 55 du code civil haïtien prévoit que " l'acte de naissance régulièrement établi par l'officier de l'état civil devra être obligatoirement produit au moment du baptême ou de la présentation au temple de toute personne, et mention en sera faite dans tout certificat délivré par les ministres des cultes avec indication de l'office de l'état civil d'où l'acte émane ainsi que de la page du registre et du numéro de l'acte. ". A l'appui de la demande de visa Mme C... a également produit un certificat de présentation au temple dressé le 28 avril 2002, mentionnant un autre acte de naissance que celui produit à l'appui de la demande de visa. Outre que ce premier acte de naissance n'a pas été produit, la requérante se borne à soutenir l'avoir perdu consécutivement au cyclone survenu en Haïti en 2008 et au séisme de 2010 et n'apporte pas d'explication quant à l'établissement du second acte de naissance en décembre 2002, soit bien avant les catastrophes naturelles invoquées. Dans ces conditions, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'illégalité en retenant le caractère frauduleux de l'acte d'état civil produit par Mme C... à l'appui de la demande de visa déposée pour sa fille alléguée, Love B....

8. D'autre part, afin de justifier de l'existence d'une filiation par possession d'état, Mme C... produit des attestations de proches et d'un bénévole d'une association qui a aidé l'intéressée dans ses démarches de regroupement familial, un billet d'avion pour un voyage en Haïti en C... 2016, des bordereaux d'envoi d'argent à ses deux sœurs et des factures de l'établissement où est scolarisée l'enfant concerné. Par ces éléments Mme C... ne justifie pas suffisamment de l'existence d'un lien de filiation par possession d'état avec la jeune A... B....

9. En troisième lieu, le lien de filiation entre Mme C... et l'enfant Love B... n'étant pas établi, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 et, en tout état de cause, de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente assesseure,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2021.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

J. FRANCFORT Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 20NT02363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02363
Date de la décision : 26/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : OURAGHI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-26;20nt02363 ?
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