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19/05/2021 | FRANCE | N°20NT01640

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 mai 2021, 20NT01640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, en premier lieu, d'annuler la délibération n° 13 du 5 février 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune de Trélazé a réduit le montant de ses indemnités de fonction, en deuxième lieu, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a rejeté son " recours hiérarchique " du 26 février 2018, en troisième lieu, d'enjoindre à la commune de Trélazé de lui allouer les indemnités de fonctions dues du 31 janvier

2018 jusqu'à la fin de son arrêt de travail, et en dernier lieu de condamner la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, en premier lieu, d'annuler la délibération n° 13 du 5 février 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune de Trélazé a réduit le montant de ses indemnités de fonction, en deuxième lieu, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a rejeté son " recours hiérarchique " du 26 février 2018, en troisième lieu, d'enjoindre à la commune de Trélazé de lui allouer les indemnités de fonctions dues du 31 janvier 2018 jusqu'à la fin de son arrêt de travail, et en dernier lieu de condamner la commune de Trélazé à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1804651 du 18 mars 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 juin 2020, le 30 octobre 2020, le 2 décembre 2020, le 8 janvier 2021 et le 27 janvier 2021, M. E... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804651 du tribunal administratif de Nantes du 18 mars 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération du conseil municipal de Trélazé du 5 février 2018 portant réduction de ses indemnités de fonction et la décision par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a implicitement rejeté " son recours hiérarchique " ;

3°) d'enjoindre à la commune de Trélazé de restituer les indemnités qui lui sont dues depuis le 31 janvier 2018 ;

4°) de condamner la commune de Trélazé à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Trélazé la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la diminution de ses indemnités de fonction méconnait les dispositions de l'article D. 2123-23-1 du code général des collectivités territoriales :

o le titulaire d'un mandat local n'exerçant aucune autre activité doit recevoir les indemnités de fonction en totalité par la collectivité pendant l'arrêt de travail comme cela ressort du rapport d'information n° 789 du Sénat du 31 juillet 2014, du rapport d'un conseiller du Sénat, responsable de la délégation aux collectivités territoriales du 30 octobre 2020 et de la circulaire NOR/INT/B/02/00087/C du 27 mars 2002 ;

o il ne perçoit aucune indemnité journalière de la part de la MGEN ;

o il n'est justifié d'aucune délégation de fonction qui justifierait la réduction de ses indemnités alors que le maire n'a pas procédé au retrait de la délégation de fonctions à son profit ; le champ d'application de l'article L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales a été méconnu ;

o son absence est justifiée par son état de santé ;

- la délibération est entachée de détournement de pouvoir et résulte de la volonté de l'écarter en raison de relations conflictuelles avec le maire de la commune ;

- en ce qui concerne l'indemnisation de son préjudice moral :

o contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, il a effectué une demande préalable conformément aux dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative puisqu'il a évoqué ses difficultés financières lors de son recours devant le préfet de Maine-et-Loire ;

o son préjudice moral est établi à la suite de l'attitude du maire en juin 2017.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 octobre 2020 et le 28 décembre 2020, la commune de Trélazé, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires de M. C... sont irrecevables faute de liaison du contentieux :

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article D. 2123-23-1 du code général des collectivités territoriales est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F..., première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant M. C... et de Me D..., représentant la commune de Trélazé.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... C..., retraité de l'Education nationale, a été élu en qualité de conseiller municipal de la commune de Trélazé (Maine-et-Loire) à compter de l'année 2008. Il exerçait les fonctions de conseiller délégué aux partenariats du festival " Estival ". A compter du mois de juin 2017, à la suite de graves problèmes de santé, il a été placé en arrêt maladie et a cessé d'exercer ses missions au sein de la commune et d'assister aux séances du conseil municipal. Par un arrêté du 30 janvier 2018, le maire de la commune a chargé un autre membre du conseil municipal des fonctions de conseiller délégué aux partenariats du festival " Estival ". Par une délibération du 5 février 2018, le conseil municipal de Trélazé a décidé de modifier les taux des indemnités de fonction des titulaires de mandats locaux au vu des nouvelles délégations de fonctions accordées à M. B... et de l'indisponibilité de M. C... pour assurer l'exercice effectif des fonctions qui lui étaient confiées et de réduire l'indemnité de ce dernier à 5,22 % de l'indice terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique, au lieu de 18, 26 % auparavant. Par un courrier du 20 février 2018, le conseil de M. C... a adressé au préfet de Maine-et-Loire " un recours administratif hiérarchique " tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Trélazé du 5 février 2018. M. C... relève appel du jugement du 18 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération du conseil municipal et de la décision implicite du préfet de Maine-et-Loire et à la condamnation de la commune de Trélazé à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur la régularité du jugement attaqué en ce qui concerne les conclusions indemnitaires

2. L'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours (...) ".

3. Il ne résulte pas de l'instruction que M. C... aurait adressé une demande indemnitaire préalable au maire de Trélazé en vue d'obtenir de la commune l'indemnisation de son préjudice moral. Le courrier adressé au préfet de Maine-et-Loire le 20 février 2018, quand bien même il faisait état du montant des indemnités de fonction en cause, ne saurait en aucune façon constituer une telle demande préalable qui devait être adressée à la commune de Trélazé, personne morale distincte de l'Etat. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté comme irrecevables ses conclusions indemnitaires.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la délibération du 5 février 2018 :

4. L'article L. 2123-24 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Les indemnités votées par les conseils municipaux pour l'exercice effectif des fonctions d'adjoint au maire et de membre de délégation spéciale faisant fonction d'adjoint au maire sont déterminées en appliquant au terme de référence mentionné à l'article L. 2123-20 du barème suivant : / population de 10 000 à 19 999 habitants : taux maximal de 27,5 % (...) / II. - L'indemnité versée à un adjoint peut dépasser le maximum prévu au I, à condition que le montant total des indemnités maximales susceptibles d'être allouées au maire et aux adjoints ne soit pas dépassé (...) ". Aux termes de l'article L. 2123-24-1 du même code : " (...) II. - Dans les communes de moins de 100 000 habitants, il peut être versé une indemnité pour l'exercice effectif des fonctions de conseiller municipal dans les limites prévues par le II de l'article L. 2123-24. Cette indemnité est au maximum égale à 6 % du terme de référence mentionné au I de l'article L. 2123-20 (...) ". L'article L. 2123-25-1 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Lorsqu'un élu qui perçoit une indemnité de fonction et qui n'a pas interrompu toute activité professionnelle ne peut exercer effectivement ses fonctions en cas de maladie, maternité, paternité ou accident, le montant de l'indemnité de fonction qui lui est versée est au plus égal à la différence entre l'indemnité qui lui était allouée antérieurement et les indemnités journalières versées par son régime de protection sociale. (...) ". Enfin, l'article D. 2123-23-1 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Tout membre du conseil municipal percevant des indemnités de fonction et qui ne peut, en cas de maladie, maternité, paternité ou accident, exercer effectivement ses fonctions au-delà d'un délai de 15 jours francs, est tenu d'indiquer à la collectivité dont il est l'élu le montant des indemnités journalières qui lui sont, le cas échéant, versées par son régime de sécurité sociale au titre de son activité professionnelle, accompagné des pièces justificatives concernant l'arrêt de travail et son indemnisation, afin de déterminer le montant des indemnités de fonction à lui attribuer conformément à l'article L. 2123-25-1. / (...) Lorsque l'élu ne bénéficie d'aucun régime d'indemnités journalières ou ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'une indemnisation auprès du régime de sécurité sociale dont relève son activité, les indemnités de fonction sont maintenues en totalité pendant la durée de l'arrêt de travail ".

5. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que le versement des indemnités de fonctions aux maires, adjoints et conseillers municipaux est subordonné à l'exercice effectif des fonctions correspondantes. Il n'est pas contesté que M. C... n'a plus exercé effectivement ses fonctions de conseiller délégué postérieurement à son hospitalisation en juin 2017. Dans ces conditions, la circonstance qu'il ne serait pas justifié par la commune de Trélazé du retrait de la délégation qui lui avait été accordée par le maire de la commune pour exercer ses fonctions de conseiller délégué aux partenariats du festival " Estival " est sans incidence sur la légalité de la diminution des indemnités allouées à l'intéressé.

6. En deuxième lieu, lorsqu'un membre du conseil municipal ne peut, en cas de maladie, exercer effectivement ses fonctions, il a droit au maintien de ses indemnités de fonction, dont le montant doit alors être minoré des éventuelles indemnités journalières versées par son régime de protection sociale ou, si l'élu est un agent public, des sommes versées par son employeur. Par ailleurs, il résulte du troisième alinéa de l'article D. 2123-23-1 du code général des collectivités territoriales que si l'élu titulaire d'indemnités de fonction ne bénéficie pas d'un régime d'indemnités journalières, ses indemnités de fonction doivent être maintenues en totalité pendant la durée de son arrêt de travail. Néanmoins, M. C..., qui bénéficie d'une pension de retraite et n'exerce plus d'activité professionnelle, ne saurait se voir appliquer ces dispositions puisqu'il n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 2123-25-1 du code, pour l'application duquel a été édicté l'article D. 2123-23-1, alors même qu'il ne peut se voir verser d'indemnités journalières, dès lors qu'il ne saurait être regardé comme n'ayant " pas interrompu toute activité professionnelle ". Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article D. 2123-23-1 du code général des collectivités territoriales est inopérant et doit être écarté.

7. En dernier lieu, et alors qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'en l'absence d'exercice effectif des fonctions de conseiller délégué et du fait de la qualité de retraité de M. C..., le montant des indemnités qui lui était alloué pouvait être légalement diminué, il ne ressort pas des pièces du dossier que la délibération contestée serait entachée de détournement de pouvoir, malgré les relations conflictuelles qui existeraient entre M. C... et le maire de la commune.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 5 février 2018. Ses conclusions à fin d'injonction doivent donc être rejetées par voie de conséquence.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision implicite du préfet de Maine-et-Loire :

9. L'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ".

10. Le préfet de Maine-et-Loire n'ayant pas le pouvoir d'annuler la délibération contestée du conseil municipal de la commune de Trélazé, le " recours administratif hiérarchique " adressé le 20 février 2018 par le conseil de M. C... au préfet de Maine-et-Loire ne pouvait qu'être rejeté. A supposer par ailleurs que ce courrier puisse être regardé comme une demande adressée au représentant de l'Etat dans le département pour qu'il fasse usage des pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, la saisine du préfet aux fins d'usage de ces pouvoirs par une personne qui s'estime lésée par l'acte d'une collectivité territoriale n'ayant pas pour effet de priver cette personne de la faculté d'exercer un recours direct contre cet acte, le refus du préfet de déférer celui-ci au tribunal administratif ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il suit de là que M. C... n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a rejeté sa demande du 20 février 2018.

Sur les frais du litige :

11. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Trélazé, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

12. En second lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme que demande la commune de Trélazé en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Trélazé tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à la commune de Trélazé et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Une copie sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2021.

La rapporteure,

M. F...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01640
Date de la décision : 19/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : LEX PUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-19;20nt01640 ?
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