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27/05/2021 | FRANCE | N°19NT01369

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 27 mai 2021, 19NT01369


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MY2MI a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer le remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 200 000 euros ressortant de sa déclaration de chiffres d'affaires au titre du mois d'avril 2016.

Par un jugement n° 1701884 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 avril et 23 décembre 2019

, l'EURL MY2MI, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MY2MI a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer le remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 200 000 euros ressortant de sa déclaration de chiffres d'affaires au titre du mois d'avril 2016.

Par un jugement n° 1701884 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 avril et 23 décembre 2019, l'EURL MY2MI, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer ce remboursement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la facture du 28 avril 2015 correspond à une prestation réelle et elle a établi une facture rectificative et procédé au remboursement en totalité de la somme payée ;

- elle a effectué la régularisation en temps utile, elle était de bonne foi et le risque de pertes fiscales a été complètement éliminé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 octobre 2019 et 28 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de rejeter la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MY2MI exerce une activité de conseil aux entreprises et a notamment facturé à la société Green et Biz, le 28 avril 2015, des prestations pour l'acquisition de la société PCKADO, d'un montant de 1 200 000 euros taxes incluses. Lors d'un contrôle, la direction de contrôle fiscal Centre-Ouest a relevé que le montant de 200 000 euros de cette taxe pour une opération hors taxes de 1 000 000 euros, n'avait pas été versé au Trésor et l'a signalé à l'EURL MY2MI, qui s'en est acquittée le 10 novembre 2015. Après l'émission d'une facture rectificative du 31 mars 2016, pour un montant de 1 200 000 euros, le montant de la taxe correspondante a été porté dans les comptes de l'entreprise requérante en taxe déductible. Le 23 mai 2016, elle a demandé le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée incluant cette opération pour un montant total de 209 309 euros. L'administration fiscale a refusé le 10 octobre 2016 le remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée et confirmé cette décision par une réponse aux observations du contribuable, puis à la suite d'un recours hiérarchique. L'entreprise a alors présenté une réclamation contentieuse, mais par décision du 22 août 2017 le remboursement de ce crédit de taxe de 200 000 euros correspondant à l'opération litigieuse a été refusé, l'administration n'ayant admis que le remboursement de 9 309 euros. L'EURL MY2MI a demandé au tribunal administratif de Caen le remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Par un jugement du 1er février 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Elle fait appel de ce jugement.

2. Aux termes du 3 de l'article 283 du code général des impôts : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture ou tout autre document en tenant lieu est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation ". Toutefois, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 13 décembre 1989 Genius Holding BV (C-342/87), le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, sans que cette régularisation ne dépende d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale. La Cour a également dit pour droit, notamment dans son arrêt du 18 juin 2009 Staatssecretaris van Financiën c/ Stadeco BV (C-566/07), que les mesures que les Etats membres ont la faculté d'adopter afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs et qu'elles ne peuvent être utilisées de manière telle qu'elles remettraient en cause la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue un principe fondamental du système de cette taxe. Ce principe ne s'oppose toutefois pas à ce qu'un Etat membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée par erreur sur une facture à la condition que l'émetteur de la facture initiale ait envoyé à son destinataire une facture rectifiée ne mentionnant pas la taxe sur la valeur ajoutée si cet émetteur n'a pas éliminé complètement, en temps utile, le risque de perte de recettes fiscales.

3. La facture du 28 avril 2015 de 1 200 000 euros a été payée par la société Green et Biz à l'EURL MY2MI en juin 2015 et la société Green et Biz a sollicité le remboursement de son crédit de taxe sur la valeur ajoutée le 10 juillet 2015. Par une proposition de rectification du 4 septembre 2015, le service vérificateur a procédé au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée déductible de 200 000 euros dès lors que la charge de 1 200 000 euros était réputée ne pas avoir été engagée pour les besoins de l'exploitation de l'entreprise. Parallèlement, s'agissant de l'EURL MY2MI, il est constant qu'elle n'avait pas reversé au Trésor la taxe sur la valeur ajoutée de 200 000 euros et un rappel de cette taxe lui a donc été notifié par une proposition de rectification du 4 septembre 2015, à la suite de laquelle l'EURL MY2MI a acquitté cette taxe le 10 novembre 2015. Tirant les conséquences de cette rectification, la requérante a établi une facture rectificative le 31 mars 2016 pour annuler la facture initiale du 28 avril 2015. Le 23 mai 2016, l'EURL MY2MI a présenté une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée. La déclaration de taxe sur la valeur ajoutée souscrite par l'EURL MY2MI le 21 avril 2016 fait apparaître dans la rubrique " autre TVA à déduire " la somme de 200 000 euros. Le service a, par lettre du 30 mai 2016, demandé à l'intéressée de produire notamment une copie de la facture rectificative et, par courrier du 8 juin 2016, il lui a demandé la production de toute pièce justifiant du remboursement effectif de cette somme. La requérante a alors produit les éléments demandés et en particulier un extrait d'un relevé de son compte bancaire mentionnant un remboursement de la société Green et Biz à hauteur de 1 200 000 euros à la date du 22 juin 2016.

4. Si la requérante soutient que des circonstances exceptionnelles l'ont empêchée de fournir en totalité la prestation pour laquelle elle avait émis une facture, aucun élément n'est produit de nature à justifier ces circonstances exceptionnelles et un commencement d'exécution de la mission. Au surplus l'EURL MY2MI détenait 49 % du capital de la société Green et Biz et les deux entreprises avaient le même dirigeant. Dans ces conditions, l'administration établit que la facture du 28 avril 2015 était fictive, alors même que la requérante a accepté le rappel de la taxe sur la valeur ajoutée effectué par l'administration le 4 septembre et qu'une facture rectificative a ensuite été émise le 31 mars 2016 pour tenir compte de cette rectification. Par conséquent, la requérante ne saurait utilement ni soutenir que la prestation de services n'a fait l'objet que d'une annulation ni se prévaloir des dispositions du 1 de l'article 272 du code général des impôts.

5. Il résulte des éléments mentionnés au point 3 que l'EURL MY2MI ne peut pas être regardée comme un émetteur ayant éliminé complètement, en temps utile, le risque de perte de recettes fiscales, dès lors qu'elle n'a pas spontanément averti l'administration fiscale, avant le contrôle effectué par cette dernière, que la taxe sur la valeur ajoutée ne pouvait pas être déduite par la société Green et Biz. D'ailleurs, cette taxe avait déjà été déduite par la société Green et Biz qui avait sollicité le remboursement de son crédit de taxe sur la valeur ajoutée le 10 juillet 2015, même si elle a ensuite fait l'objet d'une rectification par l'administration le 4 septembre 2015. A cet égard, la requérante ne saurait utilement soutenir que le service a très rapidement refusé le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée à la société Green et Biz, sans lui permettre d'opérer elle-même la régularisation.

6. Il est constant que l'EURL MY2MI a rédigé une facture rectificative le 31 mars 2016 pour annuler la facture initiale du 28 avril 2015. Toutefois, l'administration établit, en tout état de cause, que la requérante n'était pas de bonne foi dès lors que, comme il a été dit au point 4, la facture initiale était fictive. La facture rectificative, à supposer même qu'elle ait été envoyée à la société Green et Biz, n'a été établie que pour tenir compte du contrôle effectué par l'administration le 4 septembre 2015 et le remboursement effectif de la somme de 1 200 000 euros à la société Green et Biz n'est intervenu qu'après la demande de production de justificatifs en ce sens par l'administration.

7. Il résulte de ce qui précède que l'EURL MY2MI n'est pas fondée à demander le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 200 000 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL MY2MI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au paiement des frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL MY2MI est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée MY2MI et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021.

La rapporteure,

P. A...Le président,

J-E. Geffray

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT01369

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01369
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : BOVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-27;19nt01369 ?
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