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18/06/2021 | FRANCE | N°20NT01484

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4eme chambre, 18 juin 2021, 20NT01484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel le préfet du Loiret l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à défaut de se conformer à cette obligation.

Par un jugement n° 2000098 du 11 mars 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enr

egistrée le 12 mai 2020, Mme C... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel le préfet du Loiret l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à défaut de se conformer à cette obligation.

Par un jugement n° 2000098 du 11 mars 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2020, Mme C... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000098 du tribunal administratif d'Orléans du 11 mars 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel le préfet du Loiret l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à défaut de se conformer à cette obligation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille cinq cents euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la notification de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français est irrégulière ; le procès-verbal comporte des mentions erronées quant à la date ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il n'y pas eu examen de sa situation personnelle et familiale notamment la nationalité française de son enfant ;

- la décision est entachée d'erreur de fait en ce qui concerne l'absence de démarches administratives à l'expiration du visa en qualité d'étudiant ;

- le préfet du Loiret aurait dû se prononcer sur sa demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étudiant avant d'adopter l'obligation de quitter le territoire français en cause ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 313-11-6 et L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est mère d'un enfant français ; le préfet n'établit pas le caractère frauduleux de la reconnaissance effectuée par le père de son enfant ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- son passeport, retenu antérieurement à la notification de la mesure d'éloignement, doit lui être restitué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2020, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., ressortissante comorienne née en avril 1993, est entrée en France en septembre 2016 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant. Par un arrêté du 10 janvier 2020, le préfet du Loiret a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à défaut de se conformer à cette obligation. Mme B... relève appel du jugement du 11 mars 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. En premier lieu, les conditions de notification d'un acte administratif sont sans incidence sur sa légalité. Il suit de là que la circonstance que le procès-verbal de notification de l'obligation de quitter le territoire français du 10 janvier 2020 comporte des mentions erronées quant à la date n'est pas de nature à en entrainer l'annulation.

3. En deuxième lieu, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".

4. L'arrêté du 10 janvier 2020 portant à l'encontre de Mme B... obligation de quitter le territoire français comporte l'exposé détaillé des considérations de droit et de fait qui le fondent. S'il ne mentionne pas la nationalité française du fils de l'intéressée, d'une part, il mentionne l'existence de l'enfant et d'autre part, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Loiret avait saisi, en décembre 2019, le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Orléans d'une suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité susceptible d'empêcher de reconnaitre au fils de Mme B... la nationalité française. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'obligation de quitter le territoire français du 10 janvier 2020 est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, l'absence de mention de la nationalité de l'enfant de l'intéressée ne permet pas de considérer que le préfet du Loiret n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

5. En troisième lieu, les articles R. 311-12 et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable, disposent que " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet " et que " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ".

6. Il ressort des motifs de l'arrêté du 10 janvier 2020 portant obligation de quitter le territoire français que le préfet du Loiret a estimé que Mme B... s'était maintenue sur le territoire français à l'expiration de son visa en qualité d'étudiante sans effectuer de démarches en vue de la régularisation de sa situation au regard du droit au séjour. Si l'intéressée produit un récépissé de demande de titre de séjour daté du 13 décembre 2017, il est constant qu'aucun titre de séjour ne lui a été délivré à la suite de cette demande. Dans ces conditions, en application des dispositions alors applicables de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa demande de titre de séjour avait été implicitement rejetée. Il suit de là que, d'une part, l'erreur de fait entachant l'arrêté du 10 janvier 2020 concernant l'absence de démarches de régularisation est sans incidence sur la légalité de cette décision et d'autre part, que Mme B... ne peut utilement soutenir qu'il appartenait au préfet du Loiret de se prononcer explicitement sur sa demande de titre de séjour.

7. En quatrième lieu, l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".

8. Mme B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-11 6° et L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ont trait à la délivrance de titres de séjour, pour contester la décision portant obligation de quitter le territoire français. A supposer qu'elle ait entendu invoquer la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ses compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude.

9. Il ressort des pièces que l'enfant de Mme B..., le petit Elfawzane né en février 2019, a été reconnu avant sa naissance par M. A..., ressortissant français. Si l'appelante produit des éléments démontrant de courts voyages de M. A... à Orléans à l'occasion de la reconnaissance de l'enfant, de sa naissance et à deux reprises au premier semestre 2019 et des éléments établissant des versements de M. A... à son profit ainsi que des échanges par messages instantanés, il ressort également des pièces du dossier, notamment des déclarations de M. A... et de Mme B... devant les autorités de police, d'une part que des contradictions ont été relevées dans leurs témoignages concernant la conception du bébé et d'autre part que Mme B... n'était pas en mesure d'apporter des précisions concernant l'adresse à laquelle elle aurait rencontré M. A... en mai 2018 ni n'a pu expliquer pourquoi, alors qu'elle aurait résidé chez la voisine de M. A..., elle n'aurait alors pas pris connaissance de la situation matrimoniale de celui-ci, marié et père d'autres enfants. Par ailleurs, les investigations menées par les services de police et les constatations effectuées par les services de la préfecture ont permis d'établir que Mme B... avait une vie commune avec un compatriote qui avait indiqué, sur les réseaux sociaux, avoir épousé l'intéressée religieusement en décembre 2018 et avoir pris un congé au moment de la naissance de l'enfant de Mme B.... Il ressort également des recherches menées par les services de la préfecture que le compatriote de Mme B... se présente sur les réseaux sociaux comme le père du bébé. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le petit Elfawzane se soit vu délivrer la carte d'identité française sollicitée par ses parents, l'appelante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le préfet du Loiret, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude, dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, ne pouvait pour ce motif prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent du présent arrêt, le préfet du Loiret n'a pas apprécié de manière manifestement erronée les conséquences de sa décision sur la situation de Mme B....

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2020. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2021.

La rapporteure,

M. E...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01484
Date de la décision : 18/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : NKOUNKOU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-18;20nt01484 ?
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