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25/06/2021 | FRANCE | N°20NT03806

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 25 juin 2021, 20NT03806


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... et Mme C... K... E... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 octobre 2016 par laquelle les autorités consulaires françaises en poste à Abidjan ont refusé de délivrer à l'enfant J... D... A... un visa de long séjour au titre du regroupement familial ainsi que la décision du 20 janvier 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre cette décision consula

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Par un jugement n° 1706874 du 1er juillet 2020, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... et Mme C... K... E... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 octobre 2016 par laquelle les autorités consulaires françaises en poste à Abidjan ont refusé de délivrer à l'enfant J... D... A... un visa de long séjour au titre du regroupement familial ainsi que la décision du 20 janvier 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre cette décision consulaire.

Par un jugement n° 1706874 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté leur demande dirigée contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 20 janvier 2017 ;

2°) d'annuler la décision de la commission du 20 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, lui enjoindre de réexaminer la demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- l'état civil de leur fille est établi par les documents produits ;

- le lien de paternité est établi par possession d'état ;

- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien résidant régulièrement en France, a obtenu, par une décision du préfet de police du 21 septembre 2016, une autorisation de regroupement familial au profit de Mme E... épouse A... et de l'enfant D... J... A..., ressortissants ivoiriens qu'il présente comme son épouse et leur fille. Un visa de long séjour a été délivré à la première tandis qu'un refus de visa a été, le 12 octobre 2016, opposé à la seconde par les autorités consulaires françaises en poste à Abidjan. Par une décision du 20 janvier 2017, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. et Mme A... contre cette décision consulaire en estimant que l'identité de l'enfant et son lien familial avec le regroupant, M. A..., n'étaient pas établis. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission du 20 janvier 2017.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Dans le cas où la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public. Figurent au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir l'identité du demandeur de visa ou encore l'absence de lien familial entre celui-ci et le membre de famille que celui-ci entend rejoindre.

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. / Le demandeur d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences, qui souhaite rejoindre ou accompagner l'un de ses parents mentionné aux articles L. 411-1 et L. 411-2 (...), peut, en cas d'inexistence de l'acte de l'état civil ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci qui n'a pu être levé par la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du code civil, demander que l'identification du demandeur de visa par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. (...) ". L'article 47 du code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. D'une part, il ressort de la copie intégrale certifiée conforme à l'original de l'acte de naissance n° 1124 ainsi que de l'extrait du registre des actes de l'état civil pour l'année 2004 que la jeune J... D... A... est née le 2 novembre 2004 à Hiré de M. H... A..., né le 22 juillet 1958 à Divo et de Mme C... K... E..., née le 1er janvier 1975 à Zaroko. Si le ministre de l'intérieur a fait valoir devant les premiers juges que l'extrait d'acte de naissance mentionné ci-dessus ne comportait pas les date et lieu de naissance du père allégué, aucun élément au dossier ne permet d'établir que ce type de documents devrait, selon la loi ivoirienne, contenir cette information alors, au demeurant, qu'il s'agit d'un extrait. Par ailleurs, contrairement à ce qu'a affirmé le ministre, la copie intégrale de l'acte de naissance, à l'en-tête de la " circonscription de l'état civil de la commune de Hiré ", fait état de ce que la déclaration de naissance par la mère a été reçue le 31 décembre 2004 par M. B... I..., maire de la commune de Hiré et officier d'état civil. S'agissant d'une copie certifiée conforme à l'original, la signature de ce dernier n'avait pas à apparaître. Enfin, ce document énonce les nom, prénom, date et lieu de naissance, nationalité, profession et commune de domiciliation du père. Par suite, les observations du ministre de l'intérieur selon lesquelles la copie intégrale d'acte de naissance ne ferait pas état de la " filiation complète du père allégué, du lieu d'établissement et de la signature de l'auteur de l'acte " sont soit inexactes soit insusceptibles de priver cet acte de valeur probante.

5. D'autre part, M. A... et Mme E... se sont mariés en 2010, postérieurement à la naissance de la jeune J... D.... Il résulte des dispositions combinées des articles 19 et 20 de la loi ivoirienne n° 64-377 du 7 octobre 1964 relative à la paternité et à la filiation que le lien de filiation avec le père de l'enfant né en dehors du mariage est établi soit par reconnaissance effectuée par acte authentique soit par jugement. La seule circonstance que l'enfant porte le nom de M. A... ne suffit pas, à elle-seule, à démontrer qu'une reconnaissance par acte authentique aurait été réalisée par M. A.... Il est, par ailleurs, constant qu'aucun jugement n'est intervenu en vue d'établir le lien de filiation paternelle. Toutefois, le second alinéa de l'article 20 de la loi ivoirienne mentionnée ci-dessus prévoit que l'acte de naissance portant indication du père vaut reconnaissance lorsqu'il est corroboré par la possession d'état. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la copie intégrale d'acte de naissance et l'extrait d'acte de naissance indiquent que M. H... A..., né le 22 juillet 1958 à Divo, est le père de l'enfant J... D... A.... Cette dernière porte le nom du requérant. Il n'est pas contesté que l'épouse de M. A... est la mère de l'enfant. Les requérants justifient, de plus, des voyages de M. A... vers la Côte d'Ivoire, de transferts d'argent et produisent photographies et attestations. Dans ces conditions, les documents produits permettent, au regard du second alinéa de l'article 20 de la loi ivoirienne, de tenir pour établi le lien de filiation revendiqué.

6. Il suit de là qu'en estimant que l'identité et le lien familial entre l'enfant pour laquelle la demande de visa a été formée et le bénéficiaire de l'autorisation de regroupement familial n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions citées au point 3.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission du 20 janvier 2017.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre un visa de long séjour à la jeune J... D... A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me G....

D E C I D E :

Article 1er : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 20 janvier 2017 et le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 en tant qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à la jeune J... D... A... un visa de long séjour, dans le délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me G... la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A..., Mme C... K... E... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

Mme Douet, présidente assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juin 2021.

La rapporteure,

K. F...

Le président,

A. PEREZLa greffière,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03806


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03806
Date de la décision : 25/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL R et P AVOCATS OLIVIER RENARD ET CINDIE PAPINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-25;20nt03806 ?
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