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23/04/2021 | FRANCE | N°20NT02596

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 23 avril 2021, 20NT02596


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en premier lieu, d'annuler la décision du 18 juillet 2017 par laquelle le maire de la commune de Tours a refusé de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances sonores qu'il subit, en deuxième lieu, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Tours a rejeté son recours gracieux du 20 septembre 2017 et en dernier lieu, d'enjoindre au maire de la commune de Tours de prendre les mesures adéquates pour

faire respecter la tranquillité publique à son adresse située 14 plac...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en premier lieu, d'annuler la décision du 18 juillet 2017 par laquelle le maire de la commune de Tours a refusé de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances sonores qu'il subit, en deuxième lieu, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Tours a rejeté son recours gracieux du 20 septembre 2017 et en dernier lieu, d'enjoindre au maire de la commune de Tours de prendre les mesures adéquates pour faire respecter la tranquillité publique à son adresse située 14 place Jean Jaurès à Tours.

Par un jugement n° 1800345 du 4 juin 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2020 et le 14 janvier 2021, M. A... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800345 du tribunal administratif d'Orléans du 4 juin 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 18 juillet 2017 par laquelle le maire de la commune de Tours a rejeté sa demande sollicitant la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police afin de rétablir la tranquillité publique et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Tours de faire usage de son pouvoir de police et de prendre les mesures adéquates pour faire respecter la tranquillité publique au niveau du 14, place Jean Jaurès dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Tours la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'adjoint signataire de la décision du 18 juillet 2017 n'est pas compétent ; la délégation produite ne lui donnait pas compétence pour signer des décisions en matière de police ;

- le refus du maire de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre les bruits de nettoyage de la voie entrainant des nuisances excessives méconnait les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales :

o les engins de nettoyage des rues sont des objets bruyants susceptible de provoquer des nuisances sonores élevées au sens des articles R. 571-1 et R. 571-2 du code de l'environnement ;

o les nuisances occasionnées dépassent les seuils fixés par les articles R. 1336-5 , R. 1336-6 et R. 1336-7 du code de la santé publique ; le passage des engins de nettoiement est de nature à caractériser l'existence d'un péril grave et imminent pour sa santé ;

o aucune circonstance particulière n'écarte l'obligation du maire d'exercer ses pouvoirs de police ; la circonstance qu'il aurait pu avoir connaissance avant d'emménager de la fréquence et des horaires de passage des véhicules de nettoyage et de collecte des ordures ménagères est sans incidence sur la légalité de la décision du maire ; le maire peut user de ses pouvoirs de police même à l'encontre d'un service public ; la nécessité des horaires et des fréquences de passage des véhicules n'est pas établie ;

- la décision méconnait l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 29 avril 2013 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, la commune de Tours, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, la demande de M. E... devant le tribunal administratif d'Orléans est irrecevable en raison de sa tardiveté en application des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, le courrier du 20 septembre 2017 n'ayant pas prorogé le délai :

o il n'est pas établi que l'assureur de protection juridique bénéficiait d'un mandat explicite pour former un recours administratif ;

o le courrier du 20 septembre 2017 ne peut être regardé comme un recours administratif.

Par une ordonnance du 7 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif aux modalités de mesurage des bruits de voisinage ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G..., première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E... a acquis en mai 2017 un appartement situé 14 place Jean Jaurès à Tours (Indre-et-Loire). Par courrier du 6 juillet 2017, il a fait part au maire de la commune des nuisances qu'il estimait subir du fait du passage, dans la rue de Bordeaux, sur laquelle donnent les chambres à coucher de son appartement, des véhicules du service de nettoyage des rues, et a demandé au maire de faire cesser ces nuisances. Par une décision du 18 juillet 2017, le maire de Tours a rejeté sa demande. Par un courrier du 20 septembre 2017, l'assureur de protection juridique de M. E... a saisi le maire d'un recours gracieux tendant à la modification des horaires de passage des engins de nettoyage ou à un remplacement de ces engins. N'obtenant pas de réponse, M. E... a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 18 juillet 2017 et du rejet implicite de son recours gracieux, et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de Tours de prendre des mesures pour " faire respecter la tranquillité publique à son adresse ". M. E... relève appel du jugement n° 1800345 du 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la décision contestée par laquelle le maire de Tours a refusé de modifier les horaires de passage des services de nettoyage de la ville sur la place Jean Jaurès et rue de Bordeaux a été signée au nom du maire par M. B... C..., adjoint délégué. Par un arrêté du 7 février 2017, le maire de la commune a délégué M. C..., onzième adjoint, à " l'étude et à la préparation des questions concernant la santé et l'hygiène, les personnes âgées et les personnes handicapées ". Par l'article 2 de ce même arrêté, le maire a donné délégation de signature à M. C... pour signer " tous actes, arrêtés, documents et correspondances se rapportant à ces questions ". L'arrêté confiant à cet adjoint compétence pour connaitre des questions d'hygiène dans la ville, M. E... ne peut soutenir que cet arrêté de délégation ne pouvait fonder la compétence de M. C... pour signer la décision contestée. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 18 juillet 2017 doit donc être écarté.

3. En second lieu, l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 1334-31 du code de la santé publique, alors en vigueur : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité ". L'article R. 1334-33 du code de la santé publique alors en vigueur, disposait que : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier : / 1° Six pour une durée inférieure ou égale à 1 minute, la durée de mesure du niveau de bruit ambiant étant étendue à 10 secondes lorsque la durée cumulée d'apparition du bruit particulier est inférieure à 10 secondes ; / 2° Cinq pour une durée supérieure à 1 minute et inférieure ou égale à 5 minutes ; / 3° Quatre pour une durée supérieure à 5 minutes et inférieure ou égale à 20 minutes ; / 4° Trois pour une durée supérieure à 20 minutes et inférieure ou égale à 2 heures ; / 5° Deux pour une durée supérieure à 2 heures et inférieure ou égale à 4 heures ; / 6° Un pour une durée supérieure à 4 heures et inférieure ou égale à 8 heures ; / 7° Zéro pour une durée supérieure à 8 heures ". L'article R. 1334-34 du même code disposait que : " L'émergence spectrale est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant dans une bande d'octave normalisée, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau de bruit résiduel dans la même bande d'octave, constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux mentionnés au deuxième alinéa de l'article R. 1334-32, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence spectrale sont de 7 dB dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 125 Hz et 250 Hz et de 5 dB dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 500 Hz, 1 000 Hz, 2 000 Hz et 4 000 Hz ". L'article R. 1334-35 du code de la santé publique, alors en vigueur, prévoyait que les mesures de bruit mentionnées à l'article R. 1334-32 du même code sont effectuées selon les modalités définies par un arrêté des ministres chargés de la santé, de l'écologie et du logement. L'arrêté du 5 décembre 2006 relatif aux modalités de mesure des bruits de voisinage renvoie quant à lui pour les mesurages de l'émergence globale et de l'émergence spectrale, mentionnées aux articles R. 1334-32 à R. 1334-34 du code de la santé publique, le mesurage de l'émergence globale définie à l'article R. 1334-33 du code de la santé publique et le mesurage de l'émergence spectrale mentionnée à l'article R. 1334-34 du code de la santé publique, aux dispositions de la norme NF S 31-010.

4. Il appartient au maire, en vertu des dispositions citées au point précédent du code général des collectivités territoriales et du code de la santé publique, de prendre les mesures appropriées pour empêcher ou faire cesser, sur le territoire de sa commune, les bruits excessifs de nature à troubler le repos des habitants.

5. Par son courrier du 6 juillet 2017, M. E... a mis en cause le passage matinal des véhicules du service municipal de nettoyage des rues, notamment dans la rue de Bordeaux, sur laquelle donnent plusieurs fenêtres de son appartement. Il ressort néanmoins des pièces du dossier, notamment des deux constats d'huissier dressés à la demande de l'intéressé un dimanche matin et un lundi matin du mois de janvier 2018, qu'une partie des véhicules désignés relèvent d'un autre service. En outre, il ressort de ces mêmes constats pour lesquels l'huissier a utilisé un sonomètre que trois passages ponctuels de véhicules du service de nettoyage des rues ont été relevés, chacun des jours en cause, entre 5 heures 30 et 6 heures 30, qu'un fond ambiant d'environ 30 décibels a pu être enregistré par le sonomètre, et au passage de ces véhicules un niveau sonore, fenêtres fermées, entre 40 et 50 décibels a pu être détecté par l'appareil. Néanmoins, il ne ressort aucunement des pièces du dossier que ce relevé acoustique effectué par un huissier ait été réalisé conformément à la norme NF S 31-010 visée par l'arrêté ministériel du 5 décembre 2006 et il n'est donc pas établi que les valeurs limites de l'émergence ont été dépassées après application du correctif prévu par l'article R. 1334-33 du code de la santé publique. La seule circonstance, surtout, que ces valeurs limites d'émergence seraient ponctuellement dépassées à trois reprises entre 5 heures 30 et 6 heures 30 ne suffit pas à établir que le maire devrait faire usage des pouvoirs qu'il tient des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales alors que la commune de Tours justifie que la rue de Bordeaux, bordée de nombreux commerces, doit être nettoyée avant ou après le passage des camions de livraison de ces boutiques. Enfin, si M. E... conteste la fréquence de nettoyage par les services de la commune de la rue de Bordeaux, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, cette artère commerçante, située entre la gare et la place Jean Jaurès, est susceptible d'attirer un important passage de véhicules et de piétons. Il résulte de tout ce qui précède qu'en refusant d'user de ses pouvoirs de police pour faire procéder aux modifications demandées par M. E..., le maire de la commune de Tours n'a méconnu ni les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, ni l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 29 avril 2013 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 juillet 2017 par laquelle le maire de la commune de Tours a refusé de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances sonores qu'il subit, et de la décision implicite par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux du 20 septembre 2017. Ses conclusions à fin d'injonction doivent donc être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais du litige :

7. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la commune de Tours, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

8. En second lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme que la commune de Tours demande en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Tours tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la commune de Tours.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.

La rapporteure,

M. G...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfète d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02596


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02596
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SCP CEBRON DE LISLE - BENZEKRI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-23;20nt02596 ?
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