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09/07/2021 | FRANCE | N°21NT01090

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 juillet 2021, 21NT01090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 14 décembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2012971 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2021, M. D... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 décembre 2020 ;

2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 14 décembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2012971 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2021, M. D... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 décembre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 14 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et son assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et le formulaire prévu à l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de cinq jours ouvrés suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse donnée aux moyens tirés de l'absence de motivation des deux arrêtés contestés ; il n'a pas été répondu au moyen tiré de l'irrégularité de l'arrêté portant transfert au motif qu'il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

en ce qui concerne l'arrêté de transfert :

- il n'a pas été signé par une autorité compétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert en Italie ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés et indique que le terme du transfert a été reporté au 28 juin 2021.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas, président assesseur,

- et les observations de Mme C..., élève-avocate, en présence de Me E..., représentant M. D... A....

Un mémoire, enregistré le 29 juin 2021 à 18 H 26, soit après l'audience, a été présenté par le préfet de Maine-et-Loire.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., se présentant comme un ressortissant soudanais né le 1er février 1992, est entré irrégulièrement en France le 4 septembre 2020 selon ses déclarations. Il a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 7 octobre suivant. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que les empreintes de l'intéressé avaient préalablement été relevées en Italie, pour avoir irrégulièrement franchi les frontières de ce pays, le préfet a sollicité, le 14 décembre 2020, sa prise en charge auprès des autorités de ce pays, lesquelles l'ont implicitement acceptée. Par deux arrêtés du 14 décembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, le transfert de M. A... aux autorités italiennes, et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelable. Par un jugement du 28 décembre 2020, dont M. A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.

Sur l'étendue du litige :

En ce qui concerne la décision de transfert :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transfert du requérant vers l'Italie a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration, le 28 décembre 2020, du jugement attaqué. Il ressort des pièces du dossier que ce délai doit être regardé comme n'ayant pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas non plus reçu exécution pendant sa période de validité. Le mémoire produit par le préfet après l'audience ne peut être pris en compte dès lors qu'il ne ressort aucunement des pièces du dossier que l'administration ne pouvait apporter à la cour l'indication qu'il comporte, d'ailleurs non assortie des précisions permettant d'en apprécier la portée, avant la clôture de l'instruction. Par suite, l'arrêté de transfert en cause doit être regardé comme caduc à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressé, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Le litige ayant perdu son objet il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du jugement du 28 décembre 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions en annulation de l'arrêté de transfert du 14 décembre 2020.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

5. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressé ayant été exécuté, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation, présentées par M. A....

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Le premier juge a répondu avec une précision suffisante, au regard de l'argumentation dont il était saisi, au moyen tiré de l'irrégularité de l'arrêté préfectoral de transfert en raison de l'insuffisance alléguée de sa motivation. Il n'avait par ailleurs pas à répondre au moyen, dès lors qu'il n'était pas soulevé devant le premier juge, tiré de l'irrégularité de l'arrêté portant transfert au motif qu'il serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Enfin le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait " stéréotypé " et insuffisamment motivé en réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant assignation à résidence alors que le jugement ne répond pas à ce moyen qui n'a pas été soulevé en première instance. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué en raison d'insuffisances de motivation et de défaut de réponse à certains moyens doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence :

7. L'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour (...) assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département (...) ". Par ailleurs, l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. / En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements ". L'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, en métropole, dispose que : " L'annexe II au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. A cette fin, les préfets désignés sont compétents pour (...) 2° Prendre la décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code ; / 3° Assigner à résidence le demandeur en application du I - 1° bis de l'article L. 561-2 du même code et, le cas échéant, prendre les mesures prévues au II de l'article L. 561-2 et aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 742-2 du code précité./ Cette annexe précise en outre les départements dans lesquels chacun de ces préfets est compétent ". L'article 4 de ce même arrêté dispose, quant à lui, que " Les dispositions du présent arrêté sont applicables aux demandes d'asile enregistrées à compter de la publication du présent arrêté ". Enfin, l'annexe II à cet arrêté prévoit que le préfet de Maine-et-Loire est compétent " pour les demandes concernant les demandeurs domiciliés dans un département de la région Pays de la Loire ".

8. Par ailleurs, l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que : " Le préfet de département peut donner délégation de signature, notamment en matière d'ordonnancement secondaire : (...) / 2° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département ; ces chefs de service peuvent recevoir délégation afin de signer les lettres d'observation valant recours gracieux adressées aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics ; / (...) 7° Aux agents en fonction dans les préfectures, pour les matières relevant des attributions du ministre de l'intérieur, y compris les lettres d'observation valant recours gracieux formés auprès des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, pour les matières relevant des ministères qui ne disposent pas de services dans le département ainsi que pour la transformation en états exécutoires des ordres de recettes mentionnés aux articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (...) ".

9. Les arrêtés du 14 décembre 2020 portant transfert aux autorités italiennes de M. A... et assignation à résidence ont été signés, pour le compte du préfet de Maine-et-Loire et par délégation, par Mme B..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 2 décembre 2020 régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du 4 décembre suivant, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme B... pour signer " j) les décisions d'application du règlement Dublin III (arrêtés de transfert, assignations à résidence) ". Contrairement à ce que soutient le requérant, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de Maine-et-Loire d'accorder une délégation pour signer les décisions prises en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 uniquement aux agents du pôle régional Dublin constitué au sein des services de sa préfecture. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que cet arrêté vise la nomination de l'agent bénéficiaire de la délégation. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de la décision de transfert :

10. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge.

11. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Doit être regardée comme suffisamment motivée, s'agissant d'un étranger en provenance d'un pays tiers ou d'un apatride ayant, au cours des douze mois ayant précédé le dépôt de sa demande d'asile, pénétré irrégulièrement au sein de l'espace Dublin par le biais d'un Etat membre autre que la France, la décision de transfert à fin de prise en charge qui, après avoir visé le règlement, fait référence à la consultation du fichier Eurodac sans autre précision, une telle motivation faisant apparaître que l'Etat responsable a été désigné en application du critère énoncé à l'article 13.1 du chapitre III du règlement.

12. Les autorités françaises ont saisi les autorités italiennes d'une demande de transfert de M. A... sur le fondement du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. L'arrêté contesté vise ce règlement et mentionne d'une part que la consultation du fichier Eurodac a révélé que le requérant avait franchi irrégulièrement la frontière italienne dans les douze mois précédant sa première demande d'asile en France, ainsi qu'il résulte d'un relevé de ses empreintes digitales effectué le 28 juillet 2020, et, d'autre part, que les autorités italiennes ont donné un accord implicite à sa prise en charge. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et doit être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

14. Il ressort des mentions figurant sur le résumé signé par M. A... qu'il a bénéficié le 7 octobre 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Cet entretien s'est tenu en langue arabe, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète. Il n'est pas établi que l'intéressé n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées, avec le concours de cet interprète, et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, notamment au regard des mentions pré-remplies figurant dans ce document qu'il a signé. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier, d'une part, que l'entretien aurait été conduit par une personne qui ne serait pas qualifiée, sachant que l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé le requérant de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel et, d'autre part, sans respecter les règles de confidentialité imparties. Les dispositions citées au point précédent n'imposent par ailleurs la communication que du résumé du compte-rendu dudit entretien, sans mention d'autres éléments que ceux qui figurent sur le résumé présent au dossier. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que le résumé de cet entretien n'aurait pas été communiqué au conseil de M. A... en temps utile. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier (...) Lors de l'entretien, le demandeur est informé de sa possibilité de bénéficier de l'examen de santé gratuit prévu à l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale. (...) ". Ces dispositions propres à l'entretien conduit par l'OFII sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté de transfert contesté. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté.

16. En quatrième lieu, Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, il résulte de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

18. M. A... fait valoir que les autorités italiennes lui ont notifié le 20 août 2020 une obligation de quitter leur territoire et qu'il craint pour son intégrité en cas de retour au Soudan. Toutefois, en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Italie des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile et alors que l'intéressé ne fait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait soumis en Italie à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à ces stipulations et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant assignation à résidence :

19. L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". L'article L. 561-1 du même code dispose que : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée (...) ".

20. En premier lieu, la décision portant assignation à résidence de M. A... comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

21. En second lieu, l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. (...) ".

22. Il résulte des dispositions précitées que le préfet a pu, sans entacher sa décision d'un défaut de base légale, assortir sa décision d'assignation à résidence de M. A... de l'obligation pour celui-ci de se présenter tous les mardis, à l'exception des jours fériés, aux services d'un commissariat de police du Mans, à 8 heures, muni de ses effets personnels. Par ailleurs, il n'est pas établi que cette obligation et ses modalités présenteraient pour le requérant un caractère disproportionné. Par suite, les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacheraient la décision d'assignation à résidence doivent être écartés. Enfin, la circonstance qu'il lui a été interdit de sortir du département de la Sarthe sans autorisation ne s'opposait pas à ce qu'une telle autorisation lui soit accordée, notamment pour les besoins de la procédure engagée devant la juridiction administrative, et ne peut dès lors être regardée comme ayant méconnu son droit au recours.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son assignation à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

24. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par M. A..., le présent arrêt, n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au profit de son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... aux fins d'annulation de la décision du 14 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert auprès des autorités italiennes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.

Le rapporteur,

C. Rivas

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01090
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : GUINEL-JOHNSON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;21nt01090 ?
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