Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 septembre 2019, 19 juin 2020 et 11 août 2020, la société Parc du Moulin de Feugères, représentée par la société d'avocats Ravetto Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel la préfète d'Eure-et-Loir a rejeté sa demande d'autorisation environnementale présentée pour l'installation d'un parc de huit éoliennes sur le territoire des communes de Bouville, Alluyes, Montboissier et Luplanté, ainsi que la décision implicite du ministre de la transition écologique rejetant son recours hiérarchique ;
2°) d'enjoindre à la préfète d'Eure-et-Loir de réexaminer sa demande d'autorisation environnementale et de solliciter un nouvel avis du ministère de la défense dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en fait et en droit ;
- les avis du ministre de la défense sur lesquels se fonde l'arrêté litigieux sont entachés d'un défaut de base légale et d'une erreur d'appréciation ; par suite, le ministre en se fondant sur ces avis a commis une erreur de droit.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 juin 2020 et 15 juillet 2020, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'aviation civile ;
- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;
- l'arrêté du 13 novembre 2009, relatif à la réalisation du balisage des éoliennes situées en dehors des zones grevées de servitudes aéronautiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour la société Parc du Moulin de Feugères.
Une note en délibéré présentée pour la société Parc du Moulin de Feugères a été enregistrée le 18 mars 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 22 mars 2019, la préfète d'Eure-et-Loir a rejeté la demande d'autorisation environnementale présentée par la société Parc du Moulin de Feugères pour l'installation d'un parc de huit éoliennes sur le territoire des communes de Bouville, Alluyes, Montboissier et Luplanté. La société Parc du Moulin de Feugères demande l'annulation de cet arrêté ainsi que celle de la décision implicite du ministre de la transition écologique rejetant son recours hiérarchique.
2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. ". Aux termes de l'article L. 181-1 du même code : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / (...) 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1. (...) ". La rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement prévoit qu'est soumise à autorisation une " installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs, comprenant au moins un aérogénérateur dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol est supérieure ou égale à 50 m ". Aux termes de l'article R. 181-32 du même code : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / (...) 2° Le ministre de la défense, y compris pour ce qui concerne les radars et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR) relevant de sa compétence ; / (...) ". Aux termes, enfin, de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / (...) 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; / (...) La décision de rejet est motivée. ".
3. Aux termes de l'article L. 515-45 du code de l'environnement : " Un décret en Conseil d'Etat précise les règles d'implantation des installations de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent vis-à-vis des installations militaires et des équipements de surveillance météorologique et de navigation aérienne, sans préjudice des articles L. 6350-1 à L. 6352-1 du code des transports. ". Aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. (...) ".
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué du préfet d'Eure-et-Loir refusant la délivrance de l'autorisation environnementale vise les dispositions précitées du 2° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement et les deux avis défavorables émis, les 23 octobre 2018 et 15 janvier 2019, par le ministre de la défense, en application des dispositions précédemment citées de l'article R. 181-32 du code de l'environnement, qui font état des contraintes radioélectriques liées à la navigation aérienne compte tenu de la présence du radar des forces armées de Châteaudun. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé doit être écarté comme manquant en fait.
5. En second lieu, si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.
6. Il résulte des termes mêmes des avis défavorables mentionnés ci-dessus que le ministre de la défense s'est fondé, pour rendre ces avis, notamment, sur l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation et sur l'arrêté du 13 novembre 2009 relatif à la réalisation du balisage des éoliennes situées en dehors des zones grevées de servitudes aéronautiques. En outre, le ministre de la défense a pu, sans commettre d'illégalité prendre en compte, pour apprécier les risques de perturbations, lesquels ne sont nullement contestés, affectant l'efficacité du radar des forces armées de Châteaudun, l'étude réalisée par l'Agence nationale des fréquences dans son rapport CCE5 n° 2 d'avril 2006 dont certains éléments sont énoncés dans l'" Annexe I - Cartographie des contraintes radioélectriques relatives au radar des forces armées de Châteaudun " et l'" Annexe II - Définitions des zones de protection et de coordination de l'ensemble des radars des forces armées appliquées depuis janvier 2010 ", qui accompagnent le premier avis défavorable du 23 octobre 2018. Par ailleurs, la société requérante ne conteste pas que le parc éolien projeté ne respecte pas les distances de séparation angulaire par rapport à un autre parc éolien, ni que l'une des éoliennes (E8) se situe dans la zone d'exclusion des 5 kilomètres de sorte que le projet présente des risques importants de perturbation du fonctionnement du radar des forces armées de Châteaudun. Si, à la suite du premier avis défavorable émis le 23 octobre 2018 par le ministre de la défense, la société Parc du Moulin de Feugères a proposé la mise en place d'un radar dit " fill-in " en vue de compenser les pertes de détection liées à la proximité des éoliennes, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la technologie de ce type de radar n'est pas homologuée pour être reliée au " système de traitement et de représentation des informations de défense aériennes " (STRIDA) utilisé par les armées. Enfin, la société requérante ne peut, en tout état de cause, invoquer le caractère inopposable de la circulaire interministérielle du 3 mars 2008 recommandant des zones de protection et de coordination pour limiter l'effet des éoliennes sur les radars, dès lors que les avis litigieux du ministre de la défense ne sont pas fondés sur cette circulaire. Par suite, les moyens tirés de ce que les avis du ministre de la défense seraient entachés d'un défaut de base légale et d'une erreur d'appréciation doivent être écartés. Dès lors, le préfet était tenu de refuser l'autorisation sollicitée par la société Parc du Moulin de Feugères.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Parc du Moulin de Feugères n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2019 ainsi que celle de la décision du ministre rejetant son recours hiérarchique. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Parc du Moulin de Feugères est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc du Moulin de Feugères et au ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, président-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.
Le rapporteur,
C. A...
Le président-assesseur,
C. BUFFET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03699