Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 février 2018 par laquelle la société Enedis a refusé de retirer un transformateur électrique implanté sur leur propriété située 15-17 rue Philippe Vannier à Auray et d'enjoindre à la société Enedis d'enlever, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le transformateur électrique situé sur leur propriété.
Par un jugement avant-dire droit n° 1800957 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a sursis à statuer sur la requête de M. D... et Mme E... jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle de la propriété de la partie de parcelle cadastrée section AP n° 850 sur laquelle est implanté un transformateur électrique sur le territoire de la commune d'Auray.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 mai 2020 et le 24 septembre 2020, M. D... et Mme E..., représentés par Me F..., demandent, dans le dernier état de leurs écritures, à la cour :
1°) d'annuler le jugement avant-dire droit n° 1800957 du 16 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes a sursis à statuer sur leur requête jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle de la propriété de la partie de parcelle cadastrée section AP n° 850 sur laquelle est implanté un transformateur électrique sur le territoire de la commune d'Auray ;
2°) d'annuler le rejet implicite de la société Enedis de leur demande tendant au retrait du transformateur électrique installé sur leur propriété située 15-17 rue Philippe Vannier à Auray et la décision explicite de rejet du 22 février 2018 ;
3°) d'enjoindre à la société Enedis d'enlever le transformateur électrique dans un délai de trois mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il n'existe aucune difficulté sérieuse quant à la propriété de la partie de parcelle sur laquelle est implanté le transformateur électrique au sens de l'article R. 771-2 du code de justice administrative :
o ils disposent d'un titre de propriété pour la parcelle cadastrée AP n° 850 entière contrairement à Enedis qui ne s'appuie que sur un relevé de propriétés bâties au cadastre qui n'a pas pour objet de rapporteur la preuve du droit de propriété d'une personne sur un bien ;
o la prescription civile de la prescription acquisitive trentenaire ne peut s'appliquer s'agissant d'un ouvrage public ; en tout état de cause, Enedis n'établit pas que les conditions pour bénéficier de la prescription acquisitive trentenaire, notamment la jouissance paisible et continue depuis 1975, sont remplies ;
- le rejet de leur demande de déplacement du transformateur électrique est illégal :
o la société Enedis n'a pas la qualité de propriétaire indivis de la parcelle AP 850 ; elle n'a pu acquérir la qualité de propriétaire par la prescription trentenaire acquisitive ;
o l'implantation d'un transformateur électrique sur une propriété privée sans déclaration d'utilité publique ou convention est irrégulière ;
o il n'est pas établi que le déplacement de l'ouvrage aurait des conséquences excessives sur l'intérêt général ; Enedis ne justifie pas de démarches en vue du déplacement ; l'emplacement actuel de l'ouvrage présente d'importants inconvénients pour eux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2020, la société Enedis, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. D... et Mme E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il existe bien une difficulté sur la propriété de la parcelle justifiant la saisine du juge judiciaire en sa qualité de gardien de la propriété privée ; la production d'un acte notarié ne garantit pas l'absence de difficulté sérieuse sur la propriété de la parcelle ;
- si le jugement était annulé, la demande de M. D... et Mme E... devrait être rejetée par l'effet dévolutif de l'appel :
o les conclusions dirigées contre le rejet implicite doivent être requalifiées comme dirigées contre la décision explicite du 22 février 2018 ;
o la société Enedis justifie de sa qualité de propriétaire indivis de la parcelle cadastrée AP 850 dès lors que la société EDF était propriétaire de la parcelle AP 255 qui a formé la parcelle AP850 avec les parcelles AP841 et AP850 ; à titre subsidiaire, elle serait fondée à invoquer le bénéfice de la prescription acquisitive trentenaire de l'article 690 du code civil ;
o à supposer que l'implantation du transformateur soit illégale, le déplacement de l'ouvrage ne peut pas être ordonné en méconnaissance de l'intérêt général, l'ouvrage étant affecté à l'exécution du service public et permettant l'alimentation en électricité de 220 foyers ; le déplacement n'est pas possible ; en outre, M. D... et Mme E... ont acquis leur maison d'habitation en toute connaissance de cause ; ils ne justifient pas l'étendue de leurs préjudices.
Vu le courrier du 14 octobre 2020 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
L'instruction a été close au 23 décembre 2020, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G..., première conseillère,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant M. D... et Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme E... ont acquis, en 2016, une maison d'habitation située 15-17 rue Philippe Vannier sur le territoire de la commune d'Auray (Morbihan) sur la parcelle cadastrée AP n° 850. Au rez-de-chaussée d'un des immeubles de la propriété se trouve un transformateur électrique. Par un courrier du 16 novembre 2017, parvenu le lendemain à son destinataire, M. D... et Mme E... ont demandé à la société Enedis de procéder au déplacement du transformateur électrique. Par un courrier du 22 février 2018, la société Enedis a rejeté la demande de déplacement du transformateur électrique au motif que la société, et auparavant EDF, était propriétaire de l'emplacement du poste de transformation depuis 1960. M. D... et Mme E... ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint à la société Enedis d'enlever, dans un délai de trois mois, le transformateur électrique en cause. M. D... et Mme E... relèvent appel du jugement avant-dire droit du 16 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes a sursis à statuer sur leur demande jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle de la propriété de la partie de la parcelle cadastrée section AP n° 850 sur laquelle est implanté le transformateur.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article R. 771-2 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".
3. Tant M. D... et Mme E..., d'une part, que la société Enedis, d'autre part, revendiquent, au cours du présent litige, la propriété de la portion de parcelle sur laquelle est implanté le poste de transformation électrique. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la promesse de vente effectuée au profit de M. D... et Mme E... en juin 2016, et ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, que la parcelle cadastrée AP n° 850, dont les intéressés revendiquent la pleine propriété et sur une portion de laquelle est implanté le transformateur litigieux, provient de la réunion de trois anciennes parcelles cadastrées AP n° 255, 841 et 850. Sur des relevés des propriétés bâties établis en 1975 et en 1979, Electricité de France (EDF) est désignée comme la propriétaire de la parcelle cadastrée AP n° 255, sur laquelle est situé le transformateur. Un relevé de même nature de 2009 désigne à nouveau la société Enedis, venant aux droits d'EDF, comme propriétaire sur la nouvelle parcelle AP 850 au numéro 15 de la rue Philippe Vannier à Auray. La promesse de vente du 29 juin 2016 et l'acte notarié du 16 octobre 2017 produits par les requérants mentionnent " qu'il existe un poste EDF, en rez-de-chaussée de l'atelier, situé sur la parcelle anciennement cadastrée section AP numéro 255... ". En revanche, les relevés des hypothèques produits par les appelants mentionnent, sous le nom des anciens propriétaires, plusieurs parcelles dont l'ancienne parcelle AP 255. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que dans des courriers adressés par EDF aux anciens propriétaires en juin 1996 et en mai 2010, EDF avait évoqué successivement l'existence d'une servitude consentie par l'entreprise Plastic Calf en 1960-1961 puis le bénéfice de la prescription trentenaire acquisitive. Dans ces conditions, eu égard aux documents produits par les deux parties, y compris en présence d'un acte notarié, M. D... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que la contestation soulevée relative à la propriété de la partie de la parcelle AP 850 siège du transformateur litigieux ne présentait pas un caractère sérieux au sens des dispositions de l'article R. 771-2 du code de justice administrative.
4. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a sursis à statuer sur leur demande jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle de propriété de la partie de la parcelle cadastrée section AP n° 850 sur laquelle est implanté le transformateur.
Sur les frais du litige :
5. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Enedis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... et Mme E... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
6. En second lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... et Mme E... la somme que la société Enedis demande en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Enedis tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme C... E... et à la société Enedis.
Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2021.
La rapporteure,
M. G...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01512