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04/06/2021 | FRANCE | N°21NT00725

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 juin 2021, 21NT00725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 novembre 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2011654 du 25 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enreg

istrés le 11 mars 2021 et le 11 mai 2021, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 novembre 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2011654 du 25 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 mars 2021 et le 11 mai 2021, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2011654 du tribunal administratif de Nantes du 25 novembre 2020 en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision portant transfert auprès des autorités suédoises ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 6 novembre 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités suédoises ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, ou à titre subsidiaire, réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ainsi que les dispositions de l'article 13 du règlement général sur la protection des données ; l'information prévue par ces dispositions ne lui a été donnée que tardivement, à l'issue de l'entretien individuel, et de manière non effective puisque dans une langue (farsi) qu'il ne comprend pas ; l'information lui a été donnée postérieurement au relevé de ses empreintes ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'est pas établi que la personne qui a mené l'examen, qui n'est pas identifiée, était qualifiée ;

- il existe une contradiction entre les mesures d'urgence sanitaire et les décisions portant transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les obligations de présentation au commissariat ;

- il n'y a d'examen du risque de violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ; dès lors qu'il fait l'objet d'une mesure d'éloignement exécutoire du territoire suédois, il existe un risque de renvoi en Afghanistan où règne une situation de violence généralisée, notamment dans sa région d'origine (Kapisa), et donc de méconnaissance par ricochet de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il encourt également un risque de mauvais traitements en Suède même où sa demande d'asile a été rejetée ; la décision est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne mentionne pas d'examen du risque d'atteinte à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par ricochet ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; il risque un éloignement vers l'Afghanistan puisque les autorités suédoises ont définitivement rejeté sa demande d'asile ; le préfet n'a pas examiné la possibilité d'appliquer les clauses dérogatoires ; il présente une situation de vulnérabilité ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait en mentionnant qu'il ne fait pas l'objet d'une mesure d'éloignement exécutoire en Suède ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait concernant sa région d'origine et est entaché d'un défaut d'examen circonstancié de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le délai de transfert de M. A... vers la Suède est reporté au 25 mai 2022 ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 15 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les observations de Me B..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant afghan né en juin 1986, est entré en France en août 2020. Il a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 8 septembre 2020 auprès des services de la préfecture de police de Paris. Par une décision du 6 novembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile, et par une décision du même jour, a également prononcé son assignation à résidence. M. A... relève appel du jugement du 25 novembre 2020 en tant que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant transfert auprès des autorités suédoises.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 8 septembre 2020, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture de police de Paris, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue farsi. Si l'intéressé indique ne comprendre que la langue dari, le préfet de Maine-et-Loire a indiqué dans ses écritures devant le tribunal administratif, sans être contredit, que la langue farsi est une langue très proche de la langue dari, qui utilise le même alphabet et peut être lue par les locuteurs des deux langues. En outre, l'intéressé n'a émis aucune réserve lors de la remise des brochures en langue farsi. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données dispose que : " 1. Lorsque des données à caractère personnel relatives à une personne concernée sont collectées auprès de cette personne, le responsable du traitement lui fournit, au moment où les données en question sont obtenues, toutes les informations suivantes : / a) l'identité et les coordonnées du responsable du traitement et, le cas échéant, du représentant du responsable du traitement ; / b) le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données ; / c) les finalités du traitement auquel sont destinées les données à caractère personnel, ainsi que la base juridique du traitement ; / d) lorsque le traitement est fondé sur l'article 6, paragraphe 1, point f), les intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers ; / e) les destinataires ou les catégories de destinataires des données à caractère personnel, s'ils existent ; et / f) le cas échéant, le fait que le responsable du traitement a l'intention d'effectuer un transfert de données à caractère personnel vers un pays tiers ou à une organisation internationale, et l'existence ou l'absence d'une décision d'adéquation rendue par la Commission ou, dans le cas des transferts visés à l'article 46 ou 47, ou à l'article 49, paragraphe 1, deuxième alinéa, la référence aux garanties appropriées ou adaptées et les moyens d'en obtenir une copie ou l'endroit où elles ont été mises à disposition ; / 2. En plus des informations visées au paragraphe 1, le responsable du traitement fournit à la personne concernée, au moment où les données à caractère personnel sont obtenues, les informations complémentaires suivantes qui sont nécessaires pour garantir un traitement équitable et transparent : / a) la durée de conservation des données à caractère personnel ou, lorsque ce n'est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée ; b) l'existence du droit de demander au responsable du traitement l'accès aux données à caractère personnel, la rectification ou l'effacement de celles-ci, ou une limitation du traitement relatif à la personne concernée, ou du droit de s'opposer au traitement et du droit à la portabilité des données ; / c) lorsque le traitement est fondé sur l'article 6, paragraphe 1, point a), ou sur l'article 9 point a), l'existence du droit de retirer son consentement à tout moment, sans porter atteinte à la licéité du traitement fondé sur le consentement effectué avant le retrait ; / d) le droit d'introduire une réclamation auprès d'une autorité de contrôle ; (...) 4. Les paragraphes 1, 2 et 3 ne s'appliquent pas lorsque, et dans la mesure où, la personne concernée dispose déjà de ces informations ".

6. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Dans ces conditions, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

8. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. A... qu'il a bénéficié le 8 septembre 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue dari, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète, dont l'identité est portée sur le compte rendu d'entretien, intervenant pour le compte de la société ISM Interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur. Il n'est pas établi qu'il n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé le requérant de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. En quatrième lieu, les considérations relatives au contexte de pandémie du fait du virus de la Covid-19 sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté mais relèvent de son exécution, le préfet disposant en tout état de cause, selon les cas, d'un délai de six à dix-huit mois pour ce faire. Dans ces conditions, la circonstance que les autorités suédoises et françaises ont adopté des mesures de confinement et de couvre-feu est sans incidence sur la légalité de l'arrêté portant transfert de M. A... auprès des autorités suédoises.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Par ailleurs, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. M. A... soutient qu'en raison du rejet de sa demande d'asile par les autorités suédoises, d'une part, il encourt un risque de traitement contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en Suède où il ne serait pas accueilli, et d'autre part, il encourt un risque de renvoi en Afghanistan, pays dans lequel du fait de la situation dans sa région d'origine, il encourt des risques de traitements contraires à ces mêmes stipulations ou aux dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.

12. Tout d'abord, la circonstance que la décision mentionne, par une simple inversion de lettres, que M. A... serait né dans la région " Pakisa " et non dans la région Kapisa dont il est effectivement originaire procède d'une simple erreur matérielle et ne saurait ni entacher la légalité de la décision de transfert, ni établir que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de prononcer son transfert auprès des autorités suédoises.

13. Ensuite, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de renvoyer M. A... dans son pays d'origine mais uniquement de prononcer son transfert auprès des autorités suédoises. Il est constant que l'accord des autorités suédoises pour le transfert de l'intéressé a été donné sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Si l'intéressé produit une décision de l'office suédois des migrations qui lui serait défavorable, la traduction très sommaire de quelques lignes de celle-ci, alors même qu'il est constant que cette décision l'informe qu'aucun éloignement ne pourrait être exécuté tant que la crise sanitaire liée au virus de la Covid-19 ne le permettrait pas, ne suffit pas à justifier que M. A... aurait épuisé l'ensemble des voies de recours contre cette décision ou qu'un retour forcé vers l'Afghanistan pourrait être effectivement mis en oeuvre par les autorités suédoises dans des conditions ne respectant pas les droits de l'intéressé, notamment les garanties permettant d'éviter qu'un demandeur d'asile ne soit expulsé, directement ou indirectement, dans son pays d'origine, sans une évaluation des risques encourus. Par ailleurs, la Suède, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, la circonstance que la décision de transfert indique que l'intéressé ne ferait pas l'objet d'une mesure d'éloignement exécutoire en Suède est sans incidence sur sa légalité.

14. Enfin, si M. A... soutient qu'il encourt des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Suède même, il n'est pas établi qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Suède dans la procédure d'examen des demandes d'asile ou que sa demande d'asile ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne n'est pas fondé et doit être écarté.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ".

17. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... et des conséquences de son transfert en Suède au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de la possibilité de lui permettre de voir examiner sa demande d'asile en France sur le fondement des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

18. D'autre part, M. A... ne produit aucun document permettant d'établir qu'il serait dans une situation de particulière vulnérabilité. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit au point 13 du présent arrêt, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 6 novembre 2020 prononçant son transfert en Suède. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.

La rapporteure,

M. D...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00725
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-04;21nt00725 ?
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