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10/06/2021 | FRANCE | N°19NT00577

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 10 juin 2021, 19NT00577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) VP Santé a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales ainsi que des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Par un jugement n° 1701529 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés

les 7 février 2019, 5 et 22 février 2021 et 22 mars 2021, la SAS VP Santé, représentée par Me A..., de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) VP Santé a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales ainsi que des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Par un jugement n° 1701529 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 février 2019, 5 et 22 février 2021 et 22 mars 2021, la SAS VP Santé, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'évaluation de l'avantage réputé par l'administration qui lui aurait été consenti est infondée ; elle ne respecte par l'identité entre la valeur en pleine propriété et la somme de l'usufruit et de la nue-propriété ; elle ne se fonde pas sur une valeur de pleine-propriété à laquelle a été appliquée le barème prévu par le II de l'article 669 du code général des impôts ; la méthode des " Cash Flow actualisé " utilisée ne retient pas la trésorerie disponible et conduit à valoriser l'usufruit temporaire à plus d'une fois et demie l'actif ; elle ne prend pas en compte l'endettement du capital d'un emprunt ;

- la minoration d'actif de la société civile immobilière (SCI) du Manoir est de 410 688 euros et celle de la SCI du Cros de moins 13 823 euros d'où une réduction des bases de l'imposition égale à 456 373 euros, résultant de la différence entre 853 238 euros et 396 865 euros ;

- il ne faut pas prendre en compte l'année 2018 dès lors que tant au 31 décembre 2018 que lors de la distribution du résultat obtenu en 2018, elle n'était plus usufruitière ;

- le paragraphe 190 du BOI-IR-BASE 10-10-30 admet, quand bien même il serait postérieur, que " pour évaluer la valeur vénale d'un usufruit temporaire grevant un bien, il sera admis, à titre indicatif, de déterminer dans un premier temps la valeur vénale de la pleine propriété du bien correspondant puis, dans un second temps, d'appliquer à cette valeur les dispositions prévues au II de l'article 669 du code général des impôts ", ce qui a pour conséquence que l'administration ne peut affirmer que le taux de 23 % est impropre à rendre compte de la réalité économique ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée dès lors que l'administration se borne à affirmer l'existence de la communauté d'intérêts entre elle-même et M. D..., son principal associé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 août 2019 et 27 janvier, 19 février, 17 et 31 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la minoration d'actif des titres de la SCI du Cros est devenue négligeable ;

- les moyens soulevés par la SAS VP Santé ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, par actes sous seing privé des 31 août et 1er septembre 2010, la société par actions simplifiée (SAS) VP Investissements, devenue VP Santé, a respectivement acquis l'usufruit de 49 % des parts sociales de la société civile immobilière (SCI) du Cros pour une durée de huit ans et un montant de 40 000 euros et l'usufruit de 96 % des parts de la SCI du Manoir pour la même durée et pour un montant de 80 000 euros. Ces montants ont été inscrits à l'actif de la SAS VP Investissements au titre de l'exercice clos en 2010. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause l'évaluation de la valeur de ces usufruits qu'elle a estimée, en application de la méthode d'actualisation des flux de revenus attendus, à la somme globale de 853 238 euros. En conséquence, l'administration fiscale a procédé au rehaussement de l'actif net de la SAS VP Santé à hauteur de la différence entre la valeur réelle des usufruits et la valeur inscrite à l'actif de cette société. Par un jugement du 18 décembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités résultant de cette rectification. La SAS VP Santé relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé de l'imposition supplémentaire :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III à ce code : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies. / (...) ; / b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale ; / (...). ".

3. La valeur vénale des titres d'une société non admise à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives.

4. En cas de démembrement de droits sociaux, l'usufruitier, conformément à l'article 582 du code civil qui lui accorde la jouissance de toute espèce de fruits, n'a droit qu'aux dividendes distribués.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'évaluation du revenu futur attendu par un usufruitier de parts sociales ne peut avoir pour objet que de déterminer le montant des distributions prévisionnelles qui peut être fonction notamment des annuités prévisionnelles de remboursement d'emprunts ou des éventuelles mises en réserves pour le financement d'investissements futurs, lorsqu'elles sont justifiées par la société.

6. En l'espèce, et en l'absence de transactions intervenues dans des conditions similaires, l'administration, en déterminant la valeur attendue de l'usufruit provisoire des parts des SCI du Cros et du Manoir sur la base de la capitalisation, avec taux d'actualisation de 5%, des résultats nets d'activité de la société avec un abattement de 33,33% correspondant à une imposition théorique à l'impôt sur les sociétés, s'est fondée sur les résultats imposables prévisionnels de la société alors qu'elle aurait dû déterminer la valeur sur la base des distributions prévisionnelles en prenant en compte les éléments mentionnés au point 5. La méthode d'évaluation de la valeur de l'usufruit, telle qu'elle a été retenue par l'administration, n'était pas régulière et n'a pas permis d'établir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande aux 31 août et 1er septembre 2010, date de la cession des usufruits.

7. L'administration informe la cour, par son mémoire enregistré le 27 janvier 2021, et sans être contredite, que selon les éléments en sa possession, notamment le financement de projets de travaux d'une clinique, elle a appliqué la seule méthode dite " discounted cash-flows (DCF) classique " pour obtenir une valeur de l'usufruit égale à 619 355 euros pour la SCI du Manoir et à 69 745 euros pour la SCI du Cros.

8. La société requérante soutient qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte les mois de l'année 2018 dans le calcul de la valeur des usufruits dès lors que tant au 31 décembre 2018 que lors de la distribution du résultat obtenu en 2018, elle n'était plus usufruitière. Toutefois, il est établi, à la suite d'une mesure d'instruction ordonnée en cours d'instance, que la société a participé aux assemblées générales des deux SCI du Cros et du Manoir en 2019 qui avaient pour objet d'approuver les résultats de l'exercice clos en 2018 et d'affecter les bénéfices. Dès lors, la valeur de l'usufruit doit être calculé sur la période du 31 août 2010 au 31 août 2018 pour la SCI du Cros et sur celle du 1er septembre 2010 au 1er septembre 2018 pour la SCI du Manoir.

9. En application de la méthode dite " DCF classique ", avec un nouveau taux de rentabilité interne de 10%, au demeurant supérieur au taux initial, et compte tenu de la durée totale de chaque usufruit, l'administration a estimé que la valeur de l'usufruit maintenu est égale à 619 355 euros pour la SCI du Manoir et à 40 226 euros pour la SCI du Cros. Compte tenu de la valeur d'inscription à l'actif qui est de 80 000 euros pour la SCI du Manoir et de 40 000 euros pour la SCI du Cros, la minoration d'actif est respectivement de 539 355 euros et 226 euros. Il n'y a pas lieu d'ajouter dans le calcul la minoration d'actif égale 226 euros au titre de la SCI du Cros dès lors que l'administration la considère comme somme négligeable. Dès lors, les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés auquel la SAS VP Santé a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 sont réduites à concurrence de 313 883 euros, résultant de la différence entre la minoration d'actif de 539 355 euros et celle initialement appliquée de 853 238 euros pour l'ensemble des usufruits des SCI.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. La SAS VP Santé ne peut utilement se prévaloir du paragraphe 190 du BOI-IR-BASE-10-10-30 dès lors qu'il a été publié le 4 août 2015, soit après l'expiration du délai de déclaration de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2010.

Sur les pénalités :

11. Pour appliquer la majoration pour manquement délibéré, le service s'est fondé, dans la proposition de rectification du 20 décembre 2013, sur l'élément matériel consistant dans la minoration de l'actif net de la SAS VP Investissements du fait de l'absence de comptabilisation de la libéralité consentie à son profit par M. D..., qui détenait 96 % de parts de la SCI du Manoir, à l'occasion de la cession de l'usufruit temporaire des parts sociales, d'une part, et sur l'élément intentionnel découlant du fait que la SAS VP Investissements ne pouvait ignorer avoir bénéficié d'une libéralité compte tenu de la communauté d'intérêts existant entre elle-même et M. D..., lequel est son président et son principal associé, d'autre part. Dans sa décision du 7 mars 2017, rejetant la réclamation de la société, il a repris ces éléments en précisant que la minoration d'actif représentait une importante discordance. Compte tenu de ces éléments, le service justifie du caractère délibéré du manquement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS VP Santé est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 à raison de la réduction de la base d'imposition prononcée au point 9. Il s'ensuit également qu'une somme de 1 500 euros doit être mise à la charge de l'Etat, partie perdante, au titre des frais liés au litige.

D E C I D E :

Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés auquel la SAS VP Santé a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 sont réduites à concurrence de 313 883 euros.

Article 2 : La SAS VP Santé est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 correspondant à la réduction de la base d'imposition prononcée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 18 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SAS VP Santé une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS VP Santé est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée VP Santé et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. B..., président,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2021.

Le président-rapporteur,

J.-E. B...

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau

H. Brasnu

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT00577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00577
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET FIDAL (TOURS)

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-10;19nt00577 ?
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