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28/09/2021 | FRANCE | N°21NT00192

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 28 septembre 2021, 21NT00192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A..., Mme F... D..., Mme E... A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. A... contre la décision du 14 novembre 2017 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) rejetant les demandes de visa de long séjour de Mme F... D..., de M. C... A..., et de Mme E... A... en qualité de membre de famille de réfugié.>
Par un jugement n° 2005685 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A..., Mme F... D..., Mme E... A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. A... contre la décision du 14 novembre 2017 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) rejetant les demandes de visa de long séjour de Mme F... D..., de M. C... A..., et de Mme E... A... en qualité de membre de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2005685 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours en tant qu'elle refuse de délivrer des visas d'entrée et de long séjour à M. C... A... et à Mme E... A..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités à M. C... A... et Mme E... A... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 janvier et 2 avril 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en ce qu'elle refuse de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à M. C... A... et à Mme E... A... et lui a enjoint de leur délivrer les visas sollicités.

2°) de rejeter, dans cette mesure, la demande présentée par les consorts A... et autres devant le tribunal administratif de Nantes.

Le ministre de l'intérieur soutient que :

- le lien de filiation de M. C... A... et de Mme E... A... avec M. G... A... n'est pas établi ; les jugements supplétifs du 15 juin 2016 du tribunal de première instance de Conakry II, de même que les jugements du 23 février 2021 du tribunal de première instance de Conakry II sont dépourvus de valeur probante ;

- s'agissant de M. C... A..., les dispositions de l'article R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; la demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa mentionnée au troisième alinéa du II de l'article L. 752-1 ; à cette date l'intéressé était âgé de plus de 19 ans.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 mars et 20 avril 2021, M. G... A..., Mme D..., Mme A... et M. C... A..., représentés par Me Renard, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

M. G... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Buffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. G... A... et autres, la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de délivrer des visas d'entrée et de long séjour à M. C... A... et à Mme E... A..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux intéressés les visas sollicités et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision de la commission de recours en ce qu'elle refuse de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à M. C... A... et Mme E... A... et lui a enjoint de leur délivrer les visas sollicités.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...). ".

3. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

4. Pour justifier du lien de filiation avec M. C... A... et Mme E... A..., M. G... A... produit des actes de naissance établis, sous les n° 7215 et 7216, le 22 juin 2016, sur la base des jugements supplétifs du 15 juin 2016 par le tribunal de première instance de Conakry II jugeant que M. C... A... et Mme E... A... sont le fils et la fille de M. G... A.... Les numéros d'identification personnels mentionnés sur les passeports des intéressés, également produits, correspondent, conformément aux prescriptions de la note du 19 mai 2014 du ministère de l'administration du territoire et de la décentralisation de la Guinée auxquelles se réfère le ministre, s'agissant des numéros 11, 12 et 13, à ceux des actes de naissance. Si M. A... a présenté des actes de naissance du 3 mars 2017 en transcription de jugements supplétifs du 1er mars 2017 par le tribunal de première instance de Conakry, dont il soutient qu'ils ont été sollicités dans la mesure où l'ambassade de France leur a demandé la production d'actes d'état civil datant de moins de trois mois, il verse au dossier des jugements du 23 février 2021 par lesquels le tribunal de première instance de Conakry II a annulé ces jugements supplétifs et les actes de naissance du 3 mars 2017 " au profit des jugements supplétifs du 15 juin 2016 par le tribunal de première instance de Conakry II et de leur transcription n° 7215 et 7216, le 22 juin 2016 ". Les circonstances invoquées par le ministre que ces jugements ont été rendus à la demande d'une personne qui ne justifie pas d'un intérêt pour agir et qu'il ne serait pas établi que le dispositif de ces décisions a été transcrit sur les registres, conformément aux exigences de l'article 238 du code civil guinéen, ne suffisent pas à ôter leur caractère probant aux actes d'état-civil produits. Dans ces conditions, en estimant que le lien de filiation entre M. G... A... et ses enfants C... A... et E... A... n'était pas établi, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées. Enfin, compte tenu de ce que, par les jugements du 23 février 2021, le tribunal de première instance de Conakry II, qui avait été saisi au motif que plusieurs jugements supplétifs avaient été rendus, a confirmé la validité des jugements supplétifs du 15 juin 2016, le moyen tiré par le ministre de ce que ceux-ci présenteraient un caractère frauduleux doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 (...) sont applicables. / (...) ". Aux termes de l'article R. 752-1 du même code : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa mentionnée au troisième alinéa du II de l'article L. 752-1. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. G... A..., qui a obtenu le statut de réfugié par une décision du 31 décembre 2015, a sollicité, le 29 février 2016, le bureau Famille de réfugiés du ministère de l'intérieur en vue de présenter une demande de réunification familiale au profit de ses deux enfants, dont M. C... A..., né le 14 février 1998. Il ressort, également des pièces du dossier et il n'est pas contesté que les enfants ont obtenu un premier rendez-vous en décembre 2016 auprès des services de l'ambassade de France en Guinée pour déposer leur demande de visa, que ce rendez-vous a été annulé du fait de nouvelles modalités de prise de rendez-vous nécessitant l'achat d'un code secret, et qu'ils ont obtenu un nouveau rendez-vous le 24 janvier 2017, lequel a été de nouveau reporté au 21 février puis au 27 mars, enfin au 3 avril suivant, date à laquelle la demande de visa de M. C... A... a été enregistrée. Dans ces circonstances particulières, et alors même qu'à cette dernière date du 3 avril 2017, l'intéressé était âgé de plus de 19 ans, sa demande de réunification familiale doit être regardée comme ayant été initiée avant la date de son 19ème anniversaire. Par suite, en refusant le visa sollicité par M. C... A... au motif qu'il était " âgé de plus de 19 ans à la date à laquelle il a déposé sa demande ", la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de délivrer des visas d'entrée et de long séjour à M. C... A... et à Mme E... A... et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux intéressés les visas sollicités.

Sur les frais liés au litige :

8. M. G... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Renard dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Renard une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. G... A..., à Mme F... D..., à Mme E... A... et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de la formation de jugement,

- M. Frank, premier conseiller,

- Mme B.... première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.

La présidente rapporteure,

C. BUFFETL'assesseur le plus ancien,

A. FRANK

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 21NT00192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00192
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL R et P AVOCATS OLIVIER RENARD ET CINDIE PAPINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-28;21nt00192 ?
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