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26/10/2021 | FRANCE | N°19NT04883

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 octobre 2021, 19NT04883


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1602617, l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives (APA) a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et les suspensions de la servitude de passage sur le territoire de la commune du Riec-sur-Bélon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Ri

ec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, ainsi que la décision rejetant...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 1602617, l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives (APA) a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et les suspensions de la servitude de passage sur le territoire de la commune du Riec-sur-Bélon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 50 000 euros en réparation de ses préjudices.

Par une requête n° 1602057, M. et Mme O... et les consorts J... ont demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et les suspensions de la servitude de passage sur le territoire de la commune du Riec-sur-Bélon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à leur verser une indemnité d'un montant de 200 000 euros en réparation de leurs préjudices.

Par une requête n° 1602337, M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et les suspensions de la servitude de passage sur le territoire de la commune du Riec-sur-Bélon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.

Par une requête n° 1602958, M. N... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et les suspensions de la servitude de passage sur le territoire de la commune du Riec-sur-Bélon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, en tant qu'il modifie le tracé de la servitude sur la parcelle cadastrée dans la section YL au numéro 55 et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Finistère de modifier l'arrêté du 22 décembre 2015 en tant qu'il concerne la parcelle cadastrée YL 55 dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n°s 1602057, 1602337, 1602617 et 1602958 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 22 décembre 2015 du préfet du Finistère en tant qu'il modifie le tracé de la servitude de passage sur les parcelles cadastrées section YO n° 23, section YR n°s 33 et 135 et section YT n°s 5 et 35 ainsi que la partie du tracé modifié sur la parcelle YL 55, depuis le parking situé au sud-ouest de cette parcelle jusqu'au point où ce tracé rejoint le chemin de grande randonnée présent au nord sur cette parcelle, et a rejeté le surplus des conclusions des quatre requêtes.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête n° 19NT04883, enregistrée le 17 décembre 2019, l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives (APA), représentée par Me Paul, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation, dans son intégralité, de l'arrêté du préfet du Finistère du 22 décembre 2015 ;

2°) d'annuler dans son intégralité l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et les suspensions de la servitude de passage sur le territoire de la commune du Riec-sur-Bélon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 50 000 euros en réparation de ses préjudices ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il a été pris sans concertation préalable, en violation de l'ancien article R. 160-18 du code de l'urbanisme, devenu l'article R. 121-21 ;

- il a été pris en méconnaissance de la garantie des droits des propriétaires au cours de la phase préparatoire du projet ;

- il a été pris à l'issue d'une enquête publique irrégulière ;

- il est dépourvu de base légale, dans la mesure où la servitude de passage des piétons le long du littoral n'est pas applicable au domaine public fluvial auquel appartient la rivière de l'Aven ;

- il porte une atteinte directe et grave au droit de propriété et au droit de disposer librement de ses biens ;

- il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur le fonctionnement d'un établissement conchylicole, sur la conservation d'un site à protéger pour des raisons écologiques ou de stabilité des sols, sur la sécurité des riverains et des promeneurs ; il est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation en raison de l'existence d'une continuité du cheminement des piétons, de l'évolution prévisible du rivage susceptible d'entraîner un recul des terres émergées, de la présence d'obstacles justifiant la suspension de la servitude, de la violation des droits acquis et de la discontinuité du tracé ;

- il a été pris en méconnaissance du principe d'égalité ;

- le refus du préfet du Finistère d'abroger l'arrêté du 22 décembre 2015 en raison de son illégalité est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- ayant pour objet la protection de l'environnement sur les rives de l'Aven et la protection du cadre de vie des riverains, l'illégalité de l'arrêté du 22 décembre 2015 lui a causé des préjudices qui devront être réparés par le versement d'une indemnité d'un montant de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle s'en rapporte aux écritures en défense présentées en première instance par le préfet du Finistère et soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Par un courrier du 13 septembre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement attaqué n°s 1602057, 1602337, 1602617 et 1602958 du 18 octobre 2019 pour avoir omis de prononcer un non-lieu à statuer partiel, relativement à la modification du tracé de la servitude de passage sur les parcelles cadastrées section YO n° 23, section YV n° 1 et YT n° 46, alors que cette partie de l'arrêté contesté du 22 décembre 2015 avait fait l'objet d'une annulation par le jugement n° 1602945 du 9 juillet 2019 du tribunal administratif de Rennes, devenu définitif à la date du jugement attaqué.

II.- Par une requête n° 19NT04887 et des mémoires, enregistrés les 17 décembre 2019, 3 juillet 2020, 30 juillet 2020 et 14 septembre 2021 (non communiqué), M. F... J..., M. E... J..., Mme M... J..., Mme I... J... épouse D..., M. A... J..., M. H... J... et Mme K... J..., représentés par Me Paul, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions tendant à l'annulation, dans son intégralité, de l'arrêté du préfet du Finistère du 22 décembre 2015 ;

2°) d'annuler dans son intégralité l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et les suspensions de la servitude de passage sur le territoire de la commune du Riec-sur-Bélon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser une indemnité d'un montant de 200 000 euros en réparation de leurs préjudices ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté contesté a été pris sans concertation préalable, en violation de l'ancien article R. 160-18 du code de l'urbanisme, devenu l'article R. 121-21 ;

- il a été pris à l'issue d'une enquête publique irrégulière ;

- il porte une atteinte directe et grave au droit de propriété et au droit de disposer librement de ses biens ;

- il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur le fonctionnement d'un établissement conchylicole, sur la conservation d'un site à protéger pour des raisons écologiques ou de stabilité des sols, sur la sécurité des riverains et des promeneurs ; il est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation en raison de l'existence d'une continuité du cheminement des piétons, de l'évolution prévisible du rivage susceptible d'entraîner un recul des terres émergées, de la présence d'obstacles justifiant la suspension de la servitude, de la violation des droits acquis et de la discontinuité du tracé ;

- il a été pris en méconnaissance du principe d'égalité ;

- le refus du préfet du Finistère d'abroger l'arrêté du 22 décembre 2015 en raison de son illégalité est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- compte tenu des désordres et de l'atteinte portée à leur droit de propriété, l'illégalité de l'arrêté du 22 décembre 2015 leur a causé des préjudices qui devront être réparés par le versement d'une indemnité d'un montant de 200 000 euros.

Par un courrier du 6 janvier 2020, M. F... J... a été désigné comme représentant unique des requérants par Me Paul.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle s'en rapporte aux écritures en défense présentées en première instance par le préfet du Finistère et soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Par un courrier du 13 septembre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement attaqué n°s 1602057, 1602337, 1602617 et 1602958 du 18 octobre 2019 pour avoir omis de prononcer un non-lieu à statuer partiel, relativement à la modification du tracé de la servitude de passage sur les parcelles cadastrées section YO n° 23, section YV n° 1 et YT n° 46, alors que cette partie de l'arrêté contesté du 22 décembre 2015 avait fait l'objet d'une annulation par le jugement n° 1602945 du 9 juillet 2019 du tribunal administratif de Rennes, devenu définitif à la date du jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

-le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 43-374 du 6 juillet 1943 relative à l'exécution des travaux géodésiques et cadastraux et à la conservation des signaux, bornes et repères ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Franc, substituant Me Paul, pour l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives et les consorts J....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n°s 1602057, 1602337, 1602617 et 1602958 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 22 décembre 2015 du préfet du Finistère en tant qu'il modifie le tracé de la servitude de passage, d'une part sur les parcelles cadastrées YO 23, YR 33, YR 135, YT 5 et YT 35, et d'autre part sur la parcelle YL 55, depuis le parking situé au sud-ouest de cette parcelle jusqu'au point où ce tracé rejoint le chemin de grande randonnée présent au nord sur cette parcelle et rejeté le surplus des conclusions des quatre requêtes. L'association pour la protection de l'Aven et de ses rives (APA) et les consorts J... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Au point 4 du jugement attaqué, les premiers juges ont relevé que, par le jugement n° 1602945 du 9 juillet 2019, le tribunal avait annulé l'arrêté du 22 décembre 2015 en tant seulement que cet arrêté modifiait le tracé de la servitude de passage littorale sur les parcelles cadastrées section YV n° 1 et section YT n° 46 et que ce jugement était devenu définitif à défaut d'avoir fait l'objet d'un appel dans le délai imparti. Dès lors les premiers juges ont constaté à bon droit, dans les motifs de leur jugement, que les conclusions présentées par M. et Mme O..., les consorts J..., M. B... et l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives avaient perdu leur objet s'agissant seulement des parcelles YV 1 et YT 46. Toutefois, le tribunal administratif de Rennes a omis de prononcer le non-lieu à statuer partiel qui en résultait dans le dispositif du jugement attaqué. Ce jugement est dès lors entaché d'irrégularité et doit être annulé dans cette mesure.

3. Par suite il y a lieu pour la cour, d'une part, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives et les consorts J... devant le tribunal administratif de Rennes en tant qu'elles portaient sur les parcelles YV n°1 et YT n°46 et, d'autre part, d'examiner le surplus du litige dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Finistère du 22 décembre 2015 en tant qu'il porte modification du tracé de la servitude de passage littorale sur les parcelles YV n°1 et YT n°46 :

4. Ainsi qu'il a été exposé au point 2 du présent arrêt, par un jugement n° 1602945 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes avait annulé l'arrêté du 22 décembre 2015 en tant seulement que cet arrêté modifiait le tracé de la servitude de passage littorale sur les parcelles cadastrées section YV n° 1 et section YT n° 46. Ce jugement était devenu définitif à défaut d'avoir fait l'objet d'un appel dans le délai imparti. Il s'en suit que les conclusions présentées par l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives et les consorts J... tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2015 ont perdu leur objet en tant qu'elles concernent les parcelles YV 1 et YT 46. Il n'a pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué, en tant qu'il porte sur le surplus de l'arrêté du 22 décembre 2015 :

En ce qui concerne les textes applicables :

5. Aux termes de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d'une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. / L'autorité administrative peut, par décision motivée prise après avis du ou des conseils municipaux intéressés et au vu du résultat d'une enquête publique effectuée comme en matière d'expropriation : / a) Modifier le tracé ou les caractéristiques de la servitude, afin, d'une part, d'assurer, compte tenu notamment de la présence d'obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, d'autre part, de tenir compte des chemins ou règles locales préexistants ; le tracé modifié peut grever exceptionnellement des propriétés non riveraines du domaine public maritime ; / b) A titre exceptionnel, la suspendre. / Sauf dans le cas où l'institution de la servitude est le seul moyen d'assurer la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, la servitude instituée aux alinéas 1 et 2 ci-dessus ne peut grever les terrains situés à moins de quinze mètres des bâtiments à usage d'habitation édifiés avant le 1er janvier 1976, ni grever des terrains attenants à des maisons d'habitation et clos de murs au 1er janvier 1976 ". Aux termes de l'article R. 2111-5 du code général de la propriété des personnes publiques : " La procédure de délimitation (...) des limites transversales de la mer à l'embouchure des fleuves et rivières est conduite, sous l'autorité du préfet, par le service de l'Etat chargé du domaine public maritime. / (...) Les procédés scientifiques auxquels il est recouru pour la délimitation sont les traitements de données topographiques, météorologiques, marégraphiques, houlographiques, morpho-sédimentaires, botaniques, zoologiques, bathymétriques, photographiques, géographiques, satellitaires ou historiques. ".

6. S'agissant de la rivière maritime de l'Aven, il ressort des pièces du dossier que la limite transversale de la mer a été déterminée par un décret du 3 juin 1899, pris en application du décret du 21 février 1852, aujourd'hui codifié aux articles R. 2111-5 à R. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques. Le décret du 3 juin 1899 a ainsi fixé la limite transversale de la mer à l'embouchure de l'Aven suivant une ligne tracée le long de la crête du déversoir commun aux usines Even-Simmonou, dans la commune de Pont-Aven. Cette limite est reprise dans les documents cartographiques du système d'information géographique de la direction départementale des territoires et de la mer du Finistère. Si, eu égard au caractère recognitif de l'acte de délimitation de la limite transversale de la mer à l'embouchure d'un fleuve, la délimitation à laquelle il procède peut être contestée à toute époque, l'association APA qui soutient que la rivière de l'Aven appartient au domaine public fluvial auquel ne s'appliquerait pas la servitude de passage des piétons le long du littoral, n'apporte toutefois aucun élément de nature à remettre en cause la délimitation fixée par le décret du 3 juin 1899. Il en résulte que la rivière de l'Aven doit être regardée comme appartenant au domaine public maritime jusqu'à la ligne tracée le long de la crête du déversoir commun aux usines Even-Simmonou, au centre-bourg de la commune de Pont-Aven. Par suite, et contrairement à ce que soutient l'association requérante, l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère modifie le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral ou la suspend sur le territoire de la commune de Riec-sur-Bélon pouvait être pris légalement sur le fondement des dispositions alors en vigueur de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme, qui régissaient les servitudes de passage des piétons le long du littoral.

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté contesté :

7. L'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 cite les articles du code de l'urbanisme relatifs à la servitude de passage des piétons le long du littoral maritime, notamment les articles L. 160-6 et R. 160-12 alors en vigueur et énonce qu'il y a lieu de modifier le tracé et les caractéristiques de cette servitude le long du littoral de la commune de Riec-sur-Bélon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, comme le prévoit le dossier annexé à l'arrêté. Il énonce également qu'il y a lieu de suspendre la servitude de passage des piétons le long du littoral partiellement sur les parcelles mentionnées dans les chapitres III (description et justification du tracé de la servitude) et IV (liste des propriétaires) du dossier annexé. De plus, l'article 1er de l'arrêté contesté fait expressément référence au dossier d'approbation qui lui est annexé, lequel décrit chacune des parcelles concernées par la servitude de passage ainsi que la consistance du rivage et précise pour chacune des parcelles l'implantation de la servitude et les travaux à réaliser. Dans ces conditions, l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 est suffisamment motivé en droit et en fait. Le moyen tiré du défaut de motivation doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne la procédure :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 160-11 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " I. ' Le tracé ainsi que les caractéristiques de la servitude de passage instituée par l'article L. 160-6 peuvent être modifiés notamment pour tenir compte de l'évolution prévisible du rivage afin d'assurer la pérennité du sentier permettant le cheminement des piétons. / II. ' Le tracé ainsi que les caractéristiques de la servitude de passage sont modifiés dans les conditions définies par les articles R. 160-13 à R. 160-15 et R. 160-17 à R. 160-22. ". Aux termes de l'article R. 160-12 du même code, alors en vigueur : " A titre exceptionnel, la servitude instituée par l'article L. 160-6 peut être suspendue (...). / La suspension de la servitude est prononcée dans les conditions définies par les articles R. 160-14, R. 160-15 et R. 160-17 à R. 160-22 ". Aux termes de l'article R. 160-17 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " L'enquête mentionnée aux articles R. 160-14 et R. 160-16-1 a lieu dans les formes prévues pour les enquêtes publiques relevant de l'article L. 110-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique régies par le titre Ier du livre Ier du même code, sous réserve des dispositions particulières édictées aux articles R. 160-18 et R. 160-19 du présent code ". Aux termes de l'article R. 160-18 du même code, alors en vigueur : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête peut décider de procéder à une visite des lieux. Dans ce cas, le commissaire enquêteur ou le président de la commission avise le maire et convoque sur place les propriétaires intéressés ainsi que les représentants des administrations ; après les avoir entendus, il dresse procès-verbal de la réunion ".

9. L'enquête publique, prévue par les dispositions précitées de l'article R. 160-17 du code de l'urbanisme, s'est déroulée du 30 juin au 22 juillet 2014. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'enquête publique, que plusieurs visites sur les lieux ont été effectuées le 8 août 2014 sur les propriétés de M. et Mme L..., de Mme C... et de M. N.... Si l'obligation, alors prévue par l'article R. 160-18 du code de l'urbanisme, de convoquer à la visite des lieux les propriétaires intéressés ne se limite pas aux seuls propriétaires ayant exprimé le souhait qu'il soit procédé à une visite des lieux, les dispositions de l'article R. 160-18 imposent au commissaire enquêteur qui entend procéder à une visite des lieux de convoquer tous les propriétaires des parcelles visitées et non l'ensemble des propriétaires concernés par l'enquête publique relative au projet de modification du tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral et de suspension de cette servitude. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en ne convoquant pas les consorts J..., dont les parcelles se situent à plus d'un kilomètre des parcelles visitées, le commissaire enquêteur aurait méconnu les dispositions de l'article R. 160-18 du code de l'urbanisme alors en vigueur.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 20 février 2012, publié au recueil des actes administratifs n° 6 de mars 2012, le préfet du Finistère a autorisé les agents de la direction départementale des territoires et de la mer et les prestataires intervenants sur ce projet pour le compte de la direction départementale des territoires et de la mer, sur le fondement des dispositions de la loi du 6 juillet 1943 relative à l'exécution des travaux géodésiques et cadastraux et à la conservation des signaux, bornes et repères, à pénétrer dans les propriétés privées pour les besoins des études nécessaires à l'établissement du projet de servitude de passage des piétons le long du littoral, sur le territoire de la commune de Riec-sur-Bélon, et à y planter balises, jalons, piquets ou repères, que les études ou la rédaction des projets rendront indispensables. Si le droit de propriété est une liberté fondamentale, les mesures prescrites par l'arrêté du préfet du Finistère du 20 février 2012 se bornent à permettre la réalisation de constats nécessaires à la constitution du dossier d'enquête publique préalable à la définition du tracé, sur les parcelles en cause, de la servitude prévue par l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme. Par suite, contrairement à ce que soutiennent l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives et les consorts J..., les agents de la direction départementale des territoires et de la mer et du bureau d'études chargés de préparer le dossier d'enquête publique relatif à la modification du tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral et à la suspension de cette servitude ne se sont pas introduits sans autorisation dans les propriétés privées concernées. Le moyen tiré de la violation du droit de propriété pendant la phase préparatoire doit dès lors et en tout état de cause être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 160-14 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " En vue de la modification, par application des alinéas 2 et 3 de l'article L. 160-6, du tracé ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques de la servitude, le chef du service maritime adresse au préfet, pour être soumis à enquête, un dossier qui comprend : / a) Une notice explicative exposant l'objet de l'opération prévue ; / b) Le plan parcellaire des terrains sur lesquels le transfert de la servitude est envisagé, avec l'indication du tracé à établir et celle de la largeur du passage ; / c) La liste par communes des propriétaires concernés par le transfert de la servitude, dressée à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le conservateur des hypothèques au vu du fichier immobilier, ou par tous autres moyens ; / d) L'indication des parties de territoire où il est envisagé de suspendre l'application de la servitude, notamment dans les cas visés à l'article R. 160-12, ainsi que les motifs de cette suspension, et celle des parties de territoire où le tracé de la servitude a été modifié par arrêté préfectoral en application du II de l'article R. 160-11 ".

12. Il ressort des pièces du dossier que le dossier d'enquête publique mentionne, en page 6, qu'en cas de recul de la servitude de passage, la largeur de celle-ci est conservée à trois mètres et que seule une partie de cette emprise sera généralement aménagée pour le passage des piétons, sur une largeur moindre. En outre, l'arrêté du 22 décembre 2015 concerne seulement le territoire de la commune de Riec-sur-Bélon et le dossier d'enquête publique présente la liste des propriétaires concernés par ordre alphabétique des références cadastrales des parcelles d'assiette de la servitude de passage des piétons le long du littoral. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier d'enquête publique mentionne bien la largeur du passage et la liste des propriétaires concernés. Enfin, les documents cartographiques inclus dans le dossier d'enquête publique, lesquels sont complétés par une description précise de chaque parcelle et du tracé de la servitude sur chacune d'elles, permettent de suivre le cheminement exact de la servitude. Il suit de là que le moyen tiré du caractère incomplet du dossier d'enquête publique au regard des dispositions de l'article R. 160-14 du code de l'urbanisme doit être écarté. Par ailleurs et en tout état de cause, ces dispositions ne sont pas applicables au dossier d'approbation.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte au droit de propriété :

13. Prévue par le a) de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme alors applicable, cité au point 5, la faculté de modifier le tracé et les caractéristiques de cette servitude sur les propriétés riveraines du domaine public maritime voire d'en grever, exceptionnellement, des propriétés qui n'en sont pas riveraines, n'est ouverte à l'administration que dans la stricte mesure nécessaire au respect des objectifs fixés par la loi.

14. Il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier d'approbation annexé à l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015, qu'au lieu-dit " Coat Melen ", le passage des piétons se fera à partir du chemin n° 189 vers le chemin cadastré YO 35, propriété privée de la commune, ouvert au public pour desservir les parcelles YO 47, YO 34 et YO 33 puis, en longeant la parcelle YO 34 sur la limite sud, pour rejoindre le rivage de l'Aven. L'association pour la protection de l'Aven et de ses rives soutient qu'il existe un tracé alternatif permettant de contourner les parcelles YO 44, YO 55 et YO 33, en empruntant le chemin n° 189 avant de longer les parcelles YO 55 et YO 33 sur leurs limites sud jusqu'au rivage de l'Aven. Toutefois, outre que la circonstance qu'il existerait un tracé alternatif ne saurait suffire à elle seule à démontrer l'illégalité du tracé retenu par l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015, le tracé alternatif proposé par les requérants passe à plusieurs centaines de mètres des rives et ne permet pas aux piétons de circuler au plus près du littoral. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des photographies produites par les requérants et du constat d'huissier établi le 12 juillet 2020, que le passage par les parcelles YO 33 et YO 35 serait dangereux. Enfin, si contrairement aux parcelles YT 45, YR 34 et YK 72, la parcelle YO 34 ne fait pas l'objet d'une convention de passage, la servitude légale de passage des piétons le long du littoral permet la circulation des piétons sans qu'il soit besoin d'obtenir l'autorisation du propriétaire. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte au droit de propriété doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur d'appréciation :

15. Aux termes de l'article R. 160-12 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " A titre exceptionnel, la servitude instituée par l'article L. 160-6 peut être suspendue, notamment dans les cas suivants : / a) Lorsque les piétons peuvent circuler le long du rivage de la mer grâce à des voies ou passages ouverts au public ; / b) Si le maintien de la servitude de passage fait obstacle au fonctionnement soit d'un service public, soit d'un établissement de pêche bénéficiaire d'une concession, soit d'une entreprise de construction ou de réparation navale ; / c) A l'intérieur des limites d'un port maritime ; / d) A proximité des installations utilisées pour les besoins de la défense nationale ; / e) Si le maintien de la servitude de passage est de nature à compromettre soit la conservation d'un site à protéger pour des raisons d'ordre écologique ou archéologique, soit la stabilité des sols ; / f) Si l'évolution prévisible du rivage est susceptible d'entraîner un recul des terres émergées. (...) ".

16. Les dispositions de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme citées au point 5 instituent un droit de passage le long du littoral au profit des piétons. Dès lors, ainsi qu'il résulte d'ailleurs des termes mêmes du b) de cet article, la suspension de la servitude de passage sur certaines portions du littoral ne saurait être qu'exceptionnelle. Dans l'hypothèse prévue par les dispositions précitées au point 15 du e) de l'article R. 160-12 du code de l'urbanisme, l'administration ne peut légalement décider de suspendre, jusqu'à nouvel ordre, la servitude, que si elle justifie que ni la définition de la servitude dans les conditions prévues par l'article R. 160- 8 du code, ni une modification de son tracé ou de ses caractéristiques dans les conditions et limites prévues par la loi, ne peuvent, même après la réalisation des travaux qu'implique la mise en état du site pour assurer le libre passage et la sécurité des piétons mentionnés à l'article R. 160-25 du code, garantir la conservation d'un site à protéger pour des raisons d'ordre écologique ou archéologique, ou, dans l'intérêt tant de la sécurité publique que de la préservation des équilibres naturels et écologiques, la stabilité des sols.

17. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la servitude de passage des piétons le long du littoral a été suspendue sur les parcelles YL 81, 82 et 83, en raison de la présence des installations de l'établissement ostréicole du château de Bélon. Il ressort également des pièces du dossier que le comité régional de conchyliculture a préconisé d'éviter la traversée des zones conchylicoles, compte tenu des impératifs de sécurité des piétons, des risques de vol et de dégradation sanitaire de l'installation, de l'eau et du produit lui-même. Toutefois, si les requérant se prévalent de ce qu'une exploitation conchylicole, dirigée par M. G..., se situe au droit de la parcelle YO 33, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maintien de la servitude de passage sur cette parcelle ferait obstacle au fonctionnement de cette exploitation.

18. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier d'approbation annexé à l'arrêté du 22 décembre 2015, que le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral a été modifié sur les parcelles YT 2, YT 5 et YT 35 pour passer en retrait de la falaise et, dans la partie nord, en retrait du secteur des terriers qui peuvent être occupés par des tadornes de Belon et en retrait des zones de nourrissage de ces oiseaux. Ce faisant, l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 a tenu compte des conclusions du commissaire enquêteur et du rapport de l'office national de la chasse qui recommandaient d'éviter les lieux de nidification de cette espèce. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le tracé ainsi modifié ne permettrait pas la conservation du site et de son avifaune.

19. En troisième lieu, il ressort du dossier d'approbation que l'aménagement de la servitude de passage des piétons le long du littoral consiste en des travaux de débroussaillage, sur une largeur maximale de trois mètres. Contrairement à ce que soutient l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives, la mise en place de la servitude de passage des piétons le long du littoral ne va nécessiter aucun abattage d'arbres ni aucun défrichement important, notamment dans des zones boisées comportant des arbres de haute tige, un espace boisé classé (parcelles YV 1, YV 22, YV 23, YT 5 et YT 35) ou encore dans un " espace remarquable protégé " (parcelles YT 5 et YV 1). En outre, la matérialisation du sentier s'accompagne de la pose de panneaux signalétiques, rappelant les règles de bonne conduite, et pédagogiques, sensibilisant le public à la protection de la faune et de la flore. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la servitude de passage des piétons le long du littoral instaurée par l'arrêté préfectoral contesté porte atteinte à la conservation d'un site à protéger pour des raisons écologiques.

20. En quatrième lieu, il ressort du dossier d'approbation que le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral est modifié, notamment sur les parcelles YT 5 et YT 9, pour passer en retrait des falaises présentant des signes d'instabilité ou d'érosion, cela pour garantir la sécurité des piétons. La servitude est également suspendue, notamment sur la parcelle YT 7, lorsqu'un risque de submersion de la parcelle associé à un phénomène d'érosion est avéré. Il ressort dès lors des pièces du dossier que l'érosion des sols et de la falaise a été pris en compte pour modifier le tracé de la servitude de passage ou bien la suspendre. Par suite, l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives et les consorts J... ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 contesté porte atteinte à la stabilité des sols.

21. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'extrait cartographique produit par le préfet du Finistère, que le chemin de grande randonnée n° 34 (GR 34), ouvert au public, ne passe qu'à de rares endroits au plus près des rivages de l'Aven et du Bélon. Il ressort du dossier d'approbation annexé à l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 que lorsque des obstacles au cheminement des piétons sur le tracé de la servitude de passage sont identifiés et que le GR 34 se situe immédiatement en retrait de ces obstacles, le tracé de la servitude est modifié pour emprunter ce chemin de grande randonnée, notamment sur les parcelles YV 49 et YV 50 ou encore sur les parcelles YO 37, YO 46, YO 38 et YO 47. La servitude de passage des piétons le long du littoral ne peut être suspendue qu'à titre exceptionnel, notamment lorsque les piétons peuvent circuler le long du rivage de la mer grâce à des voies ou passages ouverts au public, et il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient l'association requérante, le GR 34 ne saurait être regardé comme assurant une continuité de circulation des piétons le long du littoral. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du a) de l'article R. 160-12 du code de l'urbanisme alors en vigueur doit être écarté.

22. En sixième lieu, en se bornant à soutenir que " le tracé ne tient pas compte du recul programmé des terres émergées. Le risque d'érosion des berges est pourtant avéré et mentionné dans le dossier d'approbation. De nombreuses parcelles sont concernées par ce risque. ", les requérants n'assortissent pas le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du f) de l'article R. 160-12 du code de l'urbanisme des précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé.

23. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier que les parcelles YO 37, YO 46, YO 38 et YO 47 forment une pointe avancée dans l'Aven et qu'en application des dispositions de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme alors en vigueur, citées au point 5, l'existence de maisons d'habitation édifiées avant le 1er janvier 1976 ne permet pas faire passer la servitude de passage des piétons le long du littoral sur les parcelles YO 38 et YO 47, situées de part et d'autre de la pointe. Par suite, le préfet du Finistère a fait une exacte application de ces dispositions en modifiant le tracé de la servitude pour le faire passer en retrait, sur le chemin public, route de Coat Melen, situé au sud-est de ces parcelles. En outre, il ressort du dossier d'approbation que la parcelle YO 33 supporte une maison d'habitation située à 27 mètres du rivage ainsi que des blocs rocheux et un muret. L'arrêté préfectoral contesté prévoit que le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral est modifié pour passer entre la rive et le muret. Par suite et en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il existerait sur cette parcelle un obstacle justifiant la suspension de la servitude de passage.

24. En huitième et dernier lieu, les risques invoqués par l'association requérante liés à la découverte de seringues sur un parking au démarrage du sentier littoral, aux incendies et à la chute de piétons, à les supposer avérés, ne sauraient à eux seuls justifier la modification du tracé de la servitude ou sa suspension. En outre et à supposer même que les difficultés de circulation invoquées par l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives puissent avoir une incidence sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier que le croisement de deux véhicules serait impossible dans l'impasse jouxtant la parcelle YT 35. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies produites par les requérants et du constat d'huissier établi le 12 juillet 2020, que si le chemin cadastré YO 35 appartenant à la commune, ouvert au public, sur lequel passe la servitude de passage des piétons le long du littoral, présente deux virages très serrés, cette voie est toutefois suffisamment large pour permettre le croisement des piétons et des véhicules des quelques propriétaires riverains, lesquels adopteront nécessairement, eu égard à la configuration des lieux, une conduite prudente. Par suite, l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 porte atteinte à la sécurité des riverains et des promeneurs.

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des droits acquis :

25. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme que celui-ci instaure de plein droit, dans l'intérêt général, une servitude légale sur toutes les propriétés privées riveraines du domaine public maritime, destinée à assurer le passage des piétons en vue de garantir le principe de l'usage libre et gratuit du littoral par le public, lequel a été dégagé par la jurisprudence du Conseil d'Etat au 19ème siècle sur le fondement de l'appartenance du rivage de la mer au domaine public, avant d'être régi par la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l'urbanisme, puis par la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que les principes de non-rétroactivité de la loi, de sécurité juridique et de confiance légitime auraient été méconnus à l'égard des propriétaires des parcelles YO 33 et YO 23 au motif que ces derniers auraient bâti en 1962 et 1963, puis embellies et entretenues à leurs frais, des maisons. Le moyen tiré de la violation des droits acquis des propriétaires concernés doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la continuité du tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral :

26. Il ressort des pièces du dossier que le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral a été modifié pour passer sur la limite sud de la parcelle cadastrée YO 34. La parcelle étant ainsi grevée d'une servitude légale de passage, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir qu'une convention de passage aurait dû être conclue avec le propriétaire de cette parcelle à peine d'illégalité. En outre, par le jugement n° 1602945 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 22 décembre 2015 en tant qu'il a modifié le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral sur les parcelles YV n°1 et YT n°46. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le tracé annulé constituait une antenne, c'est-à-dire une voie sans issue d'une longueur de 300 mètres permettant aux piétons de bénéficier d'un point de vue sur l'Aven. Par suite et à supposer même que le caractère discontinu du tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral puisse entacher d'illégalité un arrêté préfectoral modifiant ou suspendant une servitude de passage, l'association requérante n'est pas fondée à se prévaloir au cas d'espèce d'une telle discontinuité. Enfin, par le jugement attaqué du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé, pour vice de procédure, la modification du tracé sur les parcelles YO 23, YR 33, YR 135, YT 5 et YT 35 ainsi que la partie du tracé modifié sur la parcelle YL 55, depuis le parking situé au sud-ouest de cette parcelle jusqu'au point où ce tracé rejoint le chemin de grande randonnée présent au nord sur cette parcelle. Si l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives soutient que ces annulations partielles auraient aggravé la situation des propriétaires, Mme C... pour les parcelles YR 33 et YR 135 et M. et Mme O... pour les parcelles YT 5 et YT 35, elle n'établit pas ces circonstances, en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du principe d'égalité :

27. Les consorts J... et l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives soutiennent que l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 a été pris en violation du principe d'égalité. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles dont se prévalent les requérants ne présenteraient pas des situations et des caractéristiques différentes, de nature à justifier un traitement différent au regard du tracé de la servitude de passage le long du littoral. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité doit être écarté.

28. Il résulte de tout ce qui précède que l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives et les consorts J... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Finistère du 22 décembre 2015 dans son intégralité, ainsi que des décisions rejetant leurs recours gracieux.

Sur les conclusions indemnitaires :

29. L'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 n'étant pas entaché des illégalités invoquées par l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives et les consorts J..., les conclusions indemnitaires présentées par ces derniers doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives et aux consorts J... des sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 octobre 2019 est annulé en tant qu'il a statué sur la légalité des dispositions de l'arrêté du préfet du Finistère du 22 décembre 2015 qui portaient sur les parcelles cadastrées section YV n° 1 et section YT n° 46.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives et les consorts J... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Finistère du 22 décembre 2015 en tant qu'elles concernent les parcelles cadastrées section YV n° 1 et section YT n° 46.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives et des consorts J... devant le tribunal administratif de Rennes est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la protection de l'Aven et de ses rives, à M. F... J..., désigné comme représentant unique des consorts J... par Me Paul et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente assesseure,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2021.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

J. FRANCFORT Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N°s 19NT04883, 19NT04887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04883
Date de la décision : 26/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : PAUL-AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-26;19nt04883 ?
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