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12/10/2021 | FRANCE | N°20NT03195

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 octobre 2021, 20NT03195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes, M. F... E... et Mme D... C... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 28 août 2019 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leurs recours, dirigés contre les décisions du consul général de France à Fès du 8 mai 2019 rejetant leurs demandes de visa de long séjour en qualité de visiteur.

Par un jugement n°s 1911853, 1912066 du 30 juillet 2020, le tribunal administr

atif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes, M. F... E... et Mme D... C... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 28 août 2019 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leurs recours, dirigés contre les décisions du consul général de France à Fès du 8 mai 2019 rejetant leurs demandes de visa de long séjour en qualité de visiteur.

Par un jugement n°s 1911853, 1912066 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 octobre 2020, M. F... E... et Mme D... C... épouse E..., représentés par Me Touririne-Benatmane, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juillet 2020 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les décisions du 28 août 2019 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leurs recours, dirigés contre les décisions du consul général de France à Fès du 8 mai 2019 rejetant leurs demandes de visa de long séjour en qualité de visiteur.

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités, et à titre subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conditions de leur séjour ; Ils disposent de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins durant le séjour de longue durée ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Un mémoire, enregistré le 1er septembre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 30 juillet 2021, a été présenté par le ministre de l'intérieur, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frank,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Touririne-Benatmane, représentant M. et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... E... et Mme D... C... épouse E..., ressortissants marocains respectivement nés le 1er janvier 1945 et le 1er janvier 1948, ont sollicité des visas de long séjour en qualité de visiteurs auprès du consul général de France à Fès (Maroc). Par deux décisions du 8 mai 2019, cette autorité a rejeté leurs demandes. Par deux décisions du 28 août 2019, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté les recours formés contre ces décisions consulaires. M. F... E... et Mme D... C... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions de la commission de recours. Par un jugement du 30 juillet 2020, le tribunal administratif a rejeté leur demande. M. F... E... et Mme D... C... épouse E... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer le visa de long séjour " mention visiteur " sollicité pour M. et Mme E..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que les demandeurs n'avaient pas prouvé être bénéficiaires de virements financiers consistants et régulier de la part de leur fils et ne démontraient pas être des ascendants à la charge de leur fils. G..., le ministre a admis, notamment dans son mémoire en défense de première instance, que les requérants ont sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de " visiteurs ", et non en qualité " d'ascendants à charge d'un ressortissant français ". Par suite, en refusant aux intéressés la délivrance d'un visa " ascendants à charge " alors que la demande portait sur un autre fondement, la commission de recours a entaché sa décision d'irrégularité.

3. L'administration peut G..., en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve G... qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

4. Pour établir que les décisions contestées étaient légales, le ministre a invoqué, en première instance, dans son mémoire en défense du 31 mars 2020 communiqué à M. et Mme E..., deux autres motifs tirés d'une part, de ce que ni les intéressés ni leur fils ne justifient disposer de ressources personnelles suffisantes pour financer leur séjour en France et, d'autre part, qu'ils ne démontrent pas la nécessité de bénéficier d'un visa de long séjour dès lors qu'ils ne souhaitent pas s'installer de manière permanente en France.

5. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où le visa peut être refusé à un étranger désirant se rendre en France, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises disposent d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard, et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public mais sur toute considération d'intérêt général. Il en va notamment ainsi des visas mention " établissement privé / visiteur " sollicités en vue d'un séjour d'une durée supérieure à un an. Dans l'hypothèse où le motif de la demande d'un visa de long séjour visiteur est de s'installer durablement en France, ce visa peut être refusé si l'administration établit que l'étranger n'est manifestement pas susceptible de remplir les conditions lui permettant d'obtenir le titre de séjour qui lui sera nécessaire après la période couverte par le visa.

6. D'une part, il est constant que M. et Mme E..., dont la pension de retraite en Algérie s'élève à environ 216 euros par mois, ne disposent pas de ressources personnelles suffisantes pour subvenir à leurs besoins durant leur séjour en France. G..., il ressort des pièces du dossier que le fils des requérants, M. B... E..., de nationalité française et qui réside en France, est gérant de plusieurs sociétés et perçoit des revenus nets mensuels d'environ 3 500 euros à la date de la décision contestée. Par ailleurs M. B... E... est propriétaire de deux biens immobiliers, dont un studio au sein duquel il est possible de loger ses parents. Par suite, les requérants établissent que leur fils dispose des ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins durant leur séjour en France, alors qu'ils n'ont jamais indiqué vouloir s'installer durablement en France pour rejoindre leur famille, et y solliciter un titre de séjour. Dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à soutenir que l'insuffisance des ressources des demandeurs pouvait légalement fonder la décision de refus de visas.

7. D'autre part, si le motif tiré de ce que les requérants ne démontrent pas la nécessité de bénéficier d'un visa de long séjour dès lors qu'ils ne souhaitent pas s'installer de manière permanente en France est susceptible de fonder légalement les refus de visa contestés, il ne résulte pas de l'instruction, dans les circonstances de l'espèce, que l'administration aurait pris la même décision en se fondant initialement sur ce seul motif.

8. Par voie de conséquence la demande de substitution de motifs sollicitée par le ministre ne peut être accueillie.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

10. Eu égard à ses motifs le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de M. et Mme E... tendant à la délivrance d'un visa d'entrée en France et de long séjour portant la mention " visiteur ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme E... A... la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes n°s 1911853, 1912066 du 30 juillet 2020 et les décisions du 28 août 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de M. et Mme E... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme E... la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. F... E..., à Mme D... C... épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03195
Date de la décision : 12/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : TOURIRINE-BENATMANE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-12;20nt03195 ?
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