Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche a demandé au tribunal administratif de Rennes, en premier lieu, d'annuler la délibération du conseil d'administration du centre de gestion de la fonction publique territoriale des Côtes d'Armor du 4 juillet 2017, la délibération du conseil d'administration du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Charente du 30 juin 2017, la délibération du conseil d'administration du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Finistère du 30 juin 2017, la délibération du conseil d'administration du centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine du 4 juillet 2017, la délibération du conseil d'administration du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Oise du 12 juin 2017, la délibération du conseil d'administration du centre de gestion de la fonction publique territoriale de Seine-et-Marne du 30 juin 2017 et la délibération du conseil d'administration du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Vaucluse du 27 juin 2017 décidant de fixer sa participation à la convention de coopération informatique " Grand Ouest + " au titre de l'année 2014 au montant de 56 404, 92 euros et son " ticket de sortie " au montant de 47 254, 61 euros, et en deuxième lieu, d'annuler la décision de la coopération " Grand Ouest + " formée par ces délibérations concordantes fixant le montant de sa participation à la coopération au titre de l'année 2014 et du ticket de sortie de cette coopération.
Par un jugement n° 1703799, 1704060, 1704061, 1704062, 1704063, 1704064 et 1704065 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé les délibérations des conseils d'administration des centres de gestion de la fonction publique territoriale des Côtes d'Armor, de la Charente, du Finistère, d'Ille-et-Vilaine, de l'Oise, de Seine-et-Marne et du Vaucluse, ainsi que la décision de la coopération Grand Ouest qu'elles forment en tant qu'elles prévoient de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche le remboursement d'une avance de 27 420, 07 euros au titre de sa participation pour l'année 2014 et le paiement d'un ticket de sortie de 47 254, 61 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 février 2020, le 6 novembre 2020 et le 29 janvier 2021, les centres de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, des Côtes d'Armor, du Finistère, de la Charente, de la Seine-et-Marne, de l'Oise et du Vaucluse, représentés par la SELARL Cabinet Coudray, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1703799, 1704060, 1704061, 1704062, 1704063, 1704064 et 1704065 du tribunal administratif de Rennes du 19 décembre 2019 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche la somme de deux mille euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la fin de non-recevoir opposée par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche doit être écartée dès lors qu'ils produisent les délibérations de leurs conseils d'administration les habilitant à agir ;
- les requêtes du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche devant le tribunal administratif de Rennes étaient irrecevables :
o un co-contractant ne peut intenter une action devant le juge de l'excès de pouvoir, dès lors que par application du principe de l'exception de recours parallèle, il dispose d'une voie de droit devant le juge du contrat ;
o l'exception à ce principe, en cas de contrat ayant pour objet l'organisation d'un service public, n'est pas applicable, la convention en cause ne porte pas sur l'organisation même du service public géré par les centres de gestion ;
o à supposer que le contrat ait pour objet l'organisation du service public, le centre de gestion de la Manche ne pouvait demander l'annulation des délibérations puisque le litige était relatif à l'indemnité mise à sa charge au terme d'une résiliation unilatérale irrégulière décidée par le centre de gestion de la Manche ;
- le centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine s'est régulièrement vu confier un mandat pour contracter les emprunts en cause :
o les stipulations combinées de l'article 10 de la convention de coopération et de l'avenant n° 1 confiaient au centre de gestion d'Ille-et-Vilaine un mandat conformément aux dispositions des articles 1984 et suivants du code civil ; il s'agissait d'un mandat spécial conventionnel, clairement défini, conformément à l'article 1987 du code civil ;
o la convention prévoyait expressément la possibilité pour le centre de gestion d'Ille-et-Vilaine d'engager contractuellement la coopération par des emprunts au nom et pour le compte de ses membres sans lui imposer de valider l'ensemble de ses décisions auprès des conseils d'administration de l'ensemble des centres de gestion ; la convention ne limitait pas son mandat à l'apposition d'une signature sur les contrats d'emprunt ;
o en application des dispositions de l'article 1984 du code civil, les différents centres de gestion, mandants, sont réputés avoir contracté directement les emprunts et sont donc engagés ;
- ils produisent les documents établissant le montant de l'emprunt souscrit et le montant de l'avance qui a été supportée par le centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, ainsi que le remboursement des avances ; ils produisent également les documents montrant l'affectation des avances et des emprunts aux différentes opérations suivies par la coopération ; les centres de gestion ont été informés au fur et à mesure ; le centre de gestion de la Manche a toujours approuvé les choix opérés par la coopération ; le remboursement de l'emprunt a été déterminé en fonction des applications utilisées par chaque centre de gestion ; le centre de gestion de la Manche ne conteste pas le montant de 26 984, 85 euros dû au titre de ses cotisations pour l'année 2014 ;
- les délibérations contestées par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche devant le tribunal administratif de Rennes ne méconnaissaient pas les stipulations des articles 11 et 14 de la convention de coopération :
o la clé de répartition, déterminée conformément à l'article 11 de la convention, n'avait pas besoin d'être validée par les deux tiers des conseils d'administration des centres de gestion membres de la coopération ;
o il appartenait bien à la commission d'orientation de fixer cette clé de répartition du remboursement des avances et des emprunts ;
o le mode de répartition des charges existe depuis l'origine de la coopération en 2005 ;
o en outre, l'ensemble des centres de gestion ont bien délibéré sur les modalités de remboursement des avances litigieuses à l'encontre du centre de gestion de la Manche ; le budget de la coopération pour 2014 n'a pas été annulé et est devenu définitif ;
- à titre subsidiaire, en qualité de juge du contrat, la cour devrait se prononcer sur les sommes effectivement dues par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche au titre de son " ticket de sortie " et de sa participation à la coopération en 2014 ; la créance totale du centre de gestion de la Manche pourrait être ramenée à 87 167, 71 euros, soit 26 984, 85 euros au titre des cotisations de l'année 2014, 12 928, 25 euros, reconnus par le centre de gestion de la Manche s'agissant de l'avance et 17 254, 61 euros au titre du remboursement des emprunts.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juillet 2020, le 12 janvier 2021 et le 12 février 2021, le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des centres de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, des Côtes d'Armor, du Finistère, de la Charente, de l'Oise, de la Seine-et-Marne et du Vaucluse en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête des centres de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine des Côtes d'Armor, du Finistère, de la Charente, de la Seine-et-Marne, de l'Oise et du Vaucluse est irrecevable faute de justifier de l'habilitation donnée par leurs conseils d'administration, seuls compétents en application de l'article 27 du décret du 26 juin 1985 ;
- ses requêtes devant le tribunal administratif de Rennes étaient recevables :
o il n'était plus partie au contrat de coopération depuis environ trois ans ; les délibérations contestées ne sont donc pas des mesures d'exécution du contrat à son égard ;
o à supposer que les délibérations contestées constituent des mesures d'exécution du contrat, le contrat avait pour objet l'organisation d'un service public, alors que la jurisprudence reconnait le pouvoir du juge administratif d'annuler une mesure prise par une partie au contrat, lorsqu'il s'agit du contrat entre deux personnes publiques, sans obligatoirement au demeurant que le contrat soit conclu pour l'organisation d'un service public ;
o les délibérations contestées ne peuvent être regardées comme une demande d'indemnisation suite à une résiliation du contrat par le centre de gestion de la Manche qui serait fautive ; sa décision de résilier unilatéralement le contrat n'est pas fautive et n'avait pas à être formalisée par un avenant ; les sommes demandées ne constituent pas une demande d'indemnisation et concernent des dettes antérieures à son retrait ;
- un mandat avait été confié par les différents centres de gestion, par l'article 10 de la convention, au centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine mais ne lui permettait pas de recourir à des emprunts ou d'accepter des avances sans obtenir préalablement l'accord des conseils d'administration des centres de gestion membres qui avaient une compétence exclusive pour adopter le budget de la coopération ; il s'agissait d'un mandat général au sens de l'article 1988 du code civil qui ne permet que des actes d'administration ; le centre de gestion d'Ille-et-Vilaine a donc agi en dehors de son mandat ;
- en consentant des emprunts ou des avances à son profit, le centre de gestion d'Ille-et-Vilaine a entaché de nullité les actes en application de l'article 1161 du code civil ;
- les centres de gestions membres n'ont pas par ailleurs donné leur accord pour le recours à l'emprunt ou à des avances, ni n'ont été suffisamment informés ;
- le montant des emprunts et des avances n'est pas justifié, ni leur affectation aux différentes opérations ; il n'est pas justifié de l'affectation des avances au logiciel pour lequel il était adhérent à la coopération informatique ; les stipulations des articles 11 et 14 de la convention de coopération ont été méconnues ; le budget approuvé le 19 mars 2014 par le centre de gestion d'Ille-et-Vilaine n'a pas été approuvé par les conseils d'administration des autres centres de gestion, en méconnaissance de l'article 3 de la convention de coopération, en ce qui concerne la répartition des charges d'avances et d'emprunts entre les différents centres de gestion ; la commission d'orientation n'a pas non plus compétence pour définir la clé de répartition des emprunts et avances ; la répartition de l'avance selon un barème fondé sur le nombre d'agents gérés méconnait le principe fixé par la convention selon lequel un centre de gestion ne doit participer aux recettes de la coopération qu'au prorata du nombre d'applications dont il est bénéficiaire ; la répartition des avances est inéquitable, les centres de gestion du Calvados et de l'Orne n'ayant pas été amenés à contribuer ;
- les conclusions des centres de gestions appelants tendant à ce que la cour fixe le montant dû par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche sont irrecevables ; il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de modifier un acte administratif ; elles doivent en outre être rejetées au fond, les sommes demandées n'étant pas fondées et la cour ne disposant pas des éléments nécessaires pour fixer le montant dû.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°85-643 du 26 juin 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant les centres de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, des Côtes d'Armor, du Finistère, de la Charente, de la Seine-et-Marne, de l'Oise et du Vaucluse et de Me A..., représentant le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention signée en septembre 2006, les centres de gestion de la fonction publique territoriale du Calvados, des Côtes d'Armor, de l'Eure, du Finistère, d'Ille-et-Vilaine, de la Manche, du Morbihan, de l'Orne et de la Seine-Maritime sont convenus de coopérer en matière d'informatique et de communication afin de mutualiser leurs moyens dans ces domaines. Une commission d'orientation a été créée pour, en vertu de l'article 4 de la convention, définir la stratégie informatique de la coopération, proposer les opérations et leur programmation annuelle, contrôler les réalisations, proposer le budget annuel et vérifier l'exécution budgétaire de cette coopération dénommée " CDG Grand Ouest ". Par un avenant n° 1, signé le même jour que la convention, le centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine a été désigné en qualité de centre de gestion délégué, chargé d'effectuer, en application de l'article 10 de la convention, un certain nombre de missions pour le compte de la coopération. Par un avenant n° 3 du 28 décembre 2007, les centres de gestion de la fonction publique territoriale de l'Aude, de la Charente, de l'Oise, du Puy de Dôme, de la Seine-et-Marne et du Vaucluse ont adhéré à la convention, laquelle a pris ultérieurement le nom de " B... C... GO+ ". Le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche a adhéré à la convention dès l'origine à la suite d'une délibération de son conseil d'administration du 7 juillet 2006. Un des objectifs, en particulier, du partenariat, qui visait à la création d'un logiciel destiné à l'application " missions temporaires " des centres de gestion, a pris un considérable retard du fait de la défaillance de la société à laquelle la conception du logiciel avait été confiée. Plusieurs centres de gestion membres de la coopération ont alors demandé à s'en retirer, en premier lieu les centres de gestion de la fonction publique territoriale du Calvados et de l'Orne en 2011, leur retrait ayant été effectif à compter des 1er janvier 2012 et 1er janvier 2013.
2. Par une délibération du 12 novembre 2013, le conseil d'administration du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche a autorisé, sous réserve de l'amélioration de la coopération concernant le logiciel " missions temporaires ", la sortie du centre de gestion de la coopération GO+ en ce qui concerne la mise au point de ce logiciel. Par un courrier du 23 décembre 2013, le président du centre de gestion de la Manche a informé le centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, en sa qualité de centre de gestion délégué, du retrait de son établissement de la coopération informatique GO + en ce qui concerne le logiciel " missions temporaires " à compter du 15 mars 2014. Dans le cadre de la procédure d'établissement du compte administratif de la convention pour l'année 2013 et celle de l'établissement du budget primitif de cette coopération pour l'année 2014, le centre de gestion d'Ille-et-Vilaine a demandé au centre de gestion de la Manche, démissionnaire, de s'acquitter d'une part d'un montant de 47 255 euros correspondant à sa part des dettes de la coopération, constituée pour l'essentiel par des remboursements d'emprunts, et d'autre part, d'un montant de 27 420 euros correspondant au remboursement au titre de l'année 2014 d'une avance consentie par le centre de gestion d'Ille-et-Vilaine. Par une délibération du 23 avril 2014, le conseil d'administration du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche a refusé d'approuver la proposition de compte administratif 2013 de la coopération et la proposition de budget primitif 2014. Par un courrier du 19 mai 2014, le centre de gestion de la Manche a exercé un recours administratif à l'encontre de la délibération du centre de gestion d'Ille-et-Vilaine du 19 mars 2014 adoptant le budget primitif de la coopération informatique. A la suite de concertations menées sous l'égide des services préfectoraux, par un courrier du 23 décembre 2014, le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine a informé le centre de gestion de la Manche que son " ticket de sortie " de la coopération avait été fixé en dernier lieu à 47 254, 61 euros et sa participation au titre de l'année 2014 à la somme d'environ 56 000 euros. Des titres exécutoires, en conséquence, ont été émis le 31 décembre 2014 à l'encontre du centre de gestion de la Manche. Ce dernier a saisi le tribunal administratif de Rennes de demandes dirigées à la fois contre la délibération du 19 mars 2014 par laquelle le centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine avait adopté le budget primitif 2014 de la coopération informatique " Grand Ouest + " et contre les titres exécutoires émis à son encontre le 31 décembre 2014. Par un jugement du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a annulé les seuls titres exécutoires émis à l'encontre du centre de gestion de la Manche et déchargé ce dernier de l'obligation de payer les sommes de 47 254,61 euros et 56 404,92 euros au centre de gestion d'Ille-et-Vilaine. L'appel du centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine dirigé contre ce jugement a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 6 juillet 2018.
3. A la suite de l'annulation prononcée par la juridiction administrative, les centres de gestion de la fonction publique territoriale de l'Oise, du Vaucluse, du Finistère, de la Charente, de la Seine-et-Marne, des Côtes-d'Armor et d'Ille-et-Vilaine ont par des délibérations des 17 juin 2017, 27 juin 2017, 30 juin 2017 et 4 juillet 2017 approuvé le montant définitif de la participation 2014 du centre de gestion de la Manche à hauteur de 56 404, 92 euros et le montant de son " ticket de sortie " à la somme de 47 254, 61 euros. Le centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine a ainsi émis, le 13 décembre 2017, une facture à l'encontre du centre de la gestion de la Manche pour un montant global de 103 659, 53 euros. Par ailleurs, des titres de recette correspondant ont été émis le 28 décembre 2017. Le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche a saisi le tribunal administratif de Rennes de demandes dirigées, d'une part, contre l'ensemble des délibérations adoptées par les conseils d'administration des centres de gestion de l'Oise, du Vaucluse, du Finistère, de la Charente, de la Seine-et-Marne, des Côtes-d'Armor et d'Ille-et-Vilaine des 17 juin 2017, 27 juin 2017, 30 juin 2017 et 4 juillet 2017 et d'autre part contre les titres de recette émis le 28 décembre 2017 à son encontre. Par un jugement n° 1801226 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé, pour irrégularité, ces titres de recette. Par ailleurs, les centres de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, des Côtes d'Armor, du Finistère, de la Charente, de la Seine-et-Marne, de l'Oise et du Vaucluse relèvent appel du jugement n° 1703799, 1704060, 1704061, 1704062, 1704063, 1704064 et 1704065 du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé l'ensemble des délibérations de leurs conseils d'administration en tant qu'elles mettent à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche d'une part le remboursement d'une avance de 27 420, 07 euros et d'autre part le paiement d'un ticket de sortie de 47 254, 61 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité des demandes du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche devant le tribunal administratif de Rennes :
4. Si le juge du contrat n'a pas, en principe, le pouvoir de prononcer, à la demande de l'une des parties, l'annulation de mesures prises par l'autre partie comme contraires aux clauses du contrat et s'il lui appartient seulement de rechercher si ces mesures sont intervenues dans des conditions de nature à ouvrir un droit à indemnité, il en va autrement lorsqu'il s'agit d'un contrat passé entre deux personnes publiques et ayant pour objet l'organisation d'un service public.
5. Les délibérations des centres de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, des Côtes d'Armor, du Finistère, de la Charente, de la Seine-et-Marne, de l'Oise et du Vaucluse sont relatives aux conditions, notamment financières, du retrait du centre de gestion de la Manche de la coopération GO+. Le centre de gestion intimé ne peut donc, ainsi qu'il le soutient, être regardé comme un tiers par rapport à ces délibérations. En outre, la convention conclue en septembre 2006 entre les différents centres de gestion de la fonction publique territoriale a été passée entre des personnes publiques et avait pour objet, contrairement à ce que soutiennent les centres appelants, l'organisation d'un service public puisqu'elle visait à doter les centres de gestion d'outils informatiques communs pour exécuter les missions de service public qui leur sont confiées par la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Dans ces conditions, les délibérations contestées constituent des décisions dont le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche, qui était partie à cette convention, est recevable à demander l'annulation au juge du contrat. Enfin, il ne résulte aucunement de l'instruction, notamment de la motivation des délibérations contestées, que les différents centres de gestion encore membres de la convention GO+ auraient entendu obtenir l'indemnisation par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche d'une prétendue résiliation unilatérale fautive par ce dernier de la convention.
6. Il résulte de ce qui précède que les centres de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, des Côtes d'Armor, du Finistère, de la Charente, de la Seine-et-Marne, de l'Oise et du Vaucluse ne sont pas fondés à soutenir que les demandes du centre de gestion de la Manche présentées devant le tribunal administratif de Rennes étaient irrecevables.
En ce qui concerne la légalité des délibérations des centres de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, des Côtes d'Armor, du Finistère, de la Charente, de la Seine-et-Marne, de l'Oise et du Vaucluse :
7. L'article 3 de la convention conclue en 2006 intitulé " Organe de décision ", stipule que : " Les Conseils d'Administration des Centres de Gestion, signataires de la présente convention, constituent l'organe décisionnel de la coopération. / Toute décision relevant du champ d'application de la convention fait l'objet d'une délibération de chaque Conseil d'administration des Centres de gestion, disposant chacun respectivement d'une voix. / Les décisions sont acquises à la majorité des deux tiers des voix exprimées ". L'article 10 de la convention de coopération stipule que : " Un Centre de Gestion, dénommé " délégué ", est mandaté par les Conseils d'Administration des Centres de Gestion pour effectuer des missions pour le compte de la coopération. Ces missions consistent notamment en : / L'acquisition ou la location, l'installation, l'administration et la maintenance des équipements matériels ou logiciels, / L'hébergement des systèmes mis en commun, / La mise en oeuvre de la disponibilité et de la sécurité des systèmes mis en commun, / L'accessibilité des systèmes mis en commun et des données aux personnes habilitées, / L'exécution de la gestion comptable, / La gestion des marchés publics (signature, notification, exécution), / La contractualisation des emprunts, / Les relations avec les fournisseurs (Informatique, Assureur...), / La tenue des dossiers d'analyse et des codes source des applications de gestion, / Le suivi administratif de la présente convention. / La désignation du " Centre de Gestion délégué " est formulée par avenant à la présente convention. (...) / Le Centre de Gestion délégué rend compte annuellement de l'exécution de ses missions devant la commission d'orientation ". Par ailleurs, l'article 16 " conditions de retrait " de la convention stipule que : " Centres de Gestion associés / Un Centre de Gestion associé qui souhaite se retirer de la coopération, doit, au minimum trois mois avant la fin du troisième exercice comptable, informer le Président du Centre de Gestion délégué de son intention. / Le Président du Centre de Gestion délégué informe la commission d'orientation de toute demande de retrait. / Le Centre de Gestion démissionnaire reste redevable, pour la part lui incombant, des dettes résultant des différents engagements financiers. / Le Centre de Gestion démissionnaire récupère ses données propres (...) ".
8. Par ailleurs, l'article 1984 du code civil dispose que : " Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom (...) ". Aux termes de l'article 1987 du même code : " Il est ou spécial et pour une affaire ou certaines affaires seulement, ou général et pour toutes les affaires du mandant ". L'article 1988 du même code dispose que : " Le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration (...) ". L'article 1989 du même code dispose que : " Le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que la somme globale de 103 659,53 euros mise à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche par l'ensemble des délibérations litigieuses comprend deux types de créances.
10. Il est constant que la première somme, d'un montant de 47 254,61 euros, correspondant au " ticket de sortie ", est constituée par la quote-part imputée au centre de gestion de la Manche des échéances, entre 2014 et 2020, des emprunts contractés par le centre de gestion d'Ille-et-Vilaine pour la mise au point des logiciels " missions temporaires " et " système d'information ". Il n'est également pas contesté qu'à supposer même que les conseils d'administration de l'ensemble des centres de gestion membres de la coopération GO+ auraient été informés que le centre de gestion d'Ille-et-Vilaine, centre de gestion délégué en application des stipulations de l'article 10 de la convention conclue en 2006 et de son premier avenant, avait contracté des emprunts pour la réalisation de ces logiciels, l'accord d'au moins les deux tiers de ces conseils d'administration n'a pas été sollicité pour autoriser la passation de ces emprunts, alors que les conseils d'administration sont seuls désignés pour être l'organe de décision de la coopération par l'article 3. Cet article exige en outre un accord des deux tiers des conseils d'administration pour la prise de décision. Si l'article 10 de la convention prévoit la désignation d'un centre de gestion délégué mandaté par l'ensemble des centres de gestion de la coopération pour effectuer un certain nombre de tâches et mentionne, parmi ces tâches, la " contractualisation des emprunts ", une telle mention, eu égard aux organes institués par la convention et à la répartition de leurs fonctions, doit être regardée comme permettant seulement au centre de gestion délégué de signer, au nom des autres centres, les contrats des emprunts souscrits par la coopération et non comme lui permettant de décider seul, sans l'accord d'au moins les deux tiers des conseils d'administration des centres de gestion membres, de recourir à des emprunts. Les appelants ne sont donc pas fondés à soutenir que le centre de gestion d'Ille-et-Vilaine s'était vu confier, par l'article 10 de la convention de coopération, un mandat spécial en vue de décider lui-même de recourir à des emprunts engageant la coopération. Les circonstances qu'ils produiraient les documents justifiant des emprunts contractés par le centre de gestion délégué et que la commission d'orientation prévue par l'article 4 de la convention serait compétente pour répartir la dette de la coopération entre les différents centres de gestion sont sans incidence sur la régularité des emprunts conclus sans l'autorisation des deux tiers des conseils d'administration des centres de gestion membres.
11. Il résulte, en outre, de l'instruction que la somme de 56 404,92 euros mise à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche par les délibérations litigieuses au titre de sa participation de l'année 2014, année de la sortie de ce centre de gestion de la coopération, comprenait deux sommes, l'une d'un montant de 28 984,85 euros correspondant à divers frais, comprenant la cotisation pour l'année 2014, des frais de développement de différents logiciels, du système d'information, de l'hébergement des applications, des outils collaboratifs et de l'hébergement internet, et l'autre d'un montant de 27 420,07 euros correspondant à la quote-part attribuée au centre de gestion de la Manche du remboursement d'une avance accordée par le centre de gestion d'Ille-et-Vilaine à la coopération informatique. Le centre de gestion de la Manche intimé ne conteste aucunement le montant de 28 984, 85 euros concernant la cotisation et les divers frais mis à sa charge. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'accord d'au moins les deux tiers des conseils d'administration des centres de gestion membres de la coopération ait été sollicité et obtenu, dans les formes requises par l'article 3 de la convention, pour consentir à l'avance faite par le centre de gestion d'Ille-et-Vilaine alors qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent du présent arrêt, les conseils d'administration étaient seuls désignés par la convention pour être l'organe de décision de la coopération. La circonstance que la commission d'orientation prévue par l'article 4 de la convention serait compétente pour répartir la dette de la coopération entre les différents centres de gestion est sans incidence sur la régularité de l'avance consentie sans l'autorisation des deux tiers des conseils d'administration des centres de gestion membres.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre de gestion de la Manche, que les centres de gestion de la fonction publique territoriale appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a prononcé l'annulation des délibérations contestées de juin et juillet 2017 en tant qu'elles mettent à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche un " ticket de sortie " de 47 254, 61 euros et le remboursement de l'avance consentie par le centre de gestion d'Ille-Vilaine à hauteur de 27 420,07 euros.
Sur les frais du litige :
13. Il n'apparait pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais d'instance qu'elles ont exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête des centres de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, des Côtes d'Armor, du Finistère, de la Charente, de la Seine-et-Marne, de l'Oise et du Vaucluse est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, représentant unique désigné par le cabinet Coudray, mandataire, et au centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Manche.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.
La rapporteure,
M. E...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00620