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22/06/2021 | FRANCE | N°20NT00121

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 juin 2021, 20NT00121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision en date du 14 février 2019 de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) rejetant la demande de visa de long séjour en qualité de visiteur présentée pour C... E....

Par un jugement no 1907011 du 16 décembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a re

jeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision en date du 14 février 2019 de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) rejetant la demande de visa de long séjour en qualité de visiteur présentée pour C... E....

Par un jugement no 1907011 du 16 décembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 janvier et 23 mars 2020, M. H..., représenté par Me Geffroy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à la jeune C... E... le visa sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au profit de Me Geffroy en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.

Par une décision du 2 mars 2020, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Nantes a accordé à M. H... le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bréchot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... H..., ressortissant français né le 9 mars 1975, a sollicité le 3 février 2019 la délivrance d'un visa de long séjour pour C... E..., jeune ressortissante algérienne née le 23 mai 2009, qu'il a recueillie par acte de kafala judiciaire du 13 janvier 2019. Par une décision du 14 février 2019, l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) a refusé de délivrer le visa sollicité. Par une décision du 5 juin 2019, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie du refus de visa opposé par l'autorité consulaire, a confirmé ce refus au motif que les ressources de M. H... et de Mme I... A... étaient insuffisantes pour leur permettre de prendre en charge l'enfant dans des conditions adéquates et qu'il était dans l'intérêt de l'enfant de demeurer en Algérie auprès de ses parents. M. H... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.

3. Par un jugement du tribunal de Sidi Ali du 13 janvier 2019, M. G... H... et Mme B... A... ont été désignés comme recueillants légaux d'C... E....

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est sans emploi et que M. H... exerce à titre intérimaire en qualité de maçon. Les revenus déclarés par M. H... au titre de l'année 2017 s'élevaient à 9 255 euros, dont 5 728 euros versés par Pôle emploi. Ils étaient de 18 758 euros pour l'année 2018, soit une moyenne mensuelle de 1 563 euros par mois, dont 12 262 euros de revenus d'activité, 5 728,94 euros d'allocation d'aide au retour à l'emploi et 1 362 euros d'indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie à la suite d'un accident du travail survenu le 24 octobre 2018. Il percevait, en 2019, entre 1 579 et 1 629,36 euros net par mois d'indemnités journalière versées par la caisse primaire d'assurance maladie, ainsi que 260 euros par mois versés l'AG2R La Mondiale. Il ressort également des pièces du dossier que le loyer mensuel du requérant s'élevait en mars 2019 à 339 euros par mois, après déduction de l'allocation personnalisée au logement, et qu'il est débiteur d'une pension alimentaire mensuelle de 270 euros afin de pourvoir aux besoins et à l'entretien de ses trois enfants mineurs issus d'une précédente union, dont la résidence a été fixée au domicile de leur mère, et qui rendent visite au requérant un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Dans ces conditions, M. H..., eu égard à la composition de son foyer, doit être regardé comme justifiant de ressources suffisantes pour accueillir la jeune C....

5. D'autre part, il n'est pas contesté par le ministre de l'intérieur que le logement des requérants, à savoir un appartement de type 4 d'une surface habitable de 74 mètres carrés, est d'une taille suffisante pour accueillir la jeune C... en plus des trois enfants de M. H... un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

6. Enfin, ainsi qu'il a été dit, l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, telle que le jugement du tribunal de Sidi Ali du 13 janvier 2019, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Le ministre de l'intérieur, en se bornant à soutenir que la jeune C... n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie, que rien ne prouve que les parents de la jeune fille seraient dans l'incapacité de subvenir à ses besoins, que M. H... pourrait lui rendre visite en Algérie et qu'il n'apporte pas la preuve qu'il assure actuellement la prise en charge matérielle de la jeune C..., n'établit pas de considérer que, par exception au principe qui vient d'être rappelé, l'intérêt de l'enfant ne serait pas de vivre avec M. H....

7. Par conséquent, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pu légalement estimer que l'intérêt de l'enfant était de demeurer dans son pays d'origine.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. H... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit à la demande de visa présentée pour la jeune C... E.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité pour la jeune C... E... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. M. H... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Geffroy de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 décembre 2019 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 5 juin 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mlle C... E... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Geffroy une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2021.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLe président,

T. Célérier

La greffière,

C. Popsé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 20NT00121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00121
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : GEFFROY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-22;20nt00121 ?
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