Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Coat Bihan a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et les suspensions de la servitude de passage sur le territoire de la commune du Riec-sur-Belon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1602946 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2019, la société civile immobilière (SCI) Coat Bihan, représentée par Me Saout, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et les suspensions de la servitude de passage sur le territoire de la commune du Riec-sur-Belon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une enquête publique irrégulière ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il a été pris en méconnaissance des articles L. 160-6 et R. 160-11 du code de l'urbanisme ;
- l'illégalité des dispositions du I de l'article R. 160-11 du code de l'urbanisme entache d'illégalité l'arrêté préfectoral contesté pris sur le fondement de ces dispositions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Elle s'en rapporte aux écritures en défense présentées en première instance par le préfet du Finistère et soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Robin Lahmadni, substituant Me Saout, pour la SCI Coat Bihan.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la SCI Coat Bihan tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et les suspensions de la servitude de passage sur le territoire de la commune du Riec-sur-Belon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux. La SCI Coat Bihan relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Finistère du 22 décembre 2015 :
2. En premier lieu, l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 cite les articles du code de l'urbanisme relatifs à la servitude de passage des piétons le long du littoral maritime, notamment les articles L. 160-6 et R. 160-12, selon lesquels le tracé et les caractéristiques de cette servitude peuvent être modifiés afin, d'une part, d'assurer, compte tenu notamment de la présence d'obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer et, d'autre part, de tenir compte des chemins ou règles locales préexistants. L'arrêté préfectoral contesté précise qu'il y a lieu de modifier le tracé et les caractéristiques de cette servitude le long du littoral de la commune de Riec-sur-Belon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, comme le prévoit le dossier annexé à l'arrêté. Il énonce également qu'il y a lieu de suspendre la servitude de passage des piétons le long du littoral partiellement sur les parcelles mentionnées dans les chapitres III (description et justification du tracé de la servitude) et IV (liste des propriétaires) du dossier annexé. De plus, l'article 1er de l'arrêté contesté fait expressément référence au dossier d'approbation qui lui est annexé, lequel décrit chacune des parcelles concernées par la servitude de passage ainsi que le rivage et précise pour chacune des parcelles l'implantation de la servitude et les travaux à réaliser. S'agissant plus précisément de la parcelle YO 26 appartenant à la SCI Coat Bihan, le dossier d'approbation indique, en page 33, que la parcelle est en pente et occupée par un jardin arboré et aménagé, que le rivage est constitué d'une falaise oblique végétalisée de 2 à 3 mètres de hauteur, qu'un chemin existant longe le rivage et qu'une haie l'isole du jardin, dans le secteur le plus proche de la maison (nord). Le dossier d'approbation précise également que la servitude modifiée emprunte le chemin privé existant, en retrait de la falaise, afin de garantir la sécurité des piétons et d'éviter l'apparition de phénomènes d'érosion (article L. 160-6 a) et R. 160-11 I du code de l'urbanisme). Dans ces conditions, l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 est suffisamment motivé en droit et en fait. Le moyen tiré du défaut de motivation doit dès lors être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d'une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. / L'autorité administrative peut, par décision motivée prise après avis du ou des conseils municipaux intéressés et au vu du résultat d'une enquête publique effectuée comme en matière d'expropriation : / a) Modifier le tracé ou les caractéristiques de la servitude, afin, d'une part, d'assurer, compte tenu notamment de la présence d'obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, d'autre part, de tenir compte des chemins ou règles locales préexistants ; le tracé modifié peut grever exceptionnellement des propriétés non riveraines du domaine public maritime ; / b) A titre exceptionnel, la suspendre. (...) ". Aux termes de l'article L. 160-8 du même code, alors en vigueur : " Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application des articles L. 160-6 et L. 160-7 et fixe la date de leur entrée en vigueur. (...) ". En outre, le I de l'article R. 160-11 du même code de l'urbanisme dispose : " ' Le tracé ainsi que les caractéristiques de la servitude de passage instituée par l'article L. 160-6 peuvent être modifiés notamment pour tenir compte de l'évolution prévisible du rivage afin d'assurer la pérennité du sentier permettant le cheminement des piétons. ". Enfin, aux termes du II de l'article R. 160-5 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Lorsque le tracé est modifié en application du I de l'article R. 160-11, le dossier contient en outre les observations et informations fournies par des procédés scientifiques qui motivent le nouveau tracé ".
4. Le dossier d'enquête publique expose le cadre juridique et présente le projet de modification et de suspension de la servitude de passage des piétons le long du littoral sur le territoire de la commune de Riec-sur-Belon. Il décrit pour chaque parcelle concernée le rivage et l'implantation de la servitude ainsi que les travaux à réaliser. Dès lors que la modification et la suspension de la servitude de passage ne sont pas justifiées par l'évolution prévisible du rivage au sens des dispositions précitées du I de l'article R. 160-11 du code de l'urbanisme, il n'y avait pas lieu de présenter les observations et informations fournies par des procédés scientifiques qui motiveraient le nouveau tracé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du II de l'article R. 160-5 du code de l'urbanisme doit être écarté.
5. En troisième lieu, il résulte des dispositions citées au point 6 que les propriétés riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d'une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. L'autorité administrative peut, par décision motivée, prise après avis du ou des conseils municipaux intéressés et au vu du résultat d'une enquête publique effectuée comme en matière d'expropriation, modifier le tracé ou les caractéristiques de cette servitude afin d'assurer, compte tenu notamment des obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer. Cette faculté n'est ouverte à l'autorité administrative que dans la stricte mesure nécessaire au respect des objectifs ainsi fixés par la loi.
6. Le a) de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme prévoit que le tracé de la servitude de passage peut être modifié afin d'assurer la continuité du cheminement des piétons. En prévoyant que le tracé peut être modifié notamment pour tenir compte de l'évolution prévisible du rivage afin d'assurer la pérennité du sentier permettant le cheminement des piétons, l'article R. 160-11 du code de l'urbanisme précise les conditions d'application de l'article L. 160-6, sans ajouter une restriction supplémentaire à l'exercice du droit de propriété. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article R. 160-11 du code de l'urbanisme alors en vigueur empièterait sur la compétence du législateur pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété et des droits réels et pour fixer les garanties qui leur sont associées. Le moyen tiré par voie d'exception de ce que l'article R. 160-11 du code de l'urbanisme est entaché d'incompétence doit donc être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 160-12 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " A titre exceptionnel, la servitude instituée par l'article L. 160-6 peut être suspendue, notamment dans les cas suivants : / (...) e) Si le maintien de la servitude de passage est de nature à compromettre soit la conservation d'un site à protéger pour des raisons d'ordre écologique ou archéologique, soit la stabilité des sols (...) ".
9. L'article L. 160-6 du code de l'urbanisme, cité au point 3, institue un droit de passage le long du littoral au profit des piétons. Dès lors, ainsi qu'il résulte d'ailleurs des termes mêmes du b) de cet article, la suspension de la servitude de passage sur certaines portions du littoral ne saurait être qu'exceptionnelle. Dans l'hypothèse où le maintien de la servitude de passage est de nature à compromettre soit la conservation d'un site à protéger pour des raisons d'ordre écologique ou archéologique, soit la stabilité des sols, prévue par le e) de l'article R. 160-12 du code de l'urbanisme, l'administration ne peut légalement décider de suspendre, jusqu'à nouvel ordre, la servitude, que si elle justifie que ni la définition de la servitude dans les conditions prévues par l'article R. 160-8 du code, ni une modification de son tracé dans les conditions et limites prévues par la loi, ne peuvent, même après la réalisation des travaux qu'implique la mise en état du site pour assurer le libre passage et la sécurité des piétons mentionnés à l'article R. 160-25 du code, garantir la conservation d'un site à protéger pour des raisons d'ordre écologique ou archéologique, ou, dans l'intérêt tant de la sécurité publique que de la préservation des équilibres naturels et écologiques, la stabilité des sols.
10. Il ressort du dossier d'approbation annexé à l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 que la parcelle YO 26, appartenant à la SCI Coat Bihan, est en pente et occupée par un jardin arboré et aménagé et que le rivage est constitué d'une falaise oblique végétalisée de 2 à 3 mètres de hauteur. L'arrêté contesté modifie le tracé de la servitude de passage en le faisant passer sur le chemin privé existant, en retrait de la falaise, afin de garantir la sécurité des piétons et d'éviter l'apparition de phénomènes d'érosion. Le préfet du Finistère, qui ne peut suspendre la servitude de passage qu'à titre exceptionnel, n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit en modifiant le tracé de la servitude de passage afin de prévenir un phénomène d'érosion. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 a été pris en violation des dispositions précitées des articles L. 160-6 et R. 160-11 du code de l'urbanisme doit être écarté.
11. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la parcelle YO 26 est aménagée en jardin et isolée du rivage par une haie et que le rivage est constitué d'une falaise oblique végétalisée de 2 à 3 mètres de hauteur. Ainsi qu'il est exposé au point 10, l'arrêté contesté modifie le tracé de la servitude de passage en le faisant passer sur le chemin privé existant, en retrait de la falaise, afin de garantir la sécurité des piétons et d'éviter l'apparition de phénomènes d'érosion. Il ressort également des pièces du dossier, notamment du constat d'huissier établi à la demande de la SCI Coat Bihan et produit dans la présente instance, que la servitude de passage longeant la falaise au plus près du domaine public maritime se termine par un escalier aménagé dans la falaise pour descendre à l'Aven et que, pour rejoindre le chemin existant en retrait, longeant la haie, il faut emprunter une " falaise abrupte " qui nécessiterait l'aménagement d'un autre escalier. De plus, si la SCI Coat Bihan soutient qu'il est impossible de passer le long de la haie, au nord et au sud de la parcelle, il ressort des pièces du dossier que cette impossibilité résulte de l'absence d'entretien et de la présence d'herbes, de branchages et de ronces. Par suite, eu égard à la configuration des lieux et à la pente de la falaise, il ne ressort des pièces du dossier ni que la servitude de passage des piétons au plus près du littoral ne présenterait pas de danger pour les piétons et de risque de phénomènes d'érosion, ni qu'il serait impossible de cheminer le long de la haie, en retrait de la falaise. Dans ces conditions, la SCI Coat Bihan n'est pas fondée à soutenir que le tracé retenu par l'arrêté préfectoral contesté serait entaché d'erreur d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Coat Bihan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a approuvé les modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons le long du littoral et les suspensions de la servitude de passage sur le territoire de la commune du Riec-sur-Belon, dans les secteurs de Pont-Aven à l'anse de Goulet-Riec et du port de Bélon à l'anse de Keristinec, ainsi que de la décision rejetant son recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SCI Coat Bihan de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Coat Bihan est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Coat Bihan et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
J. FRANCFORT Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03612