La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/2021 | FRANCE | N°21NT00093

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 avril 2021, 21NT00093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 juillet 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités slovènes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2008354 du 19 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 janvier 2021 et le 31 mars 2021, Mme A... E..., représentée par Me

C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2008354 du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 juillet 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités slovènes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2008354 du 19 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 janvier 2021 et le 31 mars 2021, Mme A... E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2008354 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 28 juillet 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités slovènes pour l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire à titre principal de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues :

o l'information requise lui a été transmise tardivement à la fin de l'entretien et ne lui a pas été remise dès la présentation auprès du point d'accueil des demandeurs d'asile ;

o ses empreintes ont été relevées pour dépôt dans Eurodac sans qu'on lui ait délivré les informations requises en méconnaissance de l'article 13 du RGPD ;

o les brochures n'ont pas été traduites correctement ; les mentions indiquées dans le compte-rendu d'entretien ne correspondent pas à ses déclarations ;

- les dispositions de l'article 13 du RGPD ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il appartient à l'administration de démontrer que les garanties de l'entretien Dublin ont été respectées notamment la preuve que la personne ayant mené l'entretien était qualifiée en droit d'asile ; le compte-rendu de l'entretien individuel ne correspond pas à ses déclarations notamment quant à la durée de sa présence sur le territoire slovène et les conditions de sa prise en charge à Ljubljana ;

- la décision de transfert est en contradiction avec les mesures sanitaires prises par les autorités françaises et slovènes ; la décision l'expose avec son nourrisson au risque de contracter le coronavirus ;

- la décision est entachée d'erreur de fait lorsqu'elle mentionne qu'elle n'a pas de justificatifs médicaux et n'a pas vu de médecins en France ; l'administration n'a jamais sollicité de justificatifs médicaux auprès d'elle ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation de vulnérabilité ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

o elle est vulnérable au sens de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de sa qualité de parent isolé, de sa qualité de demandeur d'asile, de l'agression sexuelle dont elle a été victime en Serbie, de ses problèmes de santé et de la présence de son nourrisson qui a besoin d'un suivi particulier ; l'accord des autorités slovènes pour prendre en charge son enfant n'établit pas qu'ils seront correctement pris en charge ;

o elle encourt des risques de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de transfert en Slovénie alors qu'elle a vécu dans ce pays dans des conditions dégradées ; les conditions sont encore plus dégradées du fait de la situation sanitaire ;

o elle encourt un risque de renvoi par ricochet en Erythrée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la date limite de transfert de Mme E... auprès des autorités slovènes a été reportée au 19 avril 2021 ;

- les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les observations de Me B..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... E..., ressortissante érythréenne née en septembre 1990, est entrée en France en mai 2020. Elle a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 15 juin 2020. Par une décision du 28 juillet 2020, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités slovènes pour l'examen de sa demande d'asile. Mme E... relève appel du jugement du 19 octobre 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 juillet 2020.

2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., jeune femme isolée, a mis au monde au début du mois de juillet 2020, quelques jours avant l'arrêté contesté, un petit garçon dont elle a indiqué avoir perdu de vue le père. Il ressort aussi des pièces du dossier, en particulier des documents médicaux produits notamment en appel, que cet enfant nécessite depuis sa naissance une rééducation kinésithérapeutique lourde devant se poursuivre dans la durée. Il ressort également du certificat médical produit en appel que le bébé doit bénéficier, en plus des prises en charge kinésithérapeutiques, d'un cadre spécialement adapté à son développement moteur. Dans ces conditions, compte tenu de la situation de mère isolée d'un très jeune enfant de Mme E... et des soins particuliers nécessités par son nourrisson âgé de quelques semaines à la date de l'arrêté contesté, l'intéressée est fondée à soutenir qu'en ordonnant son transfert auprès des autorités slovènes, le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 28 juillet 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Compte-tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à un mois, de délivrer à Mme E... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale.

Sur les frais du litige :

6. Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me C... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a prononcé le transfert de Mme E... auprès des autorités slovènes et le jugement n° 2008354 du 19 octobre 2020 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à Mme E... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2021.

La rapporteure,

M. D...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00093
Date de la décision : 16/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-16;21nt00093 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award