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21/05/2021 | FRANCE | N°19NT04954

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 21 mai 2021, 19NT04954


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2019, et un mémoire enregistré le 23 avril 2021, la société Parc éolien Prés Gannes, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'autorisation environnementale d'exploiter un parc éolien de six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Sion-les-Mines ;

2°) d'annuler la décision du 15 novembre 2019 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de l

a Loire-Atlantique de poursuivre la procédure d'instruction du projet, de lancer l'enquête publiqu...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2019, et un mémoire enregistré le 23 avril 2021, la société Parc éolien Prés Gannes, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'autorisation environnementale d'exploiter un parc éolien de six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Sion-les-Mines ;

2°) d'annuler la décision du 15 novembre 2019 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de poursuivre la procédure d'instruction du projet, de lancer l'enquête publique dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de statuer à nouveau sur la demande d'autorisation environnementale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté attaqué et du rejet du recours gracieux ne justifie pas de sa compétence ;

- l'arrêté attaqué est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière faute de mise en oeuvre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et l'absence de dialogue avec les services de l'Etat révèle une méconnaissance du principe d'impartialité ;

- le préfet n'a pas respecté la procédure d'instruction prévue par les dispositions des articles L.122-1 et suivants, R. 181-19 et L. 181-9 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact est complète et conforme aux exigences des articles L. 122-3 et R. 122-5 du code de l'environnement ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 511-1 du code de l'environnement et R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- il respecte les distances d'éloignement et les intérêts paysagers et patrimoniaux conformément aux articles L. 511-1 et L. 515-44 du code de l'environnement et L. 621-30 du code du patrimoine ;

- il est conforme aux dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2021, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Parc éolien Prés Gannes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Parc éolien Prés Gannes.

Une note en délibéré, enregistrée le 5 mai 2021, a été présentée par la société Parc éolien Prés Gannes.

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 janvier 2018, la société Parc éolien Prés Gannes a déposé une demande d'autorisation environnementale, complétée le 10 octobre 2018 à la demande du préfet de la Loire-Atlantique, afin d'être autorisée à exploiter un parc éolien composé de six aérogénérateurs d'une hauteur totale de 180 mètres en bout de pales sur le territoire de la commune de Sion-les-Mines. Par un arrêté du 22 août 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé d'autoriser la société Parc éolien Prés Gannes à implanter les six éoliennes. Le recours gracieux formé par la société contre cet arrêté a été rejeté le 15 novembre 2019. Par la requête visée ci-dessus, la société Parc éolien Prés Gannes demande l'annulation de l'arrêté du 22 août 2019 et du rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité de la procédure d'instruction du dossier de demande :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

3. La décision attaquée, qui constitue une réponse à une demande, n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré par la société de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.

4. En deuxième lieu, le principe d'impartialité, qui garantit aux administrés que toute autorité administrative, individuelle ou collégiale, traite de leurs affaires sans préjugés ni parti pris, doit être respecté durant l'intégralité de la procédure d'instruction et de délivrance d'une autorisation environnementale, y compris, dès lors, au cours de la phase de consultation précédant la décision finale.

5. La circonstance que le préfet ait refusé à trois reprises de rencontrer les dirigeants de la société n'est pas de nature à établir qu'il aurait méconnu le principe d'impartialité en refusant l'autorisation demandée.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. " et aux termes de l'article L. 181-9 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases :1° Une phase d'examen ;2° Une phase d'enquête publique ;3° Une phase de décision. Toutefois, l'autorité administrative compétente peut rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état du dossier ou du projet. Il en va notamment ainsi lorsque l'autorisation environnementale ou, le cas échéant, l'autorisation d'urbanisme nécessaire à la réalisation du projet, apparaît manifestement insusceptible d'être délivrée eu égard à l'affectation des sols définie par le plan local d'urbanisme ou le document en tenant lieu ou la carte communale en vigueur au moment de l'instruction, à moins qu'une procédure de révision, de modification ou de mise en compatibilité du document d'urbanisme ayant pour effet de permettre cette délivrance soit engagée ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; 3° Lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables.(...) ".

7. D'abord, il résulte des termes de l'arrêté attaqué, qui précise notamment que " malgré les compléments apportés, des éléments rédhibitoires restent sans réponse dans le dossier complété " et que le " dossier tel que complété pose questions sur des enjeux de patrimoine, de paysage et de biodiversité ", que le préfet a examiné l'ensemble du dossier de demande, y compris les compléments produits en octobre et novembre 2018 par la société Parc éolien Prés Gannes et a rejeté la demande d'autorisation sollicitée au vu des caractéristiques du projet, de ses impacts sur les paysages, le patrimoine, et d'une étude chiroptérologique qu'il a estimée insuffisante.

8. Il résulte de l'instruction que l'arrêté attaqué vise également notamment les dispositions précitées du 3° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement et que le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté la demande d'autorisation à l'issue de la phase d'examen du dossier, comme le permettent les dispositions précitées de l'article L. 181-9 du code de l'environnement, estimant que les mesures du projet n'assuraient pas la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par suite, il n'était pas tenu d'organiser une enquête publique avant de rejeter la demande.

9. Ensuite, il résulte de l'instruction que le dossier de demande a été soumis à l'autorité environnementale pour avis le 10 janvier 2018. Cette autorité n'a pas fait d'observations dans le délai réglementaire, qui est arrivé à échéance le 11 février 2019, le délai ayant été reporté à cette date à la suite de la demande de compléments.

10. Enfin, les articles L. 122-1 et L. 122-1-1 du code de l'environnement prévoient que, pour les projets soumis à évaluation environnementale, le dossier présentant le projet, qui comporte l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis aux seules collectivités territoriales et à leurs groupements intéressés par le projet. L'obligation de saisine ne s'étend pas à l'ensemble des communes limitrophes de la commune d'implantation du projet, mais est limitée à celles des collectivités dont le territoire est limitrophe de l'unité foncière d'implantation du projet ou, lorsque le projet est implanté sur plusieurs unités foncières distinctes, de l'une de ces unités foncières. Il ne résulte pas de l'instruction que les dix communes limitrophes de la commune de Sion-les-Mines seraient intéressées par le projet.

11. Par suite, le moyen tiré par la société Parc éolien Prés Gannes de l'irrégularité de la procédure doit être écarté en toutes ses branches.

Sur le motif tiré de l'atteinte portée au paysage et aux effets d'accumulation liés à l'implantation du parc retenu par le préfet de Loire-Atlantique :

12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

13. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que pour statuer sur une demande d'autorisation environnementale, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Pour rechercher si l'existence d'une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

14. En l'espèce, pour refuser l'autorisation sollicitée, le préfet de la Loire-Atlantique a considéré que le projet d'implantation de six éoliennes entraînerait des répercussions préjudiciables à l'unité paysagère du Castelbriantais et plus particulièrement à la vallée de la Chère, que le rapport d'échelle entre les aérogénérateurs et les éléments paysagers environnants était disproportionné et porterait atteinte au cadre de vie des habitants des hameaux de Tremblay, La Perdriais et du bourg de Sion-les-Mines, et qu'il accentuerait l'accumulation d'éoliennes dans le périmètre intermédiaire et rapproché entraînant un effet de saturation paysagère.

15. Il résulte de l'instruction que le projet est constitué de deux lignes de trois éoliennes chacune, l'une dessinant une ligne et l'autre une courbe, selon une orientation générale est-ouest, et distantes d'environ 1, 5 km. La zone d'implantation potentielle du projet de la société Parc éolien Prés Gannes est située à proximité des abords confinés de la vallée de la Chère, les trois éoliennes du micro-parc nord étant installées au pied d'un versant à 400 mètres de la Chère, à une altitude variant de 26 à 43 mètres, et les trois éoliennes du micro-parc sud sur le coteau faisant face au bourg de Sion-les-Mines à une altitude comprise entre 45 et 66 mètres. Le périmètre immédiat présente un paysage de bocage rythmé par les haies et éléments boisés et la vallée en contrebas. Le bourg de Sion-les-Mines est implanté sur une ligne de crête allant jusqu'à Chateaubriand. Sur l'autre rive, une nouvelle crête se dessine à une altitude de 60 mètres. Ce projet doit ainsi être regardé comme devant s'implanter dans un environnement qui n'est pas dénué de qualité.

16. A la date de l'étude d'impact, étaient installés sur l'ensemble des périmètres d'études, soit sur un rayon de moins de 20 km autour de la zone d'implantation du projet, 21 parcs pour un total de 107 éoliennes avec un motif linéaire. Sur les périmètres rapproché et intermédiaire, soit sur un rayon de 3 km et 10 km, sont construits ou autorisés six parcs éoliens et trois sont en instruction, dont le projet de la société requérante. Il résulte également des photomontages que le panorama, à la sortie de Sion-les-Mines par la route départementale 44 (RD 44) est fortement marqué par le motif éolien, la perception de différents parcs se superposant sur plusieurs profondeurs de champs. Il en va de même de la sortie de bourg par la RD 1. De surcroît, la décision attaquée a relevé qu'aucun photomontage n'a été présenté par la société pétitionnaire pour évaluer les effets cumulés du parc projeté avec celui de Montafilant, situé sur le territoire communal et comprenant cinq aérogénérateurs. Dans ces conditions, les éoliennes du projet qui présentent une hauteur de 180 mètres, réduisent encore davantage les espaces de respiration et contribuent à accroître l'effet de saturation visuelle et d'encerclement.

17. En outre, il résulte également de l'instruction qu'eu égard au choix d'implantation du parc, les hameaux de la Perdriais et de Tremblay, d'environ 25 habitations, seront encadrés par les deux groupes d'éoliennes, dont la plus proche sera implantée à 585 mètres des habitations.

18. Ainsi, même si la requérante soutient que l'implantation du parc litigieux dans un paysage marqué par le motif éolien limite le risque de mitage et alors même que le secteur est considéré comme moyennent favorable au développement de l'éolien par le schéma régional éolien, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en retenant le motif tiré de l'impact paysager du projet ainsi que des atteintes visuelles aux hameaux et lieux dits.

19. Enfin, il résulte de l'instruction que le préfet de la Loire-Atlantique aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur le motif tiré de l'atteinte portée au paysage et aux effets d'accumulation liés à l'implantation du parc. Par suite, les moyens invoqués à l'encontre des deux autres motifs de la décision attaquée doivent être écartés comme inopérants.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 22 août 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que le préfet poursuive la procédure et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Parc éolien Prés Gannes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien Prés Gannes et au ministre de la transition écologique.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme C..., présidente assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2021.

Le rapporteur,

H. C...

Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04954


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04954
Date de la décision : 21/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : EDIFICES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-21;19nt04954 ?
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