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27/04/2021 | FRANCE | N°20NT02825

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 27 avril 2021, 20NT02825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... et Mme G... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 16 octobre 2019 des autorités consulaires françaises à New Delhi (Inde) rejetant les demandes de visas de long séjour présentées pour Mme B... et l'enfant C... D... B... en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n°2001257

du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... et Mme G... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 16 octobre 2019 des autorités consulaires françaises à New Delhi (Inde) rejetant les demandes de visas de long séjour présentées pour Mme B... et l'enfant C... D... B... en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n°2001257 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2020, M. F... B... et Mme G... B..., agissant en leur nom et au nom de leur enfant mineur, représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. et Mme B... soutiennent que :

- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par une ordonnance du 22 janvier 2021, l'instruction a été close le 19 février 2021 à midi.

Un mémoire présenté par le ministre de l'intérieur a été enregistré le 26 mars 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me E..., pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme B... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 16 octobre 2019 des autorités consulaires françaises à New Delhi (Inde) rejetant les demandes de visas de long séjour présentées pour Mme B... et l'enfant C... D... B... en qualité de membre de famille de réfugié. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans (...) / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil, (...) peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. " Il résulte de ces dispositions que le regroupement familial doit concerner, en principe, l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier et qu'un regroupement familial partiel ne peut être autorisé à titre dérogatoire que si l'intérêt des enfants le justifie.

4. Pour rejeter la demande de visa litigieuse, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur ce que M. B... ne justifiait pas, avant l'introduction de sa demande d'asile, d'une vie commune suffisamment stable et continue avec Mme B..., sur ce que l'identité de Mme B... et de l'enfant C... D... B... et leur lien familial à l'égard de M. B... n'étaient pas établis et sur ce que la demande de réunification familiale présentait un caractère partiel.

5. M. B..., qui est réfugié tibétain, est entré en France le 30 décembre 2017. Les requérants produisent les " livrets verts " délivrés, les 16 avril et 24 avril 2019, à Mme B... et à l'enfant C... D... B..., né le 6 février 2013, par l'administration tibétaine en exil qui sont de nature à établir leur identité. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... a, dès sa demande d'asile, le 12 février 2018, déclaré Mme B... et l'enfant C... D... auprès de l'OFPRA et qu'il s'est rendu au Népal en 2019 pour les y retrouver. En outre, M. et Mme B... produisent de nombreuses photographies du couple avec leur enfant depuis son plus jeune âge, ainsi que des captures d'écran de leurs communications par le biais d'une application numérique " Wechat ". Les liens familiaux entre M. B..., Mme B... et l'enfant C... D... B... doivent, dès lors, être regardés comme établis par la possession d'état. Par suite, la commission de recours, en fondant sa décision sur ce que M. B... ne justifiait pas, avant l'introduction de sa demande d'asile, d'une vie commune suffisamment stable et continue avec Mme B..., et sur ce que l'identité de Mme B... et de l'enfant C... D... B... et leur lien familial avec M. B... n'étaient pas établis, a fait une inexacte application des dispositions précitées.

6. Il est constant que M. et Mme B... ont deux enfants, C... D... et Ngawang Choekyi, qui est née en 2004, et qu'ils n'ont pas formé de demande de visa pour cette dernière. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B... et l'enfant C... D... B... ont seuls rejoint, depuis le Tibet, l'Inde, pays dans lequel ils se trouvent désormais isolés. En outre, ils font valoir que leur fille est restée au Tibet afin d'y suivre la voie monastique, ainsi qu'il ressort des déclarations faites par M. B..., le 30 avril 2019, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qu'elle est prise en charge par ses grands-parents et que, compte tenu de la situation particulière au Tibet, il serait dangereux de contacter sa famille au Tibet afin d'obtenir des documents établissant leurs dires. Dans ces circonstances particulières, ils doivent être regardés comme justifiant que la réunification partielle de la famille est motivée par l'intérêt de l'enfant C... D... B.... Par suite, en refusant de délivrer les visas sollicités au motif que celle-ci ne l'était pas, la commission de recours a méconnu les dispositions de l'article

L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que des visas de long séjour soient délivrés à Mme B... et à l'enfant C... D... B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ces visas dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. M. et Mme B... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me E... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 23 juillet 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour Mme B... et l'enfant C... D... B... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme B... et à l'enfant C... D... B... des visas d'entrée et de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me E... une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à Mme B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme A..., présidente-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02825
Date de la décision : 27/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-27;20nt02825 ?
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