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09/07/2021 | FRANCE | N°21NT00842

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 juillet 2021, 21NT00842


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 7 octobre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités espagnoles, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2010974 du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2021, M. B... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 7 octobre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités espagnoles, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2010974 du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2021, M. B... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 novembre 2020 en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté décidant son transfert en Espagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert en Espagne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la situation sanitaire en Espagne et les mesures de prévention adoptées par le gouvernement interdisent son transfert pour des motifs qui ne sont pas que de pure exécution de la mesure ;

- son exceptionnelle vulnérabilité interdit son transfert ;

- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile en raison de son exceptionnelle vulnérabilité, du contexte pandémique, de sa situation familiale, attestant d'un défaut d'examen de sa situation particulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés et que, ayant été déclaré en fuite, le terme du délai de son transfert a été reporté au 12 mai 2022.

Des pièces, présentées pour M. A..., ont été communiquées le 28 juin 2021, soit après la clôture d'instruction.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas, président assesseur,

- et les observations de Me C..., substituée à Me D..., avocate représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... se déclarant ressortissant guinéen né le 12 juillet 1995, indique être entré irrégulièrement sur le territoire français le 11 août 2020. Le 19 août suivant il a présenté une demande d'asile à la préfecture de la Loire-Atlantique. Au vu des résultats de la consultation du fichier Eurodac, le préfet a sollicité le transfert de l'intéressé auprès des autorités espagnoles, ce que celles-ci ont explicitement accepté le 27 août 2020 sur le fondement de l'article 13.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par un jugement du 10 novembre 2020 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du 7 octobre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours à compter de cette date. M. A... relève appel de ce jugement uniquement en ce qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté portant transfert. M. A... ayant été déclaré en fuite, le terme du délai de son transfert aux autorités espagnoles a été repoussé au 12 mai 2022.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. M. A... fait valoir qu'il a reçu tardivement, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile à la préfecture, l'information prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 alors qu'elle aurait dû lui être délivrée lorsqu'il s'est présenté à la plate-forme d'accueil des demandeurs d'asile en vue de l'introduction de sa demande d'asile, sans en préciser la date. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est vu remettre, le 19 août 2020, soit le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue française, qu'il a déclaré comprendre. S'il soutient ne pas suffisamment comprendre la langue française, il a apposé sa signature sur le compte-rendu de l'entretien mentionnant " je reconnais avoir reçu ce document dans une langue que je comprends ". Il a en outre reconnu que les informations contenues dans ces brochures lui ont été communiquées oralement, alors qu'il était assisté par un interprète en langue malinké, et qu'il les avait comprises. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel le moyen invoqué en première instance tirés d'une méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge au point 10 du jugement attaqué.

6. En troisième lieu, d'une part, les conditions d'exécution de l'arrêté contesté sont sans incidence sur sa légalité. D'autre part, la circonstance que l'Espagne a adopté diverses mesures destinées à prévenir la pandémie de Covid 19 n'est pas de nature à interdire le transfert de M. A..., étant rappelé que les autorités espagnoles ont explicitement donné leur accord à celui-ci le 27 août 2020 et que le terme du délai prévu pour son transfert a été fixé au 12 mai 2022. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17, du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

8. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de la décision contestée, que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... et des conséquences de son transfert en Espagne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile. D'autre part, si l'intéressé a fait l'objet de divers examens médicaux à son arrivée en France, les éléments présents au dossier ne permettent pas d'établir qu'il souffrirait de la tuberculose. Ainsi au terme de l'examen qu'il a subi en octobre 2020 au centre de lutte anti tuberculose de Nantes, une nouvelle radiographie n'a été programmée qu'en octobre 2021. Par ailleurs, si M. A... fait état de sa vie de couple avec une compatriote titulaire depuis octobre 2020 d'une attestation de demandeur d'asile, une telle relation est extrêmement récente à la date de l'arrêté contesté et le requérant déclare également être marié en Guinée. S'il fait encore valoir la détérioration des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Espagne du fait de l'afflux de migrants dans ce pays et de la pandémie de Covid 19, les éléments au dossier ne permettent pas d'établir que sa demande d'asile ne sera pas examinée dans le respect des engagement internationaux de cet Etat membre de l'Union européenne, partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les éléments présentés n'établissent pas l'existence d'une situation d'exceptionnelle vulnérabilité du requérant qui imposait l'examen de sa demande d'asile par la France. En conséquence, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités espagnoles. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.

Le rapporteur,

C. Rivas

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00842
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;21nt00842 ?
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