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04/06/2021 | FRANCE | N°20NT02848

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 juin 2021, 20NT02848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département des Côtes-d'Armor a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2018 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a notifié le niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement applicable au conseil départemental des Côtes-d'Armor de 2018 à 2020 en application du VI de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Par un jugement n° 1805701 du 10 juillet 2020, le tribunal admin

istratif de Rennes a prononcé l'annulation de cet arrêté préfectoral du 3 octobre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département des Côtes-d'Armor a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2018 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a notifié le niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement applicable au conseil départemental des Côtes-d'Armor de 2018 à 2020 en application du VI de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Par un jugement n° 1805701 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a prononcé l'annulation de cet arrêté préfectoral du 3 octobre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour d'annuler ce jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Rennes.

Elle soutient que le jugement procède à un calcul erroné de l'évolution maximale des dépenses réelles de fonctionnement entre 2014 et 2016 du département des Cotes d'Armor, tel qu'il résulte de la mise en oeuvre du 3° du B du IV de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018, opposable en l'espèce par application du VI du même article faute de conclusion d'un contrat ayant pour objet de consolider sa capacité d'autofinancement et d'organiser sa contribution à la réduction des dépenses publiques et du déficit public ; les dispositions du IV de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 ne prévoient aucune automaticité de la modulation prévue ; l'éligibilité au critère d'évolution du 3° du B du IV doit être déterminée au regard d'une évolution des dépenses réelles de fonctionnement calculée par référence à des évolutions annuelles moyennes sur trois ans, soit entre 2014 et 2015 puis entre 2015 et 2016, et non sur une évolution globale entre 2014 et 2016 ; ce mode de calcul est commun aux articles 13 et 29 de la loi du 22 janvier 2018 et applicable aux autres critères dont il est fait également application ; c'est également à cette lecture qu'a procédé le décret n° 2018-309 du 27 avril 2018 au point III de son article 1er ; elle permet de conserver une cohérence d'ensemble au dispositif ; il y a lieu de se référer pour le surplus au mémoire en défense présenté par le préfet des Cotes d'Armor en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2020, le département des Côtes d'Armor, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, l'arrêté préfectoral est illégal en ce qu'il est fondé sur l'article 1er du décret n° 2018-309 du 27 avril 2018 qui ne régit pas la situation du département ; l'arrêté préfectoral contesté est également illégal en ce qu'il fait application de ce décret lui-même illégal car contraire à l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 ; l'arrêté préfectoral contesté est illégal en ce qu'il constitue une mesure d'application de l'instruction ministérielle du 23 juillet 2018 relative à la mise en oeuvre du IV de l'article 29 de la loi citée, qui présente un caractère impératif, et qui est elle-même illégale dès lors qu'elle méconnait le X de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 puisque seul le Premier ministre, par décret en Conseil d'Etat, pouvait intervenir, qu'elle méconnait le principe d'égalité entre les collectivités non signataires de contrats avec l'Etat eu égard à la possibilité laissée au préfet de faire varier les taux de plafonnement ; l'arrêté préfectoral contesté est illégal en ce qu'il constitue une application de la circulaire du 16 mars 2018 relative à l'évolution moyenne annuelle des DRF qui en son point 2 - B donne une interprétation erronée du 3° du B du IV de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 en introduisant un calcul fondé sur une évolution moyenne annuelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 ;

- le décret n° 2018-309 du 27 avril 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le département des Côtes d'Armor.

Considérant ce qui suit :

1. Afin de mettre en oeuvre l'objectif de réduction des dépenses publiques locales fixé par la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le préfet des Côtes-d'Armor a, par courrier du 28 mars 2018, informé le président du conseil départemental des Côtes-d'Armor du dispositif de contractualisation avec l'Etat sur la trajectoire d'évolution de ses dépenses et du calendrier devant conduire à l'élaboration de ce contrat. Les échanges entre les services de l'Etat et ceux du département n'ont pas permis de conclure un contrat. Par arrêté du 3 octobre 2018, le préfet des Côtes-d'Armor a alors, après avoir recueilli les observations de son président, notifié au conseil départemental des Côtes-d'Armor le niveau maximal des dépenses réelles de fonctionnement applicable pour les trois exercices budgétaires de 2018 à 2020. En désaccord avec le calcul effectué, le président du conseil départemental des Côtes-d'Armor a demandé l'annulation de cet arrêté du 3 octobre 2018. Par un jugement du 10 juillet 2020, dont la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales relève appel, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor du 3 octobre 2018.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'article 13 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation pour les finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui prévoit la contribution des collectivités territoriales à l'effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique, fixe, à son point III, un " objectif national d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre ", cet objectif correspondant " à un taux de croissance annuel de 1,2 % appliqué à une base de dépenses réelles de fonctionnement en 2017, en valeur et à périmètre constant " à compter de l'année 2018. Pour le respect de cet objectif, l'article 29 de la même loi organise la conclusion de contrats, avant la fin du premier semestre 2018, d'une durée de trois ans, entre l'Etat et certaines collectivités territoriales ou établissements publics locaux, comportant des engagements de modération des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités et établissements intéressés.

3. L'article 29 de la même loi, qui trouve à s'appliquer notamment aux départements, dispose que : " VI. - Pour les collectivités territoriales et établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre entrant dans le champ des deux premiers alinéas du I du présent article et n'ayant pas signé de contrat dans les conditions prévues au même I, le représentant de l'Etat leur notifie un niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement qui évolue comme l'indice mentionné au III de l'article 13, après application des conditions prévues au IV du présent article. (...) ". Les dispositions de ce point IV de l'article 29 précisent que : " (...) B. - Le taux de croissance annuel peut être modulé à la hausse en tenant compte des trois critères suivants, dans la limite maximale de 0,15 point pour chacun des 1° à 3° du présent B, appliqué à la base 2017 (...) : 3° Les dépenses réelles de fonctionnement de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ont connu une évolution inférieure d'au moins 1,5 point à l'évolution moyenne constatée pour les collectivités de la même catégorie ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre entre 2014 et 2016. (...) ".

4. Par cohérence avec l'annualité du dispositif issu des dispositions des articles 13 et 29 de la loi du 22 janvier 2018, dont l'existence d'un objectif national d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre fixé par année, l'évolution moyenne de ces dépenses constatée au titre des années 2014 à 2016, mentionnée au point IV de l'article 29 de cette même loi au titre du troisième critère de modulation à la hausse du taux de croissance annuel desdites dépenses, doit s'entendre comme une évolution annuelle moyenne.

5. En premier lieu, en l'espèce, l'arrêté contesté du préfet des Côtes d'Armor portant notification du niveau annuel maximal des dépenses réelles de fonctionnement applicable au conseil départemental des Côtes d'Armor pour 2018 à 2020 en application du IV de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018, retient notamment que cette collectivité territoriale n'est pas éligible à la modulation prévue au 3° du B du IV de ce même article eu égard à l'évolution de ses dépenses réelles de fonctionnement, appréciée annuellement, au regard de l'évolution annuelle moyenne constatée pour les autres départements entre 2014 et 2016. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'une telle modalité de calcul est conforme à l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté du 3 octobre 2018 était fondé sur une application inexacte de ces dispositions et ont fait droit à la demande d'annulation de l'arrêté préfectoral présentée par le département des Côtes d'Armor.

6. En deuxième lieu, le département des Côtes d'Armor excipe subsidiairement de l'illégalité du décret n° 2018-309 du 27 avril 2018 pris pour l'application des articles 13 et 29 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 dont l'arrêté contesté ferait application. Cependant, ainsi que le relève d'ailleurs cette collectivité, ce décret ne comporte pas de disposition relative à la mise en oeuvre du 3° des A et B du point IV de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 relatif à l'appréciation de l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement de 2014 à 2016, ou du VI du même article, qui serait applicable au département des Côtes d'Armor. Par suite, le moyen soulevé est inopérant et doit être écarté.

7. En dernier lieu, si le département des Côtes d'Armor excipe également à titre subsidiaire de l'illégalité d'une circulaire interministérielle du 16 mars 2018 relative à la mise en oeuvre des articles 13 et 29 de la loi du 22 janvier 2018 et d'une instruction interministérielle du 23 juillet 2018 relative à la mise en oeuvre du VI de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018, il ne ressort pas de sa motivation que l'arrêté contesté en aurait fait application. Par suite, ces moyens sont également inopérants et doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 3 octobre 2018 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a notifié le niveau maximal annuel des dépenses réelles de fonctionnement applicable au conseil départemental des Côtes-d'Armor de 2018 à 2020 en application du VI de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par le département des Côtes-d'Armor.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1805701 du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par le département des Côtes-d'Armor est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le département des Côtes-d'Armor au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au département des Côtes-d'Armor.

Une copie en sera adressée pour information au préfet des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02848
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-04;20nt02848 ?
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