Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... H..., Mme Mariam Salah A..., Mme L... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 septembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 7 mai 2018 prise par les autorités consulaires françaises à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à M... A..., L... D... et E... D..., des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.
Par un jugement n°1906776 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 avril et 10 novembre 2020, M. H..., agissant en son nom et au nom de son enfant mineur E..., Mme A... et Mme D..., représentés par Me Pather, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 27 septembre 2018 de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. H... et autres soutiennent que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée en droit et en fait, en méconnaissance notamment des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation des demandeurs ;
- le lien de filiation avec L... D... et E... D... est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et le jugement d'adoption de M... A... ; il est également établi par la possession d'état ;
- en se fondant, pour rejeter les demandes de visa en litige, sur la circonstance qu'il n'avait pas produit, à l'appui des demandes, de jugement de déchéance de l'autorité parentale de l'autre parent, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a méconnu les dispositions de l'article L. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; Mme L... D... et M. E... D... ont été confiés de fait, avec l'accord de leur mère, à M. H... et celui-ci a produit, en ce qui concerne Mme K... A..., un jugement d'adoption simple du 8 juin 2015 du tribunal de grande instance de de Bangui ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.
M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. H..., de Mme A... et de Mme D..., de nationalité centrafricaine, tendant à l'annulation de la décision du 27 septembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 7 mai 2018 prise par les autorités consulaires françaises à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à Mme K... A..., Mme L... D... et E... D..., des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié. M. H..., Mme A... et Mme D... relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. La décision contestée comporte les considérations de droit et de fait, notamment le défaut d'établissement des liens de filiation entre les demandeurs de visas et M. H... et l'absence de production d'un jugement de déchéance de l'autorité parentale ou de délégation d'autorité parentale, qui en constituent le fondement. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, cette décision est suffisamment motivée.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment des motifs de refus exposés dans la décision litigieuse, que la commission n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation des intéressés.
4. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 (...) sont applicables. / (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ". ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. " Aux termes de l'article L. 411-3 du même code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".
5. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
7. M. H..., né le 2 septembre 1965, de nationalité centrafricaine, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié, le 31 mai 2016, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Le 8 août 2017, il a déposé auprès des autorités consulaires françaises en poste à Douala (Cameroun) des demandes de visa de long séjour, en qualité de membres de famille de réfugié, pour M... A..., née le 8 décembre 2000, L... D..., née le 22 février 2000, et E... D..., né le 23 juillet 2004.
8. Pour rejeter, par la décision du 27 septembre 2018 contestée, les demandes de visa de long séjour sollicitées, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le défaut de valeur probante des actes d'état-civil produits et sur l'absence de déchéance de l'autorité parentale de la mère des enfants ou de délégation d'autorité parentale à leur seul père.
9. Pour justifier du lien de filiation avec Mme L... D... et E... D..., le requérant produit, pour la première fois en appel, les copies intégrales d'actes de naissance de L... D... et de E... D... délivrées par l'officier d'état-civil de la ville de Bangui, dont les énonciations ne sont pas contestées, mentionnant que ces enfants sont ceux de M. H... et de Mme G... J.... S'agissant de Mme K... A..., fille de Mme I..., compagne du requérant, celui-ci produit un jugement du 8 juin 2015 du tribunal de grande instance de Bangui prononçant l'adoption simple par M. C... H..., de cet enfant, jugement dont l'exequatur a été prononcé par un jugement du 1er juillet 2020 du tribunal judiciaire de Pau. Dès lors, c'est par une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que la filiation des demandeurs n'était pas établie par les actes d'état civil produits.
10. Les requérants versent au dossier une attestation établie le 1er juin 2018 par Mme G... J..., mère de L... D... et de E... D..., qui déclare avoir donné son accord, depuis 2012, pour que les enfants vivent avec leur père, puis, en décembre 2013, pour que les enfants le suivent lors de son exil à Douala au Cameroun et pour qu'ils le rejoignent en France dans le cas où il obtiendrait le statut de réfugié. Toutefois, ils ne produisent pas de décision d'une juridiction centrafricaine, confiant les deux enfants à M. H... au titre de l'exercice de l'autorité parentale, et n'établissent pas qu'une telle décision ne pourrait être obtenue. S'agissant de M... A..., ils ne produisent ni décision de justice ni même autorisation de la part de sa mère Mme I... avec laquelle, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, elle vivait, à la date de la décision litigieuse, au Cameroun. Dès lors, c'est par une exacte application des dispositions de l'article L. 411-3 et de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par les requérants. Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le seul motif tiré de l'absence de production d'un jugement de déchéance de l'autorité parentale ou de délégation d'autorité parentale.
11. Enfin, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur en première instance, que M. H..., Mme A... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. H... et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... H..., à Mme K... A..., à Mme L... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme B..., présidente-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.
Le rapporteur,
C. B...Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01254