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23/04/2021 | FRANCE | N°20NT00405

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 23 avril 2021, 20NT00405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Saint-Malo à lui verser la somme de 71 009, 60 euros au titre des frais engagés et du préjudice subi dans l'exécution du marché de services ayant pour objet la restauration de neuf fresques peintes par l'artiste Geoffroy Dauvergne dans trois écoles de la commune.

Par un jugement n° 1703108 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête, enregistrée le 6 février 2020, M. A... C..., représenté par Me D..., demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Saint-Malo à lui verser la somme de 71 009, 60 euros au titre des frais engagés et du préjudice subi dans l'exécution du marché de services ayant pour objet la restauration de neuf fresques peintes par l'artiste Geoffroy Dauvergne dans trois écoles de la commune.

Par un jugement n° 1703108 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 février 2020, M. A... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703108 du tribunal administratif de Rennes du 6 décembre 2019 ;

2°) de condamner la commune de Saint-Malo à lui verser la somme de 9 809,39 euros, avec intérêts à compter de sa demande indemnitaire préalable ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Malo la somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête devant le juge du contrat était recevable, d'autant qu'à la date de sa demande indemnitaire préalable, les relations contractuelles avec la commune de Saint-Malo n'avaient pas cessé ;

- la responsabilité contractuelle de la commune de Saint-Malo doit être engagée en raison des fautes commises par la commune qui a conclu un marché sans en permettre la réalisation effective :

o la commune de Saint-Malo a commis une faute dans la définition de ses besoins ; elle n'avait pas pris en compte l'occupation des bâtiments des écoles qui faisaient obstacle à la réalisation du marché ;

o l'absence de commande de l'ensemble des rénovations prévues au contrat constitue une faute ;

o la commune de Saint-Malo a commis une faute dans l'exécution du marché ; les travaux n'ont pu être réalisés qu'en raison de sujétions techniques imputables à la commune ; elle ne l'a informé que tardivement de l'absence de prestations en 2015 ;

o la commune de Saint-Malo a commis une faute en ne procédant pas à la résiliation du marché pour motif d'intérêt général et en n'établissant pas un décompte de résiliation ;

- en ce qui concerne ses préjudices :

o il a droit à une somme de 5 669, 39 euros correspondant à la perte de marge nette pour les prestations non réalisées mais ayant fait l'objet d'un bon de commande ;

o c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de reconnaitre le préjudice résultant des frais de location puisqu'il a dû anticiper la location d'un logement en 2015 dans l'attente des commandes de la commune ; il a droit à ce titre à la somme de 4 140 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2021, la commune de Saint-Malo, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, demande à la cour :

1°) à titre principal, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement n° 1703108 du tribunal administratif de Rennes du 6 décembre 2019 en tant qu'il a requalifié le marché litigieux et qu'il a retenu l'existence de fautes de la commune de Saint-Malo dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Rennes n'était pas saisi d'une demande de requalification du contrat, qualification qui n'est pas d'ordre public, et a statué ultra petita ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a requalifié le marché en cause en marché public de service à lot unique et non en marché à bons de commande :

o l'absence de mention de l'article 77 du code des marchés publics est sans incidence sur la qualification du contrat qu'il appartient au juge de qualifier au-delà de ses termes ; la mention des articles 28 et 30 du code des marchés publics est sans incidence sur la nature du contrat ;

o le fait que l'étendue des besoins a été déterminée depuis l'origine est sans incidence sur la nature du marché, le recours au marché à bons de commande n'étant plus conditionné à l'impossibilité d'arrêter entièrement le rythme et l'étendue des besoins à satisfaire ; en outre, une incertitude existait dans la définition des besoins en raison de l'interaction avec l'activité des écoles ;

o le marché en cause présentait plusieurs caractéristiques du marché à bons de commande : durée de quatre ans, durée maximale de ce type de marché, absence d'un minimum de commande, émission de lettres de commande précisant les prestations ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a retenu l'existence de fautes de la commune de Saint-Malo dans l'exécution de ses obligations contractuelles :

o le titulaire d'un marché à bons de commande n'a aucune garantie quant à son exécution ; le titulaire n'a pas droit au paiement des prestations non commandées et non réalisées ;

o aucune lettre de commande n'a été émise au titre de l'année 2015 alors que M. C... était contractuellement tenu d'attendre l'émission d'un bon de commande avant de débuter ses prestations ; l'information apportée le 9 juillet 2015 ne présente pas un caractère tardif, l'avenant de juillet 2013 ne visant que la notification d'un calendrier d'intervention ;

- la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes était irrecevable :

o la demande était irrecevable faute d'exposé des moyens la fondant en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; les moyens n'ont été présentés qu'à l'appui du mémoire en réplique, postérieurement à l'écoulement du délai de recours contentieux ;

o M. C... ne pouvait invoquer la responsabilité contractuelle de la commune de Saint-Malo du fait de l'expiration du contrat en mars 2017 ; il n'est pas recevable à invoquer en appel la responsabilité extra-contractuelle de la commune, ce fondement n'ayant pas été invoqué devant les premiers juges ;

o la demande était irrecevable du fait de l'absence de mémoire en réclamation en méconnaissance des stipulations de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Fournitures courantes et Services ; le courrier du 7 mars 2017 ne comporte en outre l'énoncé d'aucun moyen ;

- la commune de Saint-Malo n'a pas commis de faute :

o elle n'a pas commis de faute dans l'évaluation de ses besoins et a pris en compte l'occupation des bâtiments ; l'avenant de juillet 2013 n'entraine aucune modification substantielle, caractéristique d'une mauvaise définition du besoin ;

o elle n'a pas commis de faute dans l'exercice du pouvoir de contrôle et de direction du marché ; c'est en raison des incompatibilités que pouvait entrainer la réalisation des travaux de restauration, incluant les travaux préparatoires, qu'elle a prévu le recours au mécanisme des bons de commandes ; la conclusion de l'avenant manifeste précisément l'exercice adéquat de ses pouvoirs de contrôle et de direction ;

o elle n'a pas commis de faute en ne résiliant pas le marché, la résiliation n'étant qu'une possibilité et non une obligation en application des stipulations des articles 29 et 31 du CCAG - Fournitures courantes et Services ;

- en ce qui concerne les préjudices invoqués :

o M. C... ne justifie pas d'un lien de causalité entre les fautes de la commune et les préjudices invoqués ; la cause directe des frais de location réside dans l'anticipation manifestée par l'intéressé et non dans l'absence de commandes de la commune ; les périodes de location ne correspondent pas aux périodes d'exécution contractuelle ;

o M. C... n'apporte pas la preuve de l'étendue du préjudice qu'il estime avoir subi :

* les prestations relatives aux salles 1 et 9 de l'école du Trianon, ordonnées en 2013, ayant été payées. M. C... ne peut les intégrer dans le calcul de son manque à gagner ;

* les documents produits sont insuffisants et trop imprécis pour déterminer la marge nette et le montant demandé ; le calcul de la marge nette sous forme d'une moyenne n'est pas pertinent compte tenu de la réalité économique des résultats de l'intéressé.

Par une ordonnance du 11 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 février 2021.

Les parties ont été informées par courrier du 30 mars 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident présentées pour la commune de Saint-Malo qui tendent à l'annulation d'un jugement qui a rejeté les demandes de M. C....

Par un mémoire, enregistré le 31 mars 2021, la commune de Saint-Malo a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public soulevé le 30 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics issu du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Saint-Malo.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) a décidé de conclure un marché de prestations de service selon la procédure adaptée, ayant pour objet la restauration et la conservation de fresques réalisées par le peintre Geoffroy Dauvergne au sein de trois des écoles de la commune, soit six fresques au sein de l'école de Trianon, deux au sein de l'école de la Cité et une à l'école de Bel-Air. Ce marché n° 13-010 a été attribué, le 8 mars 2013, à M. A... C..., artisan restaurateur, pour un montant total hors taxes (HT) de 173 503, 08 euros et un montant toutes taxes comprises (TTC) de 207 509, 68 euros. Le marché était conclu pour une durée de quatre années et le commencement des prestations devait intervenir après délivrance d'une lettre de commande. Un avenant au marché a été conclu le 23 juillet 2013 afin de modifier le calendrier de restauration des fresques par écoles, salles et années qui avait été fixé en annexe du cahier des charges du marché. Aux termes de cet avenant, en outre, il était décidé qu'à chaque date anniversaire de la date de notification du marché, intervenue le 22 mars 2013, un calendrier d'intervention désignant les fresques à restaurer pour la période serait notifié à M. C... par la commune. Au titre de l'année 2014, par un courrier du 20 mars 2014, la commune de Saint-Malo a demandé à M. C... d'engager deux chantiers de restauration dans l'école de la Cité, pour la salle côté mer, et dans le hall de l'école de Bel-Air pendant les vacances d'avril, les vacances d'été et les vacances d'automne. A partir de l'année 2015, néanmoins aucune nouvelle prestation de restauration n'a été commandée à M. C....

2. Par un courrier du 7 mars 2017, le conseil de M. C... a demandé la résiliation du marché conclu en 2013 et l'indemnisation des frais engagés au titre des années 2015 et 2016 et du préjudice subi à hauteur de 34 700 euros. Par un courrier 15 mai 2017, la commune de Saint-Malo a indiqué vouloir engager une procédure de résiliation du marché, les commandes ayant été suspendues à partir de l'année 2015 en raison de la complexité des restaurations restant à exécuter. En l'absence de démarche de la part de la commune, M. C... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Malo à lui verser une somme de 71 009, 60 euros en raison des frais engagés et des préjudices subis dans l'exécution du marché de services conclu en 2013. M. C... relève appel du jugement n° 1703108 du 6 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il résulte de l'instruction que pour répondre à la demande indemnitaire présentée par M. C... sur le fondement du contrat conclu en mars 2013, le tribunal administratif de Rennes a procédé, aux points 2 à 4 de son jugement, à la qualification du contrat en cause en marché public de services à lot unique et à prix forfaitaire. Ce faisant, et alors qu'il entre dans l'office du juge administratif de procéder à la qualification des actes qui lui sont soumis, les premiers juges n'ont pas statué ultra petita.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'appel principal de M. C... :

S'agissant de la nature du contrat notifié le 22 mars 2013 :

4. L'article 77 du code des marchés publics alors vigueur, dispose que : " I. - Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande. Lorsqu'un marché à bons de commande est attribué à plusieurs opérateurs économiques, ceux-ci sont au moins au nombre de trois, sous réserve d'un nombre suffisant de candidats et d'offres. / Dans ce marché le pouvoir adjudicateur a la faculté de prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité, ou un minimum, ou un maximum, ou encore être conclus sans minimum ni maximum. / L'émission des bons de commande s'effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché. / Les bons de commande sont des documents écrits adressés aux titulaires du marché. Ils précisent celles des prestations, décrites dans le marché, dont l'exécution est demandée et en déterminent la quantité. / II. - La durée des marchés à bons de commande ne peut dépasser quatre ans, sauf dans des cas exceptionnels dûment justifiés, notamment par leur objet ou par le fait que leur exécution nécessite des investissements amortissables sur une durée supérieure à quatre ans (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que le cahier des charges du marché conclu en mars 2013 entre la commune de Saint-Malo et M. C... ne faisait aucunement référence aux dispositions précitées de l'article 77 du code des marchés publics alors en vigueur. Par ailleurs, d'une part, l'article 1.2 du cahier des charges stipule qu'il s'agit d'un " marché de services à lot unique ", d'autre part, les prestations objets du marché étaient clairement identifiées, dans leur quantité et leur consistance par le contrat puisque figurait en annexe un bordereau de prix global et forfaitaire définissant également les prestations et leur calendrier d'exécution, en listant les neuf fresques devant faire l'objet d'une restauration entre 2013 et 2016 et fixant pour chacune d'elles le prix précis de la prestation. Si l'article 1.4 de ce cahier stipulait que : " (...) Le commencement des prestations ne pourra intervenir qu'après la délivrance d'une lettre de commande pour chacune des fresques à restaurer (...) ", il résulte du titre même de ces stipulations qu'elles étaient relatives au délai d'exécution des prestations et dès lors la lettre de commande prévue par ces stipulations ne saurait s'analyser comme un bon de commande au sens de l'article 77 du code des marchés publics alors en vigueur. Dans ces conditions, le contrat notifié le 22 mars 2013 déterminant avec précision la quantité, la consistance et le prix des services objets du contrat, la commune de Saint-Malo n'est pas fondée à soutenir que ce contrat, quand bien même il a été conclu pour la durée de quatre ans, durée maximale d'exécution des marchés à bons de commande, constituerait un tel marché, lequel, sans montant minimum, n'aurait impliqué aucun droit pour le cocontractant de recevoir des commandes.

S'agissant des fautes de la commune de Saint-Malo :

6. En premier lieu, l'avenant au contrat litigieux, conclu en juillet 2013, stipule que : " (...) Pour les années [suivant 2013], à la date anniversaire de la notification du marché (22 mars 2013), un calendrier d'intervention désignant les fresques à restaurer pour la période sera notifié au titulaire du marché (...) ". Il résulte de l'instruction que ce n'est que par un courrier envoyé en juillet 2015 que la commune de Saint-Malo a informé M. C... de son intention de ne pas lui demander de restaurations des fresques de Geoffroy Dauvergne en 2015, soit postérieurement à la date contractuellement prévue pour l'envoi d'un calendrier d'intervention. La commune intimée ne saurait utilement invoquer la circonstance que l'avenant de juillet 2013 ne mentionne qu'un calendrier d'intervention et non la lettre de commande prévue par les stipulations de l'article 1.4 du cahier des charges du marché pour soutenir qu'elle n'a pas informé tardivement M. C... en 2015 de l'absence de prestations à exécuter au titre de cette même année. Il suit de là qu'en n'informant M. C... de cette circonstance qu'en juillet 2015, la commune de Saint-Malo a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

7. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, le contrat conclu en mars 2013 entre la commune de Saint-Malo et M. C... portait sur neuf fresques de Geoffroy Dauvergne clairement identifiées dans trois écoles de la commune. Une étude préalable avait été réalisée en décembre 2009 par trois restaurateurs et était mise à disposition des concurrents à l'attribution du marché. En outre, le cahier des charges mentionnait spécifiquement à son point 8.1 " Caractéristiques techniques " que " s'agissant des fresques présentes dans des lieux fréquentés par des enfants, le diagnostic et les prestations de restauration ne se feront que pendant les vacances scolaires ou le mercredi (hors périodes de vacances) lorsque les lieux seront accessibles et disponibles avec l'accord préalable de la Direction de l'Education et du Service Intérieur ". L'article 8.2 du cahier des charges soulignait par ailleurs que : " Le candidat devra s'assurer auprès de la Direction de l'Education et du Service intérieur des jours et heures auxquelles peuvent être ouvertes les classes des écoles afin de ne pas perturber le fonctionnement de cette direction ". Il ne résulte en outre pas de l'instruction que les difficultés auxquelles s'est finalement heurtée l'opération de restauration aient été prévisibles. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la commune de Saint-Malo aurait commis une faute en ne procédant pas à une suffisante définition de ses besoins avant la conclusion du marché en cause.

8. En dernier lieu, l'article 31 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Fournitures courantes et services, applicable au marché en cause en vertu de l'article 2.2 de son cahier des charges, stipule que : " Article 31 : Résiliation pour événements liés au marché / 31. 1. Difficulté d'exécution du marché : / Lorsque le titulaire rencontre, au cours de l'exécution des prestations, des difficultés techniques particulières dont la solution nécessiterait la mise en oeuvre de moyens hors de proportion avec le montant du marché, le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché, de sa propre initiative ou à la demande du titulaire (...) ". Par ailleurs, l'article 33 de ce même CCAG stipule que : " Article 33 : Résiliation pour motif d'intérêt général / Lorsque le pouvoir adjudicateur résilie le marché pour motif d'intérêt général, le titulaire a droit à une indemnité de résiliation, obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations admises, un pourcentage fixé par les documents particuliers du marché ou, à défaut, de 5 %. / Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d'apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. / Ces indemnités sont portées au décompte de résiliation, sans que le titulaire ait à présenter une demande particulière à ce titre ". Enfin aux termes de l'article 34 de ce même CCAG : " Décompte de résiliation / 34. 1. La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. / 34. 2. Le décompte de résiliation qui fait suite à une décision de résiliation prise en application des articles 31 et 33 comprend : / 34. 2. 1. Au débit du titulaire : / _ le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte, de règlement partiel définitif et de solde ; / _ la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer, ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ; / _ le montant des pénalités./ 34. 2. 2. Au crédit du titulaire :/ 34. 2. 2. 1. La valeur des prestations fournies au pouvoir adjudicateur, à savoir : / _ la valeur contractuelle des prestations reçues, y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; / _ la valeur des prestations fournies éventuellement à la demande du pouvoir adjudicateur telles que le stockage des fournitures./ 34. 2. 2. 2. Les dépenses engagées par le titulaire en vue de l'exécution des prestations qui n'ont pas été fournies au pouvoir adjudicateur, dans la mesure où ces dépenses n'ont pas été amorties antérieurement ou ne peuvent pas l'être ultérieurement, à savoir : / _ le coût des matières et objets approvisionnés en vue de l'exécution du marché ; / _ le coût des installations, matériels et outillages réalisés en vue de l'exécution du marché ; / _ les autres frais du titulaire se rapportant directement à l'exécution du marché ; / 34. 2. 2. 3. Les dépenses de personnel dont le titulaire apporte la preuve qu'elles résultent directement et nécessairement de la résiliation du marché. / 34. 2. 2. 4. Si la résiliation est prise en application de l'article 33, une somme forfaitaire calculée en appliquant un pourcentage à la différence entre le montant hors TVA non révisé du marché et le montant hors TVA non révisé des prestations réceptionnées. Dans le silence du marché, ce pourcentage est de 5 %. Le montant ainsi calculé sera révisé à la date d'effet de la résiliation conformément aux dispositions du marché. / 34. 2. 2. 5. Plus généralement, tous préjudices subis du fait de la résiliation par le titulaire et éventuellement ses sous-traitants et fournisseurs (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que la totalité des fresques de Geoffroy Dauvergne qui se situent dans des écoles de la commune de Saint-Malo, certaines derrière des placards ou des cloisons, n'ont pu faire l'objet d'une restauration, en raison de la complexité des opérations de restauration et de leur incidence sur le service public de l'enseignement. M. C... ne peut donc soutenir, au demeurant sans précision, que le marché n'aurait pu être exécuté en totalité en raison de " sujétions imputables à la commune ". Néanmoins, la commune n'a fait le choix de mettre en oeuvre ni son pouvoir de modification unilatérale du contrat ni son pouvoir de résiliation unilatérale du contrat pour un motif d'intérêt général. Dans ces conditions, alors que la commune de Saint-Malo n'avait ni résilié ni modifié le marché de prestations de service à partir de l'année 2015, M. C... est fondé à soutenir qu'en cessant de lui ordonner des prestations de restauration des fresques après l'année 2014, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, au regard des seuls préjudices qui en sont la conséquence.

S'agissant des préjudices et du lien de causalité :

10. En premier lieu, M. C... invoque le préjudice qu'il aurait subi pour la location d'un logement à Saint-Malo entre le 11 et le 25 avril 2015, pour un coût de 840 euros, et entre le 4 juillet et 29 août 2015, à hauteur de 3 300 euros. Pour justifier l'existence de ce préjudice, il produit deux contrats de location signés les 27 et 30 mars 2015. Néanmoins, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, l'article 1.4 du cahier des charges conditionnait le commencement des prestations à la délivrance d'une " lettre de commande ", valant ordre de service, tandis que l'avenant conclu en juillet 2013 prévoyait l'envoi d'un calendrier prévisionnel au plus tard le 22 mars de l'année en cours. Dans ces conditions, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le préjudice subi par M. C... en contractant le 30 mars 2015 deux contrats de location sans avoir reçu de lettre de commande ni sollicité la commune en raison du retard à lui fournir un calendrier prévisionnel n'apparait pas en lien avec les fautes commises par la commune.

11. En second lieu, l'appelant se borne à demander l'indemnisation de la marge nette qu'il aurait pu effectuer sur la restauration de deux fresques qui auraient fait l'objet d'une lettre de commande mais n'auraient pas été réalisées. Néanmoins, il résulte de l'instruction, notamment de l'annexe au cahier des charges valant acte d'engagement, que la fresque " L'Automne ", située dans la salle n° 9 de l'école du Trianon et la fresque située dans la cantine de cette même école devaient être restaurées en 2013. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment de l'avenant de juillet 2013 qui n'évoque que la fresque " Les Musiciens " située dans l'école de la Cité, que ces prévisions contractuelles n'auraient pas été respectées. Dans ces conditions, le préjudice invoqué en appel par M. C... n'apparait ni établi ni en lien avec les fautes commises par la commune de Saint-Malo.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Malo.

En ce qui concerne l'appel incident de la commune de Saint-Malo :

13. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé par le défendeur en premier ressort contre le jugement qui a rejeté les conclusions du demandeur.

14. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. C... tendant à la condamnation de la commune de Saint-Malo. Si par son appel incident, la commune de Saint-Malo demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a qualifié le marché en cause, en lui déniant le caractère de marché à bons de commande, et a retenu l'existence de fautes commises par la commune pouvoir adjudicateur, ces conclusions, qui ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement mais contre ses motifs, ne sont pas recevables.

Sur les frais du litige :

15. Il n'apparait pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais d'instance qu'elles ont exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... et les conclusions d'appel incident de la commune de Saint-Malo sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Malo tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Saint-Malo.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.

La rapporteure,

M. E...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00405
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SELARL PHILIPPE LAPILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-23;20nt00405 ?
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