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31/03/2021 | FRANCE | N°19NT04346

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 31 mars 2021, 19NT04346


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Sur Mer a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le contrat conclu entre la chambre du commerce et d'industrie (CCI) des Côtes-d'Armor et la société les Vedettes de Bréhat portant sur l'autorisation d'occupation temporaire d'une dépendance du domaine public maritime artificiel située sur la pointe de l'Arcouest, à Ploubazlanec.

Par un jugement n° 1702833 du 11 septembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

P

rocédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 novembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Sur Mer a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le contrat conclu entre la chambre du commerce et d'industrie (CCI) des Côtes-d'Armor et la société les Vedettes de Bréhat portant sur l'autorisation d'occupation temporaire d'une dépendance du domaine public maritime artificiel située sur la pointe de l'Arcouest, à Ploubazlanec.

Par un jugement n° 1702833 du 11 septembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 novembre 2019 et le 28 octobre 2020 (non communiqué), la SAS Sur Mer, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 septembre 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler le contrat conclu entre la CCI des Côtes-d'Armor et la société les Vedettes de Bréhat portant sur l'autorisation d'occupation temporaire d'une dépendance du domaine public maritime artificiel située sur la pointe de l'Arcouest, à Ploubazlanec ;

3°) de mettre à la charge de la CCI des Côtes-d'Armor une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur a ajouté, au stade de l'analyse des offres, un critère de sélection des offres, tiré de la plus-value immobilière apportée à l'emplacement du fait des aménagements réalisés par le titulaire ; il est également irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que les critères de la capacité financière et du montant de la redevance proposée ont été prépondérants, contrairement à ce que prévoyait l'appel à projet ;

- la CCI était incompétente pour signer avec la société les Vedettes de Bréhat, l'autorisation d'occupation en litige, dès lors que celle-ci a pour effet de modifier le périmètre, notamment géographique, de la délégation de service public consentie en août 2011 par le département des Côtes-d'Armor à cette société ;

- il n'est pas rapporté la preuve que la CCI a saisi pour avis le conseil portuaire, ni qu'elle a consulté les services de l'Etat pour la délivrance de l'autorisation d'occupation temporaire (AOT), laquelle a une durée supérieure à un an, conformément au contrat de concession conclu entre le département et la CCI des Côtes-d'Armor ; un tel vice est opérant en ce qu'il a un lien direct avec l'intérêt lésé ;

- la procédure d'attribution de l'AOT en litige a méconnu le principe d'impartialité ; M. D..., vice-président du conseil départemental chargé des infrastructures, et membre de la commission d'attribution de la convention litigieuse, a publiquement pris position en faveur de la société les Vedettes de Bréhat, préalablement à la passation du contrat ;

- la procédure d'attribution a méconnu le principe de transparence ; la CCI n'a pas respecté les critères posés par l'appel à projet ; d'une part, l'aménagement pour l'accès aux handicapés ne se rattache pas au critère de la qualité du plan de développement proposé ; d'autre part, le critère de la qualité du modèle économique se distingue de la présence d'un modèle économique éprouvé ; en sa qualité d'attributaire de la délégation de service public, la société les Vedettes de Bréhat a été favorisée ; enfin, le pouvoir adjudicateur a pris en compte le critère de la plus-value immobilière apportée à l'emplacement du fait des aménagements réalisés par le titulaire, lequel n'était pas prévu par l'appel à projet ;

- les critères, relatifs à la sincérité du modèle économique et à la capacité financière, sont discriminatoires ;

- en application du point 6 de l'appel à projet, une négociation aurait dû être organisée avec elle, en sa qualité de candidat pressenti ;

- la CCI a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de son offre s'agissant de la qualité du plan de développement proposé, la qualité du modèle économique et le montant et la structure de la redevance ;

- en délivrant l'autorisation d'occupation temporaire à la société les Vedettes de Bréhat, la CCI a validé une position anti-concurrentielle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2020, la CCI des Côtes d'Armor, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Sur Mer, le versement à son profit de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

La requête a été communiquée à la société les Vedettes de Bréhat, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. La Chambre de commerce et d'industrie (CCI) des Côtes-d'Armor exploite, sur le territoire de la commune de Ploubazlanec, la concession du site portuaire de l'Arcouest dédié à l'embarquement des passagers à destination de l'île de Bréhat. Au mois de février 2017, la CCI a lancé un appel à projet en vue de l'attribution d'une autorisation d'occupation temporaire (AOT) du domaine public maritime départemental portuaire, d'une surface de 27,60 mètres carrés, comportant un local de 15,30 m² et un préau attenant de 12,30 m². La société par actions simplifiée (SAS) Sur Mer, qui exerce une activité de découverte du littoral et de transport à la demande entre l'île de Bréhat et le port de l'Arcouest, s'est portée candidate à l'attribution de cette autorisation. Après délibération de la commission d'attribution, qui s'est réunie le 14 avril 2017, la CCI des Côtes d'Armor l'a informée, par un courrier du 24 avril 2017, que son projet n'avait pas été retenu et que l'autorisation avait été attribuée à la société les Vedettes de Bréhat. La convention d'occupation a été signée le 28 avril 2017. La SAS Sur Mer a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de ce contrat. La SAS Sur Mer relève appel du jugement du 11 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la SAS Sur Mer. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que la CCI des Côtes-d'Armor aurait rajouté des critères ou détourné les critères existants afin d'attribuer la convention d'occupation domaniale aux Vedettes de Bréhat, moyen qu'il a d'ailleurs écarté par des motifs suffisamment précis, en droit et en fait aux points 9 et 10 du jugement attaqué. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. A l'appui du recours ainsi défini, les tiers au contrat autres que le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

4. En premier lieu, la société Sur Mer soutient que la CCI des Côtes-d'Armor était incompétente pour signer la convention contestée, en ce qu'elle modifie le périmètre géographique de la délégation de service public dont est titulaire la société les Vedettes de Bréhat, modification à laquelle seul le département pouvait consentir par avenant. Il résulte toutefois de l'instruction que le contrat litigieux a pour seul objet l'occupation d'une parcelle du domaine public portuaire et ne modifie pas le contrat de délégation de service public accordée en août 2011 à la société les Vedettes de Bréhat. En tout état de cause, le contrat contesté a été co-signé par le directeur des infrastructures du conseil départemental, au nom du président du conseil départemental. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la CCI des Côtes d'Armor pour signer le contrat litigieux ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, la société requérante soutient qu'en application des stipulations du 5.10 du contrat liant le département des Côtes-d'Armor et la CCI des Côtes-d'Armor, le conseil portuaire et les services de l'Etat auraient dû être sollicités pour avis après l'octroi de l'autorisation d'occupation du domaine public. Toutefois, la société Sur Mer ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces stipulations, qui n'ont pas pour objet de produire des effets à l'égard des tiers. En tout état de cause, le vice allégué, qui ne met pas en cause la procédure de mise en concurrence au terme de laquelle le contrat d'occupation du domaine public en litige a été attribué, ne caractérise pas un manquement aux règles applicables à la passation de ce contrat en rapport direct avec l'éviction de la société Sur Mer et n'est pas d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Par suite, le moyen tiré de ce que la CCI n'aurait pas consulté le conseil portuaire et les services de l'Etat doit être écarté comme étant inopérant.

6. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des extraits de presse versés au débat, que M. D..., vice-président du conseil départemental chargé des infrastructures et membre de la commission d'attribution en charge de la sélection des projets, aurait publiquement pris position en faveur de la société les Vedettes de Bréhat concernant l'autorisation litigieuse, préalablement à la passation du contrat. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'attribution de la convention litigieuse a méconnu le principe d'impartialité doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes du point 6 de l'appel à projets, qui fixe les critères de sélection des offres proposées par les candidats : " Les projets seront sélectionnés par une commission d'attribution comportant des représentants du Conseil Départemental Autorité portuaire, de la Région (Autorité organisatrice des transports) et de la CCI en tant qu'exploitant du port, sur la base des critères suivants : / - Qualité du plan de développement proposé (intérêt pour le développement touristique et le service public, prise en compte de l'environnement, mise en place d'éléments pédagogiques à destination du public...) / - Moyens affectés (emploi généré, démarche commerciale éventuelle...) / - Qualité du modèle économique. C'est-à-dire : / Montage juridique / Sincérité du modèle économique dont capacité financière / Compte d'exploitation prévisionnel / - Montant et structure (part fixe et variable) de la redevance proposée / A l'issue de cette sélection, une négociation de finalisation du projet et des contrats sera engagée avec les candidats pressentis (Au maximum les 3 meilleurs candidats pourront être entendus) ".

8. D'une part, il ne résulte pas de ces dispositions que les critères et sous critères de sélection, librement fixés par le pouvoir adjudicateur, et notamment ceux tirés de la sincérité du modèle économique, de la capacité financière du candidat et du montant de la redevance, soient arbitraires, imprécis et dépourvus de lien avec l'objet du contrat.

9. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du courrier du 24 avril 2017 notifié à la société Sur Mer et du compte rendu de la réunion de la commission d'attribution, que pour retenir le projet de la société les Vedettes de Bréhat, la CCI s'est notamment fondée sur son modèle économique éprouvé, sa mise en conformité de l'accueil des handicapés, la circonstance que les locaux actuellement utilisés par cette société pour la billetterie ne permettent pas d'accueillir les personnes handicapées et les groupes dans des conditions satisfaisantes ainsi que sur la plus-value immobilière apportée à l'emplacement du fait des aménagements réalisés. Contrairement à ce que soutient la requérante, de tels motifs, qui caractérisent la méthode d'appréciation des offres, laquelle n'avait donc pas à être communiquée aux candidats, se rattachent aux critères d'attribution fixés au sein des dispositions précitées de l'appel à projet, notamment tirés de la " qualité du modèle économique " et de la " qualité du plan de développement proposé " lequel inclut l'" intérêt pour (...) le service public ", qui ne constituent pas des critères discriminatoires. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la CCI des Côtes-d'Armor aurait rajouté des critères ou détourné les critères existants afin d'attribuer la convention d'occupation domaniale à la société les Vedettes de Bréhat.

10. Enfin, la CCI des Côtes-d'Armor a pu légalement tenir compte de la circonstance que la société les Vedettes de Bréhat est titulaire d'une délégation de service public pour assurer le transport de personnes en desserte directe entre le port de l'Arcouest et l'île de Bréhat, notamment au titre du critère, en lien avec l'objet de l'autorisation en litige, tiré de la " qualité du plan de développement proposé ", dès lors qu'une telle appréciation n'a pas été de nature à priver de portée les critères de sélection en conduisant alors à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre pour un critère donné ou, à ce que, pour l'ensemble des critères, l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas retenue. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'appréciation retenue a eu pour conséquence de favoriser la société les Vedettes de Bréhat, en sa qualité de titulaire d'une délégation de service public.

11. En cinquième lieu, il résulte du point 6 de l'appel à projets, qu'une négociation ne devait être organisée qu'avec les " candidats pressentis " et " à l'issue de la sélection ". Or, il résulte de l'instruction que les notes et appréciations du projet de la société les Vedettes de Bréhat étaient significativement supérieures à celles attribuées aux deux autres candidats à l'attribution de la convention d'occupation en litige, de sorte que seule cette société était pressentie à l'issue de la sélection opérée par la commission d'attribution. Dans ces conditions, la société Sur Mer n'est pas fondée à soutenir qu'une négociation sur la base de son projet aurait dû être menée par la CCI des Côtes-d'Armor.

12. En sixième lieu, la société requérante soutient que l'appréciation portée par la CCI des Côtes-d'Armor sur son projet est entachée d'erreur manifeste au regard des critères de la qualité du plan de développement proposé, du modèle économique, et du montant de la redevance.

13. D'une part, il résulte de l'instruction que la société requérante et la société des Vedettes de Bréhat ont obtenu les notes respectives de 2 points et 3 points, en ce qui concerne la qualité du plan de développement proposé, et les notes respectives de 1 point et 3 points, en ce qui concerne le modèle économique. En se bornant à décrire les mérites de son offre, qu'elle estime en parfaite adéquation avec les attentes du gestionnaire du domaine, ainsi que les bénéfices qu'elle aurait pu tirer de l'octroi de l'autorisation en litige, la société Sur Mer n'établit pas que l'appréciation portée par CCI sur les offres des deux sociétés serait entachée d'une erreur manifeste.

14. D'autre part, en ce qui concerne la redevance proposée, la société requérante et la société les Vedettes de Bréhat ont obtenu les notes respectives de 1 point et 3 points. Il résulte de l'instruction, et notamment du compte rendu de la réunion de la commission d'attribution, que la société Sur Mer a proposé une redevance annuelle fixe de 3 000 euros, complétée par une part variable dégressive de 0,30 centime par billet vendu dans la limite de 5 000, jusqu'à 0,15 centime d'euro par billet vendu à compter de 15 000. La société attributaire a quant à elle proposé une redevance annuelle de 3 000 euros, un complément fixe annuel de 3 000 euros, ainsi qu'une part variable de 3 000 euros si la fréquentation dépasse 385 000 passagers. Dans ces conditions, et compte tenu de la fréquentation raisonnablement attendue, le montant de la redevance garanti pour le délégant, proposée par la société requérante, est significativement inférieur à celui proposé par la société attributaire. Par ailleurs, la circonstance que le montant de la redevance proposée par la société Sur Mer résulte de sa dimension réduite, de la faiblesse de son activité actuelle, et alors que l'attribution de la convention lui aurait permis d'accroître son développement économique, n'est pas de nature à établir que les notes attribuées par la CCI au titre de la redevance seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise dans l'appréciation des offres doit être écarté dans toutes ses branches.

16. En septième lieu, l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l'affectation et la conservation de ce domaine. La décision de délivrer ou non une telle autorisation, que l'administration n'est jamais tenue d'accorder, n'est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique, d'une part, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi et, d'autre part, qu'elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d'un intérêt public. Toutefois, une personne publique ne peut légalement délivrer au profit d'une personne privée une autorisation d'occuper le domaine public aux fins d'y exercer une activité économique lorsque sa décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l'occupant en situation d'abuser d'une position dominante.

17. Ainsi qu'il a été dit au point 10, la société attributaire les Vedettes de Bréhat est titulaire, depuis août 2011, d'une délégation de service public pour le transport des personnes entre le port de l'Arcouest et l'île de Bréhat. En sa qualité de délégataire, cette même société occupe plusieurs parcelles du domaine public portuaire pour l'exercice de son activité, notamment pour sa billetterie et sa gare maritime. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'attribution à la société des Vedettes de Bréhat de la convention d'occupation domaniale litigieuse, portant sur 30 m2, aurait pour effet, par elle-même, de placer celle-ci en situation d'exploiter abusivement la position dominante dont elle est susceptible de bénéficier, en y perturbant notamment de manière significative les conditions d'exercice de la concurrence, sur un marché, qui n'est au demeurant pas clairement défini par la société requérante, et le cas échéant pour une activité de service public dont les Vedettes du Bréhat assurent la charge. Par ailleurs, cette convention d'occupation du domaine public, qui a fait l'objet d'une procédure de mise en concurrence et qui a été conclue pour une durée limitée, est précaire et révocable conformément au droit de la domanialité publique. Il résulte en outre de l'instruction que la requérante bénéficie elle-même d'une autorisation d'occuper le parking du port, depuis 2016, aux fins d'installation de sa propre billetterie. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la délivrance de l'autorisation litigieuse a pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l'occupant en situation d'abuser d'une position dominante.

18. Il résulte donc de tout ce qui précède que la société Sur Mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la convention litigieuse.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la CCI des Côtes d'Armor, laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société Sur Mer, et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière le versement à la CCI des Côtes d'Armor de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Sur Mer est rejetée.

Article 2 : La SAS Sur Mer versera à la CCI des Côtes d'Armor, la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Sur Mer, à la chambre de commerce et d'industrie des Côtes d'Armor et à la société les Vedettes de Bréhat.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

C. POPSE

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

8

N° 19NT04346


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04346
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET COULOMBIE GRAS CRETIN BECQUEVORT ROSIER SOLAND

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-31;19nt04346 ?
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