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30/03/2021 | FRANCE | N°19NT04741

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 30 mars 2021, 19NT04741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 7 mai 2016 par laquelle l'autorité consulaire française en Afghanistan a refusé de lui délivrer ainsi qu'à son épouse et ses huit enfants des visas de long séjour.

Par un jugement n° 1700515 du 4 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 7 mai 2016 par laquelle l'autorité consulaire française en Afghanistan a refusé de lui délivrer ainsi qu'à son épouse et ses huit enfants des visas de long séjour.

Par un jugement n° 1700515 du 4 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 décembre 2019, 25 juin 2020 et 29 juillet 2020, M. A... E... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 7 mai 2016 par laquelle l'autorité consulaire française en Afghanistan a refusé de lui délivrer ainsi qu'à son épouse et ses huit enfants des visas de long séjour ;

3°) d'annuler la décision du 7 mai 2016 par laquelle l'autorité consulaire française en Afghanistan a refusé de lui délivrer ainsi qu'à son épouse et ses huit enfants des visas de long séjour ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour demandés ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité ; l'acquiescement aux faits n'a pas été retenu, en méconnaissance de l'article R. 612-6 du code de justice administrative ;

- la décision attaquée de la commission de recours n'a pas été précédée d'un examen de sa situation particulière et n'est dès lors pas suffisamment motivée ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation, notamment de ses craintes pour sa sécurité et celle de sa famille en raison de ses activités passées comme personnel civil de recrutement local pour les forces françaises.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'autorité consulaire sont irrecevables, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prise sur recours administratif préalable obligatoire s'y étant substituée ;

- aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 4 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 7 mai 2016 par laquelle l'autorité consulaire française en Afghanistan a refusé de lui délivrer ainsi qu'à son épouse et ses huit enfants des visas de long séjour et, d'autre part, de la décision consulaire du 7 mai 2016. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision consulaire du 7 mai 2016 :

2. En se bornant à réitérer en appel ses conclusions tendant à l'annulation de la décision consulaire du 7 mai 2016, M. C... ne conteste pas le motif, par lequel le tribunal n'a pas fait droit à ses conclusions, tiré de ce que la décision de la commission de recours s'est substituée à cette décision. Il suit de là que les conclusions à fin d'annulation de la décision consulaire du 7 mai 2016 doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la commission de recours :

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été employé du 22 août 2009 au 12 juin 2013, par l'économat des armées, soutien des forces françaises stationnées en Afghanistan, en qualité de magasinier du stock central, au camp Warehouse de Kaboul, acheteur et traducteur-interprète. Il n'est pas contesté qu'il était le seul interprète au casernement et que ses fonctions le mettaient en contact direct et quotidien avec la population et les entreprises locales. Il ressort également des pièces du dossier, notamment de plusieurs rapports de police produits particulièrement circonstanciés, que M. C... et sa famille sont l'objet de menaces de mort depuis plusieurs années et de tentative d'extorsion des salaires perçus par l'intéressé au titre de son activité auprès des forces armées françaises. Il ressort des mêmes pièces que le requérant et sa famille ont été victimes d'actes de violence, notamment une tentative d'enlèvement sur un des enfants le 13 octobre 2015 à la sortie de l'école et deux attaques à main armée les 3 avril 2016 et 9 août 2017. Il ressort également des pièces du dossier que ces exactions sont en lien direct avec les anciennes fonctions occupées par M. C... auprès des forces armées françaises. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer les visas de long séjour demandés pour M. C..., son épouse et ses huit enfants. En outre, si la commission de recours a retenu dans sa décision qu'aucune demande de visa n'a été identifiée aux noms de l'épouse de M. C... et de ses enfants, le requérant indique que sa demande de visa mentionnait l'ensemble des membres de sa famille, de même que son recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours, et l'administration, qui seule détient la demande de visas de l'intéressé, n'établit pas que celle-ci concernait seulement M. C....

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que des visas de long séjour soient délivrés à M. C..., à son épouse et à ses enfants. Il y a donc lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ces visas dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. C... de la somme globale de 1 200 euros qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 4 octobre 2019 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Article 2 : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C..., à son épouse et à ses enfants des visas de long séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

Le rapporteur,

C. B...

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT04741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04741
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : THIEBAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-30;19nt04741 ?
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