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17/09/2021 | FRANCE | N°20NT02957

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 septembre 2021, 20NT02957


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SLAM Métallerie et Me Vermue, administrateur judiciaire de la société, ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 mars 2017 par laquelle le recteur de l'académie de Rennes a rejeté leur mémoire en réclamation et de condamner en conséquence le rectorat de l'académie de Rennes à leur verser la somme de 447 085,57 euros HT, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du

6 mars 2017, avec capitalisation, au titre du solde du déco

mpte général du marché conclu entre la société SLAM Métallerie et ce rectorat.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SLAM Métallerie et Me Vermue, administrateur judiciaire de la société, ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 mars 2017 par laquelle le recteur de l'académie de Rennes a rejeté leur mémoire en réclamation et de condamner en conséquence le rectorat de l'académie de Rennes à leur verser la somme de 447 085,57 euros HT, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du

6 mars 2017, avec capitalisation, au titre du solde du décompte général du marché conclu entre la société SLAM Métallerie et ce rectorat.

Par un jugement n° 1704138 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a fixé le montant du décompte général et définitif du marché conclu entre la société SLAM Métallerie et le rectorat de l'académie de Rennes à la somme de 679 528,90 euros TTC (article 1er), a condamné le rectorat de l'académie de Rennes à verser à la société SLAM Métallerie la somme de 84 676,72 euros TTC au titre du solde de ce marché, avec intérêts moratoires à compter du 16 avril 2017 et capitalisation à compter du 16 avril 2018 (article 2), a condamné le rectorat de l'académie de Rennes à verser à la société SLAM Métallerie la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus de la demande (article 4).

Procédure devant la cour :

I / Par une requête n° 20NT02957, enregistrée le 16 septembre 2020, la société SLAM Métallerie, représentée par Me Barrault, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Rennes en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 84 676,72 euros TTC au titre du solde du marché qu'elle a conclu avec le rectorat de l'académie de Rennes ;

2°) de condamner le rectorat de l'académie de Rennes à lui verser la somme totale de 518 401,38 euros TTC, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du

6 mars 2017 et capitalisation, au titre du solde du décompte général du marché conclu entre la société SLAM Métallerie et ce rectorat ;

3°) de mettre à la charge du rectorat de Rennes la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle sera indemnisée des travaux supplémentaires réalisés : le montant alloué par le tribunal au titre du solde du marché en lien avec la trame des ventelles sera porté à 395 473,17 euros HT correspondant au coût réel des travaux effectivement réalisés ; elle sera rémunérée pour les travaux supplémentaires de réalisation de caillebotis qui ont été effectués et étaient indispensables à l'ouvrage pour un montant de 531,30 euros HT ainsi que pour les travaux supplémentaires indispensables demandés par le rectorat concernant l'escalier servant d'issue de secours pour un montant de 1 265 euros HT ;

- elle sera indemnisée des difficultés d'exécution du chantier, soit 9 805,50 euros HT au titre de la modification des pré consoles des coursives de la façade ouest résultant de sujétions nées de tassements du bâtiment qu'elle ne pouvait pas prévoir, 5 760 euros HT au titre de la reprise indispensable des fixations des pré-consoles au droit du hall en conséquence du constat de leur légère rotation en l'absence de réalisation d'une poutre de couronnement ;

- la clause de révision des prix n'avait pas à être appliquée dès lors que la modification de la base de calcul de l'indice de référence ne reflète pas la réalité des ouvrages mis en œuvre et que la baisse brutale de l'indice BT 42 a constitué une imprévision pour la requérante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2020, le recteur de l'académie de Rennes demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a condamné le rectorat de l'académie de Rennes à verser à la société SLAM Métallerie la somme de 84 676,72 euros TTC au titre du solde de ce marché, avec intérêts moratoires à compter du 16 avril 2017 et capitalisation à compter du 16 avril 2018.

Il soutient que :

- la mise en œuvre des lames brise-soleil, qui était prévue au marché, ne constitue pas un travail supplémentaire ; la contradiction existant entre les plans de l'architecte et le CCTP devait conduire un professionnel comme la requérante à retenir les mesures figurant sur les plans eu égard aux autres mesures qui figuraient au CCTP et qui interdisaient la prise en compte de l'entraxe de 1 350 mm stipulé au CCTP sur ce point ; elle se devait à tout le moins de demander des précisions ou des éclaircissements ;

- les moyens soulevés par la société SLAM Métallerie ne sont pas fondés.

II / Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 20NT03188 les 5 octobre 2020 et 11 mai 2021, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Rennes en ce qu'il a fixé le montant du décompte général et définitif du marché conclu entre la société SLAM Métallerie et le rectorat de l'académie de Rennes à la somme de 679 528,90 euros TTC, condamné le rectorat de l'académie de Rennes à verser à la société SLAM Métallerie la somme de 84 676,72 euros TTC au titre du solde de ce marché, avec intérêts moratoires à compter du 16 avril 2017 et capitalisation à compter du 16 avril 2018, et fixé à 1 000 euros la somme due par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la société SLAM Métallerie et de Me Vermue.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que, en méconnaissance de l'article R. 751-8 du code de justice administrative, le jugement attaqué ne lui a pas été notifié et que les dispositions de l'article R. 811-10 du même code lui donnent compétence pour interjeter appel ;

- s'agissant des entraxes des ventelles, le CCTP a érigé à un niveau contractuel les modalités de leur réalisation, par renvoi aux plans de l'architecte et, compte-tenu des diverses mesures figurant dans ces plans, dont celles du recouvrement de 8 mm, il était évident pour un professionnel que seules les mesures prévues par les plans d'architecte pouvaient s'appliquer ; en cas de doute la société SLAM Métallerie devait demander des précisions ou éclaircissements avant le dépôt de son offre ;

- les autres demandes de la société SLAM Métallerie seront rejetées pour les motifs exposés en première instance par le recteur de l'académie de Rennes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2021, la société SLAM Métallerie, représentée par Me Barrault, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer ce jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Rennes en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 84 676,72 euros TTC au titre du solde du marché conclu avec le rectorat de l'académie de Rennes et de condamner le rectorat de l'académie de Rennes à lui verser la somme totale de 518 401,38 euros TTC, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du

6 mars 2017 et capitalisation, au titre du solde du décompte général du marché conclu entre la société SLAM Métallerie et ce rectorat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la ministre n'a pas qualité pour interjeter appel et sa requête est tardive : il n'est pas établi qu'en application de l'article R. 751-8 du code de justice administrative le jugement attaqué devait lui être notifié et les condamnations prononcées en première instance l'ont été à l'encontre non de l'Etat mais du rectorat ; la requête est en tout état de cause tardive ;

- les moyens de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation seront rejetées comme non fondés ;

- il sera fait droit à ses demandes présentées à titre incident pour les motifs exposés dans ses écritures jointes déposées dans l'instance n° 20NT02957.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Barrault, représentant la société SLAM Métallerie.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 8 juillet 2014, le recteur de l'académie de Rennes a confié à la société SLAM Métallerie l'exécution du lot n° 6 " métallerie - serrurerie " du marché de travaux portant sur la construction de la maison des sciences de l'homme de Bretagne et l'extension de l'école des hautes études en santé publique de Rennes, pour un prix global et forfaitaire de 604 846,49 euros toutes taxes comprises (TTC). L'acte d'engagement prévoyait que ce marché comportait une tranche ferme d'un montant de 570 179,94 euros TTC et une tranche conditionnelle d'un montant de 34 665, 55 euros TTC. Au cours de l'exécution de ce marché, la société SLAM Métallerie a demandé au rectorat, maître d'ouvrage, le paiement de prestations complémentaires liées à la modification de la trame des ventelles en façade du bâtiment. Par la suite, la société SLAM Métallerie a adressé son projet de décompte final au maître d'œuvre le 7 février 2017, intégrant une demande de rémunération complémentaire à hauteur de 397 269,47 euros HT. Le 23 février 2017, le décompte général, arrêté à la somme de 594 852,18 euros TTC, a été notifié à la société. Après avoir signé le décompte général avec réserves, la société SLAM Métallerie a adressé au maître d'ouvrage un mémoire en réclamation le 6 mars 2017, qui a été rejeté par le rectorat le 16 mars suivant. La société requérante a saisi le médiateur des entreprises, en vue d'un règlement amiable du différend. Le montant de la réclamation étant supérieur à la somme de 10 000 euros, la compétence pour transiger relevait du ministre de l'éducation nationale qui a apporté une réponse négative le 15 septembre 2017. Une procédure de redressement judiciaire concernant la société SLAM Métallerie a été ouverte par jugement du 3 février 2017 du tribunal de commerce de Saint Quentin et un plan de redressement a été arrêté par un jugement du 23 novembre 2018. La société et son administrateur judiciaire ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes la condamnation de l'Etat, représenté par le recteur de l'académie de Rennes, à leur verser, à titre de provision, la somme de 395 473,17 euros HT correspondant au surcoût des travaux impliqués par la modification de la trame des ventelles. Par un arrêt n° 18NT03932, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de la société SLAM Métallerie et de son administrateur dirigée contre l'ordonnance du 23 octobre 2018 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes avait rejeté leur demande de provision.

2. Au titre de ce même marché, la société SLAM Métallerie a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 mars 2017 par laquelle le recteur de l'académie de Rennes a rejeté son mémoire en réclamation et de condamner en conséquence le rectorat de l'académie de Rennes à lui verser la somme de 447 085,57 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017 et de leur capitalisation. Par le jugement attaqué du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a partiellement fait droit à sa demande en fixant le montant du décompte général et définitif de ce marché à la somme de 679 528,90 euros TTC et en condamnant le rectorat de l'académie de Rennes à verser à la société SLAM Métallerie la somme de 84 676,72 euros TTC au titre du solde du marché, avec intérêts moratoires à compter du 16 avril 2017 et capitalisation de ceux-ci à compter du 16 avril 2018, outre 1 000 euros au titre des frais d'instance. Par une première requête n° 20NT02957 la société SLAM Métallerie demande à la cour de réformer ce jugement du 10 juillet 2020 en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 84 676,72 euros TTC au titre du solde du marché et de condamner le rectorat de l'académie de Rennes à lui verser la somme totale de 518 401,38 euros TTC, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017 et de leur capitalisation, au titre du solde du décompte général du marché. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 20NT03188, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation demande à la cour de réformer ce même jugement du 10 juillet 2020 en tant qu'il a fixé le montant du décompte général et définitif du marché à la somme de 679 528,90 euros TTC, condamné le rectorat de l'académie de Rennes à verser à la société SLAM Métallerie la somme de 84 676,72 euros TTC au titre du solde de ce marché, avec intérêts moratoires à compter du 16 avril 2017 et capitalisation de ceux-ci à compter du 16 avril 2018, et fixé à 1 000 euros la somme due par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans cette dernière instance, par des conclusions d'appel incident, la société SLAM Métallerie présente des conclusions tendant à la réformation de ce jugement identiques à celles qu'elle a présentées sous le n° 20NT02957. Par ailleurs, à la demande de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation il a été sursis à l'exécution du jugement attaqué par un arrêt n° 20NT03189 du 5 mars 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes sur le fondement de l'article R. 811-16 du code de justice administrative.

3. Les requêtes n° 20NT02957 et n° 20NT03188 présentent à juger des questions connexes, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 20NT03188 :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposé à l'appel principal de la ministre :

4. Aux termes de l'article R. 751-8 du code de justice administrative : " Lorsque la notification d'une décision du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige. (...) Toutefois, lorsque la décision est rendue sur une demande présentée, en application du code général des collectivités territoriales, par le préfet ou lorsqu'elle émane d'un tribunal administratif statuant dans l'une des matières mentionnées à l'article R. 811-10-1 la notification est adressée au préfet. Copie de la décision est alors adressée au ministre intéressé. ". Aux termes de l'article R. 811-2 du même code : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. (...). ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque la notification d'un jugement rendu dans une matière autre que celles qui sont mentionnées à l'article R. 811-10-1 du même code doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige ou au préfet lorsque celui-ci présente une demande en application du code général des collectivités territoriales. A défaut de notification régulière, le délai d'appel ne court pas.

6. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 juillet 2020 condamnant l'Etat, à la demande de la société SLAM Métallerie, à verser la somme de 84 676,72 euros TTC à cette dernière, n'a été notifié ni à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ni à aucun autre ministre, mais, pour l'Etat, au seul recteur de l'académie de Rennes qui l'avait représenté devant le tribunal. Dès lors que le litige n'entrait pas dans l'une des matières mentionnées à l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que lorsque la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a interjeté appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 juillet 2020, le délai d'appel n'avait pas commencé à courir. Il suit de là que la société SLAM Métallerie n'est pas fondée à soutenir que la requête présentée par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation serait irrecevable aux motifs que cette dernière n'avait pas qualité pour ce faire et que sa requête aurait été tardive.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant des conclusions de l'appel principal de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

7. Aux termes de l'article 12 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au marché litigieux : " I. - Les pièces constitutives des marchés passés selon une procédure formalisée comportent obligatoirement les mentions suivantes : (...) 5° L'énumération des pièces du marché ; ces pièces sont présentées dans un ordre de priorité défini par les parties contractantes. Sauf cas d'erreur manifeste, cet ordre de priorité prévaut en cas de contradiction dans le contenu des pièces ". Aux termes de l'article 2 " pièces constitutives du marché " du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché signé le 8 juillet 2014 : " En complément ou dérogation à l'article 4.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, les pièces constitutives du marché sont les suivantes par ordre de priorité : / A) Pièces particulières/ - L'acte d'engagement (...) ;/ - Le présent cahier des clauses administratives particulières (C.C.A.P.) et ses annexes éventuelles (...) /- Le cahier des clauses techniques particulières (C.C.T.P.) / - plans listés au marché (...). ".

8. Le CCTP du marché entre le rectorat de l'académie de Rennes et la société SLAM Métallerie prévoit, en ses articles 3.6.4 et 3.7, la fourniture et mise en œuvre, respectivement en R+1 à R+3 et en rez-de-chaussée, de brise-soleil composés de lames en acier verticales fixées sur la structure métallique présentant notamment comme caractéristiques un recouvrement des lames de 8 mm, un entraxe de 1 350 mm entre chaque lame, une section (largeur) fixée suivant les plans de l'architecte et une longueur des lames autoportantes de 3,30 m suivant les plans de l'architecte.

9. Lorsqu'une entreprise demande le paiement de travaux supplémentaires réalisés dans le cadre d'un marché public de travaux à prix global et forfaitaire, il lui appartient tout d'abord d'établir que ces travaux n'étaient pas compris dans le prix de son marché. Le cas échéant, il lui appartient d'établir soit que la réalisation de ces travaux lui a été demandée par ordre de service du maître d'œuvre, soit, en l'absence d'ordre de service écrit ou même d'ordre verbal, que ceux-ci étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. La seule circonstance que les travaux aient été utiles au maître d'ouvrage n'est pas suffisante pour en obtenir le paiement.

10. Il résulte des stipulations du CCTP mentionnées au point 8 que l'article 3.6.4 précité du CCTP ne renvoie aux plans de l'architecte que pour la largeur et la longueur des lames et non la dimension de l'entraxe qui est explicitement fixé à 1 350 mm entre chaque lame par ce même document, alors que les plans de l'architecte prévoient des entraxes de 450 mm pour les niveaux R+1 à R+3 et de 615 mm au rez-de-chaussée. Ces contradictions mettent en évidence une erreur manifeste de dimensionnement de l'entraxe prévu dans le CCTP dès lors que celui-ci prévoyait à la fois un entraxe de 1 350 mm et un recouvrement entre les lames posées obliquement de 8 mm, nécessairement incompatibles dès lors que le nombre de lames brise-soleil à poser et leur " recouvrement " dépend de l'espace ou " entraxe " entre chacune d'elles, de la largeur, ou " section ", de la lame et du niveau de recouvrement de l'ombre respective que projette ainsi chacune des lames. Or, dès le stade de l'engagement, et compte tenu de ces éléments contradictoires, la société SLAM Métallerie, professionnelle du secteur, devait déceler cette incohérence ou à tout le moins s'interroger sur la faisabilité du dispositif de pare-soleil attendu dès lors qu'elle ne connaissait pas encore la largeur des lames à poser. Il résulte de cette erreur manifeste qu'en vertu de l'article 12 de l'ancien code des marchés publics le CCTP ne pouvait prévaloir sur les plans d'architecte. Par suite, les prestations résultant de la fourniture et de la pose de lames supplémentaires par la société SLAM Métallerie afin de respecter les plans de l'architecte, qu'elle a signés et qui réduisent les dimensions des entraxes et augmentent en conséquence le nombre de lames, ne peuvent revêtir le caractère de travaux supplémentaires indemnisables. Cette société n'est alors pas fondée à soutenir qu'elle devait être rémunérée à ce titre en raison de l'exécution de travaux supplémentaires.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a fait partiellement droit à la demande de la société SLAM Métallerie en majorant le montant du décompte général et définitif du marché pour le porter à 679 528,90 euros TTC et en condamnant l'Etat à verser à cette dernière une somme de 84 676,72 euros TTC, assortie des intérêts moratoires contractuellement dus à compter du 16 avril 2017 et de leur capitalisation à compter du 16 avril 2018. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement dans cette mesure, de fixer le solde du décompte général et définitif du marché à la somme de 594 852,18 euros TTC et de rejeter la demande présentée par la société SLAM Métallerie devant le tribunal administratif de Rennes à ce titre.

12. Il résulte de ce qui précède que l'Etat, en la personne du recteur de l'académie de Rennes, ne devait pas être en première instance la partie perdante. Aussi les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisaient obstacle à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à sa charge sur ce fondement. Par suite, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est fondée à demander également l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué en ce qu'il a fait droit à cette demande de la société SLAM Métallerie.

S'agissant des conclusions d'appel incident de la société SLAM Métallerie :

Quant à la réalisation de travaux supplémentaires :

13. En premier lieu, la société SLAM Métallerie soutient qu'elle doit être indemnisée pour un montant de 531,30 euros HT en raison de la réalisation, de la fourniture et de la pose d'une surface supplémentaire de 3,30 m² de grilles caillebotis, non prévues au marché. Cependant, à l'appui de sa demande, elle se borne à produire un plan de l'édifice en indiquant imprécisément le lieu d'exécution de tels travaux, un schéma technique d'un élément constitutif d'un ouvrage destiné à supporter des grilles caillebotis ainsi qu'un devis du 2 mars 2015 évoquant des " cours anglaises du rez-de-chaussée ". Ces éléments ne suffisent pas à établir que la pose de ces éléments, qui n'a fait l'objet d'aucun ordre de service, aurait été indispensable à la réalisation de l'édifice dans les règles de l'art. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire présentée à ce titre.

14. En second lieu, la société SLAM Métallerie soutient qu'elle doit être indemnisée pour un montant de 1 265 euros HT de la réalisation d'un plot métallique support de l'escalier de secours du bâtiment, qu'elle présente comme indispensable à la bonne réalisation de l'ouvrage et demandé par le maitre d'ouvrage en cours de chantier. Toutefois par la simple production des plans initiaux de cet escalier et de leur dernière version, elle n'établit ni que la réalisation de cette prestation aurait été effectivement demandée par le maitre d'ouvrage ni son caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Par suite, la demande indemnitaire présentée à ce titre par la société requérante ne peut qu'être rejetée.

Quant à l'indemnisation des " difficultés de chantier " :

15. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

16. La société Slam Métallerie demande à être indemnisée pour un montant de 9 805,50 euros HT de la conception, la réalisation et la pose de platines destinées à prendre en compte une déformation des pré consoles de la façade ouest de la construction et une somme de 5 760 euros HT pour des travaux de reprise des pré consoles situées au droit du hall de la construction. Toutefois, en se bornant à indiquer, s'agissant des platines, qu'elle ne pouvait prévoir ces sujétions qui lui sont " extérieures " nées d'un défaut de conception et de dimensionnement de l'édifice et, s'agissant de la fixation des pré consoles, qu'elles sont la conséquence d'une malfaçon du chantier de gros-œuvre, elle n'établit ni que ces sujétions auraient bouleversé l'économie du contrat ni que les prestations de modification ou de reprise qu'elle a dû réaliser seraient imputables à une faute de l'administration maître d'ouvrage. Par suite, ses demandes indemnitaires au titre de " l'indemnisation des difficultés de chantier " ne peuvent qu'être rejetées.

Quant à la clause de révision des prix :

17. Aux termes de l'article 10.4.4 du CCAG Travaux applicable au marché : " La révision se fait en appliquant la formule et les coefficients fixés par les documents particuliers du marché. / La valeur initiale du ou des index à prendre en compte est celle de la date d'établissement des prix initiaux. / La valeur finale des références utilisées pour l'application de cette clause doit être appréciée au plus tard à la date de réalisation des prestations concernées telle que prévue par les documents particuliers du marché, ou à la date de leur réalisation réelle si celle-ci est antérieure ". Aux termes de l'article 3-3 du CCAP du marché : " Variation dans les prix. / Les répercussions sur les prix du marché des variations des éléments constitutifs du coût des travaux sont réputées réglées par les stipulations ci-après : / 3-3.1 : Les prix sont révisables suivant les modalités fixées aux articles 3-3.3 et 3-3.4. / 3-3.2 : Mois d'établissement des prix du marché : Les prix du présent marché sont réputés établis sur la base des conditions économiques du mois fixé en page 1 de l'acte d'engagement. / Ce mois est appelé 'mois zéro' (m0). / 3-3.3 : Choix de l'index de référence : L'index de référence I choisi en raison de sa structure pour la révision des travaux faisant l'objet de l'ensemble des lots est : (...) / Lot 06 - BT 42 (...). / 3-3.4 Modalités de révision des prix : Le coefficient de révision Cn applicable pour le calcul d'un acompte et du solde est donné par la formule : Cn = 0,15 + 0,85 x (In / I0) avec I0 = Valeur de l'index du mois d'établissement des prix et In = Valeur de l'index du mois de réalisation des prestations. / la périodicité de la révision suit la périodicité de l'acompte. En complément à l'article 10.4.4 du CCAG, la valeur finale des références utilisées pour l'application de cette clause est appréciée au plus tard à la date de réalisation contractuelle des prestations ou à la date de réalisation réelle si celle-ci est antérieure. (...) ".

18. Même si un marché public a été conclu à prix forfaitaire, son titulaire a droit à être indemnisé pour les dépenses exposées en raison de sujétions imprévues, c'est-à-dire de sujétions présentant un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties, si ces sujétions ont eu pour effet de bouleverser l'économie générale du marché. Pour apprécier si des sujétions imprévues ont entraîné un bouleversement de l'économie générale de ce marché, il convient de comparer le montant des dépenses résultant de ces sujétions au montant total du marché.

19. La société SLAM Métallerie soutient qu'il n'y avait pas lieu pour l'établissement du décompte général et définitif du marché qu'elle a conclu avec le rectorat de l'académie de Rennes de faire application de la clause de révision des prix prévue à l'article 3.3 du CCAP de ce marché au motif qu'il inclut dans son calcul un indice BT 42 particulièrement fluctuant, dont la composition a été modifiée en cours de contrat à son désavantage, et qu'il convient d'écarter par application de la théorie de l'imprévision. D'une part, il résulte des termes même du CCTP opposable du présent marché qu'a été contractuellement prévue une clause de révision des prix selon des modalités incluant une référence à l'indice BT 42. D'autre part, s'il est constant que cet indice a connu une évolution de sa composition en cours de marché, il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci aurait conduit à un bouleversement de l'économie générale du contrat. Ainsi, en admettant qu'en l'absence de modification de l'indice BT 42 aucune révision des prix défavorable à la société SLAM n'aurait été applicable, la révision des prix contestée aboutit à une moins-value du montant des prestations de 19 166,18 euros HT, ou 22 999,42 euros TTC, soit seulement 3,87 % du montant du décompte général et définitif tel que fixé au point 11 du présent arrêt. En conséquence, la société SLAM Métallerie n'est pas fondée à soutenir qu'il y aurait lieu au cas d'espèce d'écarter la formule de révision de prix contractuellement applicable au motif que, comme elle le soutient, la mise en œuvre de celle-ci constituerait une " imprévision " impactant significativement la situation de la société.

En ce qui concerne la requête n° 20NT02957 :

20. En premier lieu, pour les motifs exposés aux points 7 à 11 du présent arrêt, la société SLAM Métallerie n'est pas fondée à soutenir que la fourniture et la pose de lames supplémentaires au titre des ventelles de la façade du bâtiment construit s'analysent comme des travaux supplémentaires pour lesquels elle devrait percevoir une rémunération complémentaire. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir une réformation du jugement attaqué afin d'obtenir une majoration de l'indemnisation mise à la charge de l'Etat par les premiers juges ne peuvent qu'être rejetées.

21. En second lieu, pour les motifs exposés aux points 13 à 19 du présent arrêt, la société SLAM Métallerie n'est pas davantage fondée à demander, d'une part, le paiement de travaux supplémentaires portant sur la réalisation de grilles caillebotis et la modification d'un escalier de secours, d'autre part l'indemnisation de " difficultés de chantier " ayant entraîné la réalisation de platines et la reprise de fixation de pré consoles au droit du hall de la construction, enfin, à ce que soit écartée l'application de la clause contractuelle de révision des prix au titre de l'imprévision. Par voie de conséquence, ces demandes, ainsi que celles tendant au paiement d'intérêts moratoires par l'Etat au titre des diverses sommes sollicitées, ne peuvent qu'être rejetées.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est fondée à demander l'annulation des articles 1er à 3 du jugement attaqué et que la société SLAM Métallerie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du même jugement, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais d'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société SLAM Métallerie dans les deux instances.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1704138 du tribunal administratif de Rennes du 10 juillet 2020 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la société SLAM Métallerie et Me Vermue devant le tribunal administratif de Rennes et la requête d'appel de la société SLAM Métallerie sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SLAM Métallerie, à Me Vermue et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Une copie en sera adressée pour information au recteur de l'académie de Rennes.

Délibéré après l'audience du 31 août 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet de l'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 20NT02957, 20NT03188


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02957
Date de la décision : 17/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CABINET FLORENCE BARRAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-17;20nt02957 ?
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