La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2021 | FRANCE | N°21NT01089

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 juillet 2021, 21NT01089


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 11 janvier 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2100443 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1

°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 février 2021 ;

2°) d'annuler les arrêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 11 janvier 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2100443 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 février 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 11 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et son assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et le formulaire prévu à l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de cinq jours ouvrés suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse donnée aux moyens tirés de l'absence de motivation des deux arrêtés contestés ;

en ce qui concerne l'arrêté de transfert :

- il n'a pas été signé par une autorité compétente ;

- il n'est pas suffisamment motivé ;

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la procédure est privée de base légale alors qu'il bénéficie d'une protection internationale en Italie depuis 2017 ;

- en application de l'article 29 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et de son parcours en Europe, les Pays-Bas sont responsables de l'examen de sa demande d'asile depuis approximativement 2017 ;

- il est porté atteinte à son droit d'asile du fait des divers transferts qu'il a subi vers l'Italie ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert en Italie ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas, président assesseur,

- et les observations de Me B..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., se présentant comme un ressortissant érythréen né le 16 août 1985, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 28 octobre 2020, où il a sollicité le 18 novembre suivant la reconnaissance du statut de réfugié. Après consultation du fichier Eurodac à partir du relevé de ses empreintes digitales, il est apparu qu'il avait auparavant sollicité l'asile auprès de plusieurs pays, en Allemagne en 2010, aux Pays-Bas en 2015, en Suisse en 2013, en Autriche en 2018 et en dernier lieu en Italie en 2018. Les autorités italiennes ont été saisies le 19 novembre 2020 par le préfet d'une demande de reprise en charge et l'ont acceptée par un accord implicite constaté le 18 décembre 2020. Par arrêté du 11 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire a alors décidé le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes et, par un arrêté du même jour, il l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 2 févier 2021, dont M. D... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La première juge a répondu avec une précision suffisante aux moyens tirés de l'irrégularité des arrêtés préfectoraux de transfert et d'assignation à résidence en raison de l'insuffisance alléguée de leurs motivations respectives. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en raison d'insuffisances de motivation doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de transfert :

3. En premier lieu, l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour (...) assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département (...) ". Par ailleurs, l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. / En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements ". L'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, en métropole, dispose que : " L'annexe II au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. A cette fin, les préfets désignés sont compétents pour (...) 2° Prendre la décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code ; / 3° Assigner à résidence le demandeur en application du I - 1° bis de l'article L. 561-2 du même code et, le cas échéant, prendre les mesures prévues au II de l'article L. 561-2 et aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 742-2 du code précité./ Cette annexe précise en outre les départements dans lesquels chacun de ces préfets est compétent ". L'article 4 de ce même arrêté dispose, quant à lui, que " Les dispositions du présent arrêté sont applicables aux demandes d'asile enregistrées à compter de la publication du présent arrêté ". Enfin, l'annexe II à cet arrêté prévoit que le préfet de Maine-et-Loire est compétent " pour les demandes concernant les demandeurs domiciliés dans un département de la région Pays de la Loire ".

4. Par ailleurs, l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que : " Le préfet de département peut donner délégation de signature notamment en matière d'ordonnancement secondaire : (...) / 2° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département ; ces chefs de service peuvent recevoir délégation afin de signer les lettres d'observation valant recours gracieux adressées aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics ; / (...) 7° Aux agents en fonction dans les préfectures, pour les matières relevant des attributions du ministre de l'intérieur, y compris les lettres d'observation valant recours gracieux formés auprès des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, pour les matières relevant des ministères qui ne disposent pas de services dans le département ainsi que pour la transformation en états exécutoires des ordres de recettes mentionnés aux articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (...) ".

5. L'arrêté du 11 janvier 2021 portant transfert aux autorités italiennes de M. D... a été signé, pour le compte du préfet de Maine-et-Loire et par délégation, par Mme A..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers. Aux termes de l'arrêté du 6 janvier 2021 régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du 8 janvier suivant, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme A... pour signer " j) les décisions d'application du règlement Dublin III (arrêtés de transfert, assignations à résidence) ". Contrairement à ce que soutient le requérant, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de Maine-et-Loire d'accorder une délégation pour signer les décisions prises en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 uniquement aux agents du pôle régional Dublin constitué au sein des services de la préfecture. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que cet arrêté vise la nomination de l'agent bénéficiaire de la délégation. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.

7. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

8. Les autorités françaises ont saisi les autorités italiennes d'une demande de transfert de M. D... sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. L'arrêté contesté vise notamment ce règlement et mentionne d'une part que la consultation du fichier Eurodac a révélé que le requérant avait sollicité l'asile en dernier lieu auprès des autorités italiennes le 5 septembre 2018 et, d'autre part, que ces mêmes autorités ont donné un accord implicite à sa reprise en charge. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a reçu, le 18 novembre 2020, le guide du demandeur d'asile, ainsi que la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ", et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' ". L'intéressé, qui a signé le résumé de l'entretien individuel du même jour, réalisé à l'aide d'un interprète en tigrigna, doit être regardé comme ayant reconnu, ainsi que cela est précisé dans ce document, que ces informations lui avaient été remises antérieurement dans une langue qu'il comprenait. Par suite, et alors même que les informations en cause n'ont pas été délivrées dès la venue du requérant dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier (...) Lors de l'entretien, le demandeur est informé de sa possibilité de bénéficier de l'examen de santé gratuit prévu à l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale. (...) ". Ces dispositions propres à l'entretien conduit par l'OFII sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté de transfert contesté. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

14. Il ressort des mentions figurant sur le résumé signé par M. D... qu'il a bénéficié le 18 novembre 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Cet entretien s'est tenu en langue tigrigna, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète. Il n'est pas établi que l'intéressé n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées, avec le concours de cet interprète, et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, notamment au regard des mentions pré-remplies figurant dans ce document qu'il a signé. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que l'entretien aurait été conduit, d'une part, par une personne qui ne serait pas qualifiée, sachant que l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé le requérant de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel et, d'autre part, sans respecter les règles de confidentialité imparties. Les dispositions citées au point précédent n'imposent par ailleurs la communication que du résumé du compte-rendu dudit entretien, sans mention d'éléments différents de ceux qui figurent sur le résumé présent au dossier. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que le résumé de cet entretien n'aurait pas été communiqué au conseil du requérant en temps utile. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

15. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... et des conséquences de son transfert en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé.

16. En septième aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, il résulte de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. Il n'est pas établi par les pièces du dossier que M. D... présenterait une situation de vulnérabilité exceptionnelle, notamment au regard de son état de santé, justifiant l'examen par la France de sa demande d'asile. Ces mêmes pièces n'établissent pas qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Italie, Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la procédure d'asile ou que les autorités italiennes, qui ont accepté son transfert, ne traiteront pas sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties procédurales exigées par le respect du droit d'asile. Si le requérant soutient qu'il n'a pu présenter utilement de demande d'asile en Italie malgré de multiples transferts vers ce pays de la part de pays partis au règlement Dublin, il n'est pas établi que cela résulterait d'une impossibilité née de l'action des autorités italiennes. Dès lors, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité ou aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier, y compris au regard de la réponse faite par les autorités autrichiennes à la demande de transfert du requérant présentée par les autorités françaises concomitamment à leur saisine des autorités italiennes aux mêmes fins, que le requérant bénéficie d'une protection internationale en Italie puisqu'il est fait état d'un titre de séjour au titre de la protection subsidiaire dont le terme a expiré le 28 juillet 2011. Il n'est pas davantage établi que les Pays-Bas, qui ont rejeté la demande de reprise en charge de l'intéressé en 2020, seraient responsables de l'examen de sa demande d'asile au seul motif qu'il a été déclaré en fuite dans ce pays en 2017. Par suite, la décision de transfert de M. D... aux autorités italiennes n'est pas entachée des erreurs de droit alléguées.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

19. En premier lieu, pour les motifs exposés aux points 5 à 7 le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté.

20. En deuxième lieu, pour les motifs exposés aux points 5 à 18 le moyen tiré de l'illégalité de la décision de transfert, soulevé par la voie de l'exception, ne peut qu'être écarté.

21. En troisième lieu, l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561- 2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. (...) ".

22. Il résulte des dispositions précitées que le préfet a pu, sans entacher sa décision d'un défaut de base légale, assortir la décision d'assignation à résidence de M. D... de l'obligation pour celui-ci de se présenter tous les lundis, à l'exception des jours fériés, aux services du commissariat central de police de Nantes, à 8 heures, muni de ses effets personnels. Par ailleurs, il n'est pas établi que cette obligation et ses modalités présenteraient pour le requérant un caractère disproportionné. Par suite, les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacheraient la décision d'assignation à résidence doivent être écartés.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 11 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.

Le rapporteur,

C. Rivas

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01089


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01089
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : GUINEL-JOHNSON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;21nt01089 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award