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10/06/2021 | FRANCE | N°20NT03239

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 10 juin 2021, 20NT03239


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2019 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et l'a astreint à se présenter chaque vendredi à 11 heures au commissariat de police de Laval.

Par un jugement n° 1911695

du 10 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2019 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et l'a astreint à se présenter chaque vendredi à 11 heures au commissariat de police de Laval.

Par un jugement n° 1911695 du 10 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2020, M. A... F..., représenté par Me Gouedo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros qui devra être versée à son avocate en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient :

- que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et a été pris en méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le préfet de la Mayenne a adressé son mémoire en défense au tribunal administratif le 24 avril 2020, soit postérieurement à la date de clôture d'instruction fixée au 2 avril 2020, et que le mémoire en défense qui lui a été transmis ne comportait qu'une seule page et n'était donc pas exploitable ;

- que le tribunal a commis une erreur de droit en recherchant s'il contribuait à l'éducation et l'entretien de ses enfants alors qu'un juge a reconnu son état d'impécuniosité ;

sur la décision portant refus de titre de séjour, que :

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été prise après avis de la commission de titre de séjour ;

- elle n'a pas été précédée de l'examen complet de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français, que :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2021, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. A... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F..., ressortissant comorien, né le 12 décembre 1975, a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français, délivré par le préfet de la Réunion et valable du 10 mars 2014 au 4 avril 2017. Le même préfet lui a ensuite délivré une carte de séjour pluriannuelle, valable du 5 avril 2017 au 4 avril 2019. Le 26 mars 2019, M. A... F... a sollicité du préfet de la Mayenne le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle et la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 octobre 2019, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et l'a astreint à se présenter au commissariat de police de Laval chaque vendredi à 11 heures. M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 10 septembre 2020, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... F... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort de la fiche Skipper que le mémoire en défense du préfet de la Mayenne, enregistré le 6 avril 2020, a été communiqué au requérant le 24 avril 2020. Si la clôture d'instruction était initialement fixée, par une ordonnance du 28 octobre 2019, au 2 avril 2020, la communication du mémoire en défense postérieurement à la date de la clôture d'instruction vaut implicitement mais nécessairement réouverture de l'instruction.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avocate du requérant a accusé réception le 27 avril 2020 du mémoire en défense, avec ses douze pièces jointes, enregistré le 6 avril 2020. Si le requérant soutient que ce mémoire en défense était inexploitable dès lors qu'il ne comportait qu'une seule page, à supposer cette circonstance avérée, il n'établit ni même n'allègue avoir présenté, à la suite de l'accusé de réception, une demande au greffe du tribunal administratif de Nantes afin d'obtenir la version complète du mémoire en défense, de neuf pages.

4. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué aux motifs que ni le principe du contradictoire, ni les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'auraient été respectés, doivent être écartés.

5. En troisième et dernier lieu, si M. A... F... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, ce moyen porte en réalité sur le bien-fondé du jugement et non sa régularité.

Sur le refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le refus de délivrance d'un titre de séjour n'a pas été précédé de l'examen particulier de la situation personnelle de M. A... F..., par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le requérant n'apportant aucun élément nouveau en appel.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; (...) ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... F... est, à la date de l'arrêté contesté, le père de treize enfants, dont quatre sont français. Si le requérant est également le père d'une enfant comorienne ayant présenté une demande de déclaration de nationalité française, elle n'a obtenu une carte nationale d'identité française que le 15 juin 2020, postérieurement à l'arrêté litigieux. De son union avec Mme D... H..., ressortissante française avec laquelle il était marié jusqu'au 16 juillet 2019, sont issus trois enfants mais le requérant n'établit ni même n'allègue contribuer à leur entretien et à leur éducation. De son union avec Mme J... H..., ressortissante française, est issu l'enfant C..., né le 1er juillet 2017, ainsi que l'enfant B..., née le 3 avril 2020, postérieurement à l'arrêté en cause. Il ressort d'un jugement rendu le 2 juillet 2019 par la juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Laval que M. A... F... et Mme H... exercent conjointement l'autorité parentale sur l'enfant C..., que la résidence habituelle de l'enfant est chez sa mère et que M. A... F... dispose d'un droit de visite et d'hébergement. Eu égard à son impécuniosité, ce jugement dispense provisoirement M. A... F... de contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant. Toutefois, il n'est établi ni que le requérant aurait exercé le droit d'accueil de l'enfant à son domicile, droit qui devait être réglé à l'amiable jusqu'au 30 juin 2020, ni que Mme H... se serait opposée à ce droit d'hébergement. Si le requérant a produit quelques factures, de janvier à juillet 2019, relatives à des produits pour bébé, correspondant, au demeurant, à la période où il a demandé le renouvellement de son titre de séjour, il n'a produit aucune facture pour l'année 2018, malgré la demande en ce sens de la préfecture. Les attestations produites, du 17 septembre 2020, émanant pour l'une de Mme H... et pour l'autre de la directrice d'une école maternelle, indiquent que M. A... F... a souvent emmené puis ramené son fils C... à l'école, de septembre à décembre 2019, puis est venu chaque jour à partir de janvier 2020. Toutefois, ces éléments sont en très grande partie postérieurs à l'arrêté contesté du 11 octobre 2019. Si l'attestation de Mme H... mentionne également que M. A... F... " sort et joue avec ses enfants à la plaine d'aventure ou dans l'appartement ", ces éléments sont peu circonstanciés et, en particulier, non datés. Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, la réalité du lien entre M. A... F... et l'enfant C... n'est pas établie à la date de l'arrêté litigieux et, dès lors, le requérant ne peut pas être regardé comme contribuant effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il n'est pas établi que M. A... F... était en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France au titre du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme il a été dit au point 8. Par conséquent, le préfet de la Mayenne n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour et le moyen tiré d'un vice de procédure doit donc être écarté.

10. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... F... réside avec six de ses enfants, de nationalité comorienne, âgés de huit à seize ans à la date de la décision contestée. Si l'une des enfants est devenue française, cette circonstance est postérieure à l'arrêté contesté. Il n'établit ni même n'allègue que la scolarité de ceux-ci ne pourrait se poursuivre aux Comores. En outre, eu égard à ce qui a été dit au point 8, il n'est pas établi que M. A... F... contribue effectivement à l'éducation de l'enfant C... ou, au moins, qu'il entretient un lien avec lui. Enfin, il ne se prévaut d'aucune insertion particulière dans la société française et il n'est pas établi qu'il serait dépourvu d'attaches personnelles et familiales aux Comores, pays dans lequel il a vécu les trente-neuf premières années de sa vie et où résident ses trois autres enfants comoriens. Dans les circonstances de l'espèce, le refus de lui délivrer un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts de cette mesure, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'intérêt supérieur des enfants, tel qu'il est garanti par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 10, les moyens tirés de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle du requérant et de ce qu'elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives aux frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2021.

La rapporteure,

P. PicquetLe président,

J-E. Geffray

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03239
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: Mme Penelope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-10;20nt03239 ?
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