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12/10/2021 | FRANCE | N°20NT03437

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 octobre 2021, 20NT03437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours formé contre la décision du 7 décembre 2018 du préfet de la Haute-Vienne ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.

Par une ordonnance n°2003659 du 14 août 2020, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 nov

embre 2020, M. C... A..., représenté par Me Kling, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnanc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours formé contre la décision du 7 décembre 2018 du préfet de la Haute-Vienne ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.

Par une ordonnance n°2003659 du 14 août 2020, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2020, M. C... A..., représenté par Me Kling, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 14 août 2020 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de sa demande, sans délai, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était recevable ; il a déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du tribunal de grande instance de Strasbourg le 6 novembre 2019 ; dès lors, son recours n'était pas tardif ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il a réglé l'amende qui lui a été infligée, et n'a pas été l'auteur d'autre infraction.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frank a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 9 juillet 2019, le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans la demande d'acquisition de la nationalité française de M. C... A..., ressortissant albanais né le 17 février 1989. M. A... relève appel de l'ordonnance du 14 août 2020 par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa version applicable au litige : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; ". Aux termes de l'article R. 421-1 du même code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ".

3. Par l'ordonnance attaquée, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête de M. A... pour irrecevabilité manifeste insusceptible d'être régularisée au motif que sa demande d'aide juridictionnelle, présentée le 28 février 2020, a été déposée après l'expiration du délai de recours, la décision attaquée, qui comportait les mentions des voies et délais de recours, ayant été notifiée à l'intéressé le 18 septembre 2019.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... a déposé le 6 novembre 2019, auprès du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Strasbourg, une demande tendant à obtenir l'aide juridictionnelle dans la procédure de contestation de la décision ajournant sa demande de naturalisation. Par suite la demande d'aide juridictionnelle a été déposée avant l'expiration du délai de recours contentieux, et a pu proroger le délai de recours contre la décision du ministre, lequel a expiré. II suit de là que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

5. Par ailleurs il ressort des pièces du dossier que la demande d'aide juridictionnelle de M. A..., adressée par erreur au tribunal de grande instance de Strasbourg le 6 novembre 2019, a fait l'objet d'une décision d'admission le 11 mars 2020 par le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal de grande instance de Limoges, si bien que la demande de première instance, enregistrée le 27 mars 2020 au greffe du tribunal administratif de Nantes, n'était pas tardive.

6. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de la décision attaquée :

7. En premier lieu, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, le directeur de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité dispose de la délégation pour signer, au nom du ministre chargé des naturalisations, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité. Par un décret du 28 septembre 2016, publié le lendemain au Journal officiel de la République française, Mme B... a été nommée directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité. Par une décision du 30 août 2018, régulièrement publiée le lendemain au Journal officiel de la République française, Mme B... a accordé à Mme D... E..., attachée d'administration de l'État, signataire de la décision attaquée, une délégation de signature à cet effet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En vertu de l'article 27 du même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation. En application de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française. (...) / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement général du postulant.

9. Pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. A..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé avait conduit en état alcoolique le 23 avril 2017, ces faits ayant donné lieu à une condamnation par le tribunal cantonal de Breisach (Allemagne) de 70 jours-amende de 40 euros et au retrait de son permis de conduire jusqu'au 31 juillet 2018. M. A... ne conteste pas la réalité des faits qui lui sont reprochés. Dans ces conditions, le ministre, qui dispose d'un large pouvoir pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, et eu égard au caractère récent des faits reprochés, à leur gravité, ainsi qu'à la nature de la décision d'ajournement contestée, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, ajourner pour le motif précité la demande de naturalisation de M. A....

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision contestée doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que, en tout état de cause, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n°2003659 du 14 août 2020 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 20NT03437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03437
Date de la décision : 12/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : KLING

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-12;20nt03437 ?
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