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20/04/2021 | FRANCE | N°20NT01434

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 avril 2021, 20NT01434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa rejetant les demandes de visa de long séjour présentées pour les jeunes Mildred C... L... et F... C... K... qu'elle présente comme ses enfants.

Par un jugement n° 1904423 du 10 octobre 2019, le tribun

al administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa rejetant les demandes de visa de long séjour présentées pour les jeunes Mildred C... L... et F... C... K... qu'elle présente comme ses enfants.

Par un jugement n° 1904423 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2020, Mme G... B... épouse C..., Mme D... C... L... et M. F... C... K..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer les visas sollicités, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision de la commission n'est pas motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- son époux, père de ses enfants, est porté disparu depuis 2012 de sorte que les refus de visa opposés à ces derniers ne sauraient être fondés sur leur intérêt à demeurer auprès de lui ;

- la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de ses enfants ;

- la réalité des liens de filiation est établie par le jugement supplétif produit et les actes de naissances le transcrivant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

Par un mémoire du 8 novembre 2020, Mme C... et les autres requérants ont présenté des observations.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 9 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse C..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 2 janvier 1953, bénéficie du statut de réfugiée depuis le 6 mars 2014. Les demandes de visa présentées le 8 septembre 2016 pour les jeunes Mildred C... L... et F... C... K..., ressortissants de la République démocratique du Congo nés tous deux le 11 août 2000, que la requérante présente comme sa fille et son fils, ont été rejetées par une décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa au motif que l'autre parent des enfants n'étant ni décédé, ni déchu de ses droits parentaux ou de son droit de garde, l'intérêt de ceux-ci commandait qu'ils restassent auprès de lui dans leur pays. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre cette décision. Mme B... épouse C..., Mme D... C... L... et M. F... C... K... relèvent appel du jugement du 10 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / (...) / Les membres de la famille d'un réfugié (...) sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. En premier lieu, d'une part, il ressort du jugement collectif supplétif d'acte de naissance RCE 2563 rendu le 2 février 2016 par le tribunal pour enfants J... statuant en matière civile et gracieuse que, le 11 août 2000, sont nés à Kinshasa les enfants D... C... L... et F... C... K..., dont la mère est Mme G... B... et le père M. I... C.... Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux. La circonstance que le jugement mentionné ci-dessus ait été rendu quinze ans après les naissances qu'il relate et peu de temps avant les demandes de visa ne révèle, par elle-même, aucune fraude. Le ministre n'apporte pas davantage la preuve d'une telle fraude en faisant valoir, sans autre précision, que le jugement a été rendu au regard des seules déclarations de l'oncle des intéressés. Au demeurant, il ressort des mentions de cette décision que le tribunal a entendu le ministère public avant de statuer. D'autre part, les actes de naissance dressés le 11 mars 2016 et transcrivant le jugement supplétif portent la mention des professions des parents alors que cette information ne figure pas sur le jugement. Toutefois, le ministre n'apporte aucun élément de nature à démontrer que, selon les textes de droit local, seules les mentions contenues dans le jugement supplétif pourraient apparaître sur l'acte de naissance établi sur son fondement. La requérante, en revanche, verse aux débats le courrier du président du tribunal pour enfants J... certifiant que le jugement supplétif RCE 2563 du 2 février 2016 figure dans les registres des affaires civiles et présente un caractère authentique et précisant que si la profession des parents n'est pas une information devant obligatoirement être mentionnée dans un jugement supplétif, l'officier d'état civil est lui, en revanche, tenu sur le fondement de l'article 118 du code de la famille d'énoncer la profession des parents. Par ailleurs, la circonstance que le jugement considéré fasse état des déclarations faites à l'audience par l'oncle des enfants selon lesquelles les parents séjournaient au moment des naissances sur la commune de Lemba tandis que les actes de naissance mentionnent l'adresse principale des parents à Ngaliema, comme cela ressort aussi du récit d'asile de la requérante ne suffit pas à mettre en doute le caractère authentique de ce jugement. Le lien de filiation entre la requérante et les jeunes Mildred C... L... et F... C... K... est ainsi établi.

5. En second lieu, aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté par le ministre que le père des jeunes Mildred C... L... et F... C... K... est porté disparu depuis le 30 mars 2012. L'intérêt supérieur de ces derniers commande qu'ils puissent rejoindre leur mère en France.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Eu égard aux motifs d'annulation sur lesquels est fondé le présent arrêt, l'exécution de ce dernier implique nécessairement la délivrance à Mme D... C... L... et M. F... C... K... de visas de long séjour. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle les voyages envisagés seront compatibles avec les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Mme B... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 octobre 2019 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme D... C... L... et à M. F... C... K... dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle les voyages envisagés seront compatibles avec les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B... épouse C..., à Mme D... C... L..., à M. F... C... K... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Douet, présidente de la formation de jugement,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.

Le rapporteur,

K. E...

La présidente,

H. DOUET

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT01434


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01434
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : DUPLANTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-20;20nt01434 ?
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