Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 20 novembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités allemandes, d'autre part, l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2012203 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 février 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, s'il n'a pas reçu de réponse à sa demande faite à ce titre ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 décembre 2020 ;
3°) d'annuler les arrêtés du 20 novembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert et l'assignant à résidence ;
4°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, ainsi que le formulaire de l'OFPRA prévu à l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de cinq jours ouvrés suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
en ce qui concerne l'arrêté de transfert :
- il n'est pas suffisamment motivé ;
- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, au regard du risque de renvoi par ricochet vers la Somalie ;
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Allemagne ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est dépourvue de base légale en ce qu'elle l'oblige à se présenter avec ses affaires personnelles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés et que le délai de transfert a été repoussé au 15 juin 2021.
Un mémoire, présenté par le préfet de Maine-et-Loire, a été enregistré le 28 juin 2021, soit après la clôture d'instruction.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas, président assesseur,
- et les observations de Me B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., se disant ressortissant somalien né en 1997, est entré irrégulièrement sur le territoire français à une date indéterminée. Le 13 octobre 2020, il a présenté une demande d'asile à la préfecture de la Loire-Atlantique. Le relevé de ses empreintes digitales et la consultation du fichier Eurodac ont révélé qu'il avait présenté une première demande d'asile en Allemagne le 14 septembre 2015. En conséquence, le 14 octobre 2020, les autorités allemandes ont été saisies d'une demande de transfert de l'intéressé, à laquelle elles ont fait droit par une décision explicite du 20 octobre suivant sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par un jugement du 15 décembre 2020, dont M. A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation des deux arrêtés du 20 novembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours à compter du 30 novembre 2020.
Sur l'étendue du litige :
En ce qui concerne la décision de transfert :
2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de la notification à l'administration du jugement par lequel le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transfert du requérant vers l'Allemagne a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration, le 16 décembre 2020, du jugement attaqué. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas non plus reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressé, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Le litige ayant perdu son objet il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du jugement du 15 décembre 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions en annulation de l'arrêté de transfert du 20 novembre 2020.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
5. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressé ayant reçu application, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation présentées par M. A....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il statue sur l'assignation à résidence :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de transfert :
6. En premier lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance tirés de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté de transfert et de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge aux points 3 à 10 du jugement attaqué.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les autorités allemandes ont donné leur accord au transfert de M. A... sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et, lors de son entretien en préfecture le 13 octobre 2020, l'intéressé a exposé que sa demande d'asile avait été rejetée par ces mêmes autorités. Ces circonstances n'établissent toutefois pas que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé au cas d'espèce à un examen particulier de sa demande alors qu'il n'est pas même soutenu que M. A... se serait vu notifier une obligation de quitter l'Allemagne, où résiderait son fils mineur bénéficiaire d'une protection internationale, à destination de la Somalie. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. M. A... invoque les risques qu'il encourt en cas de retour en Somalie et soutient qu'il risque d'y être renvoyé par les autorités allemandes qui ont rejeté sa demande d'asile. Toutefois, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers son pays d'origine mais seulement de prononcer son transfert en Allemagne. De plus, ainsi qu'il a été exposé, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait été visé par une décision d'éloignement du territoire allemand à destination de la Somalie. Il n'est pas davantage établi qu'il ne pourrait présenter en Allemagne, où résiderait son enfant mineur bénéficiaire d'une protection internationale, tout élément nouveau relatif à sa situation personnelle ou de nature à établir ses craintes dans l'hypothèse d'une décision à venir d'éloignement vers son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire la demande d'asile en France que lui offrait l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés contre la décision d'assignation à résidence :
10. En premier lieu, le requérant reprend en appel le moyen invoqué en première instance tiré de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté d'assignation à résidence. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge au point 15 du jugement attaqué.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 561-2 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride " et aux termes de l'article R. 561-2 alors en vigueur du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. / Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 au titre du 5° de cet article ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5, l'autorité administrative peut fixer à quatre au plus le nombre de présentations quotidiennes. La même autorité administrative est compétente pour désigner à l'étranger assigné à résidence, en application de l'article L. 561-1, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".
12. Par l'arrêté contesté le préfet de Maine-et-Loire a notamment assigné M. A... à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours et l'a obligé à se présenter, avec ses effets personnels, au commissariat central de Nantes chaque lundi sauf les jours fériés, à 8 heures, dès lors qu'à cette date son éloignement demeurait une perspective raisonnable. La circonstance que la notion d'effets personnels ne serait mentionnée par aucun texte législatif ou réglementaire demeure sans incidence sur la légalité de la décision contestée alors que ces obligations et modalités ne présentent pas un caractère disproportionné pour l'intéressé. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait intervenue en violation des dispositions des articles L. 561-2 et l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2020 décidant son assignation à résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
14. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par M. A..., le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au profit de son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... aux fins d'annulation de la décision du 20 novembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert auprès des autorités allemandes.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.
Le rapporteur,
C. Rivas
Le président,
L. Lainé
La greffière,
S. Levant
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21NT00544