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04/06/2021 | FRANCE | N°21NT00540

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 juin 2021, 21NT00540


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2011152 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2021, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de N

antes du 4 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2011152 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2021, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert en Allemagne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, ainsi que le formulaire prévu à l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle, au regard du risque de renvoi en Azerbaïdjan ;

- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés et que l'intéressé a pris la fuite.

C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me D..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant azerbaïdjanais né le 12 juillet 1983, déclare être entré en France le 5 septembre 2020. Le 15 septembre suivant, sa demande d'asile a été enregistrée par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé des empreintes digitales de l'intéressé a révélé qu'il avait sollicité l'asile auprès des autorités allemandes préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France. Saisies par les autorités françaises le 16 septembre 2020, les autorités allemandes ont fait connaître le 22 septembre 2020 leur accord explicite au transfert de M. C... sur le fondement du d) du I de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par un arrêté du 5 octobre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes. Par un jugement du 4 décembre 2020, dont M. C... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. L'intéressé ayant pris la fuite, le délai de transfert a été prolongé jusqu'au 7 juin 2022.

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté, de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, ainsi que du défaut d'examen particulier de la situation de M. C..., que celui-ci reprend en appel, par adoption des motifs retenus aux points 4 à 11 du jugement attaqué.

3. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, il résulte d'une part de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'autre de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

4. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

5. D'une part, M. C... fait valoir que sa demande d'asile présentée en Allemagne a été rejetée par les autorités de ce pays et qu'en conséquence il va être reconduit en Azerbaïdjan, pays où il craint pour son intégrité. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et non dans son pays d'origine. De plus, l'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'intéressé ne produit par ailleurs pas d'élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile ou que les autorités allemandes n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties procédurales exigées par le respect du droit d'asile. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le transfert du requérant en Allemagne l'exposerait à un refoulement indirect vers son pays d'origine susceptible d'entraîner pour lui des traitements inhumains ou dégradants. Il n'est pas davantage établi que l'intéressé ne pourrait, alors même que les autorités allemandes ont rejeté sa demande d'asile puis son recours formé contre cette décision par un jugement de juillet 2020 dont le caractère définitif n'est pas établi, faire utilement valoir tout nouvel élément tenant à sa situation personnelle avant qu'il soit procédé à un éventuel éloignement après son transfert. D'autre part, les pièces au dossier n'établissent pas que M. C... présenterait une situation de vulnérabilité exceptionnelle, nonobstant les diverses pathologies qu'il présente et qui ont d'ailleurs été prises en charge sur le territoire allemand à compter de 2015. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité, y compris au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 octobre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert en Allemagne. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00540


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00540
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : GUINEL-JOHNSON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-04;21nt00540 ?
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