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30/03/2021 | FRANCE | N°19NT04447

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 30 mars 2021, 19NT04447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... épouse B... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 mars 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 12 décembre 2018 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à Mme B... C... un visa de court séjour ainsi que cette décision consulaire.

Par un jugement n° 1905190 du 19 septembre 2019, le tribu

nal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... épouse B... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 mars 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 12 décembre 2018 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à Mme B... C... un visa de court séjour ainsi que cette décision consulaire.

Par un jugement n° 1905190 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 novembre 2019 et 10 février 2020, Mme C... épouse B... et Mme F... D..., représentées par Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 13 mars 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 12 décembre 2018 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à Mme B... un visa de court séjour ainsi que la décision consulaire du 12 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement contesté du tribunal administratif de Nantes n'est pas suffisamment motivé ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée a été prise en méconnaissance du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen du 13 juillet 2009 établissant un code des visas et de l'article L. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le dossier de demande de visa présenté par Mme B... était complet et comprenait une attestation d'accueil établie par Mme D... et visée par le maire de la commune où elle réside ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de la volonté de Mme B... de quitter le territoire des Etats membres ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation quant à leur situation personnelle et au caractère suffisant de leurs ressources ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance du droit pour l'enfant d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, prévu par l'article 371-4 du code civil, du principe d'égalité prévu par l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur leur situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par les requérantes n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme B... et Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 12 décembre 2018 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à Mme B... un visa de court séjour pour visite familiale ainsi que la décision consulaire du 12 décembre 2018. Mme B... et Mme D... relèvent appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 13 mars 2019 s'est substituée à la décision consulaire du 12 décembre 2018. Il suit de là que les conclusions à fin d'annulation doivent être regardées comme étant dirigées contre la seule décision de la commission de recours et les moyens dirigés contre la décision de l'autorité consulaire doivent être écartés comme inopérants.

3. La commission de recours fonde sa décision sur un double motif tiré, d'une part, de l'insuffisance des ressources de Mme B... et de l'accueillante et, d'autre part, de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.

4. D'une part, l'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations produites en première instance et des bulletins de salaire produits en appel, que Mme B... est employée en qualité d'ouvrière spécialisée par la Société des Produits Nouveaux à Douala depuis 1998 et qu'elle bénéficiait d'un congé sabbatique d'un mois, du 14 décembre 2018 au 12 janvier 2019, dates correspondant à celles de ses billets d'avion, avec reprise du service impérativement le 14 janvier 2019. En outre, si la fille de Mme B... a obtenu la nationalité française et vit en France, ses trois fils vivent au Cameroun ainsi que sept de ses petits-enfants. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B... vit avec un de ses fils, M. E... B..., et deux de ses petits-enfants. Mme B... et M. E... B... ont, par ailleurs, acquis en 2017 un terrain sur lequel ils font construire une maison et les intéressés sont également copropriétaires d'un terrain d'une superficie de 1 000 m², exploité par Mme B... depuis 1970. Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'administration se bornant à relever que Mme B... est âgée de " 58 ans, veuve et ménagère " et qu'elle a un enfant et trois petits-enfants vivant en France, la commission de recours a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.

6. D'autre part, en vertu de l'article L. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois dans le cadre d'une visite familiale ou privée doit présenter un justificatif d'hébergement. Ce justificatif prend la forme d'une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger, ou son représentant légal, et validée par l'autorité administrative. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 pour justifier les conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée. ". Selon l'article L. 211-4 du même code, l'attestation d'accueil " est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa (...) et au cas où l'étranger accueilli n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci, limités au montant des ressources exigées de la part de l'étranger pour son entrée sur le territoire en l'absence d'une attestation d'accueil. ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour. Il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire. Cette preuve peut résulter de la production d'une attestation d'accueil validée par l'autorité compétente et comportant l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour du demandeur, sauf pour l'administration à produire des éléments de nature à démontrer que l'hébergeant se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit.

8. A l'appui de sa demande de visa de court séjour, Mme B... a produit une attestation d'accueil renseignée par sa fille, Mme D..., visée par le maire de la commune de Sevran où l'accueillante réside. L'administration n'apporte aucun élément de nature à démontrer que l'hébergeante se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'elle a ainsi souscrit. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier, notamment de ses avis d'imposition, que Mme D..., mère de trois enfants à charge, qui a déclaré un revenu de 17 589 euros pour l'année 2017 et de 19 046 euros pour l'année 2018, est en mesure d'accueillir sa mère et de subvenir à ses besoins, pour un séjour d'un mois. Par suite, la commission de recours a commis une erreur d'appréciation en fondant sa décision sur le motif tiré de l'insuffisance des ressources de Mme B... et de l'hébergeante.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que Mme B... et Mme D... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, qu'un visa de court séjour soit délivré à Mme B.... Il y a donc lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ce visa à l'intéressée dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme B... et Mme D... de la somme globale de 1 200 euros qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 19 septembre 2019 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 13 mars 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme B... un visa de court séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... et Mme D... une somme globale de 1200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse B..., à Mme F... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président-assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 19NT04447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04447
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : LOUAFI RYNDINA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-30;19nt04447 ?
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