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19/03/2021 | FRANCE | N°20NT01545

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 mars 2021, 20NT01545


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... et Jeanne A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 août 2019 par laquelle le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé le 2 août 2019 contre la décision des autorités consulaires françaises au Cameroun rejetant leurs demandes de visa de court séjour.

Par une ordonnance n° 1911072 du 6 février 2020, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Na

ntes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... et Jeanne A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 août 2019 par laquelle le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé le 2 août 2019 contre la décision des autorités consulaires françaises au Cameroun rejetant leurs demandes de visa de court séjour.

Par une ordonnance n° 1911072 du 6 février 2020, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mai 2020, M. et Mme A..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 6 février 2020 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de leur délivrer les visas sollicités ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les autorités consulaires n'ont pas procédé à un examen sérieux de leur dossier ;

- ils n'ont pas été invités à exposer par écrit leur situation ;

- la décision consulaire souffre d'un défaut de motivation ;

- ils disposent de moyens de subsistance suffisants pour la durée de leur séjour ;

- le motif tiré du risque migratoire est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont méconnues.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'en se fondant pour rejeter la demande de première instance sur les dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Nantes a entaché l'ordonnance d'incompétence.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... relèvent appel de l'ordonnance du 6 février 2020 par laquelle le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2019 du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant comme manifestement mal fondé leur recours préalable obligatoire contre les refus opposés par les autorités consulaires françaises à leurs demandes de visa de court séjour.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. / (...) ".

3. Pour rejeter par ordonnance la demande de M. et Mme A... sur le fondement des dispositions précitées, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Nantes a jugé que, d'une part, le moyen tiré de ce qu'ils n'avaient pas l'intention de se maintenir sur le territoire au-delà de la durée de validité de leurs visas n'était pas utilement invocable, faute pour les intéressés de contester le caractère manifestement mal fondé de leur recours préalable obligatoire et que, d'autre part, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'était manifestement pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

4. En premier lieu, l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". Aux termes du premier alinéa de l'article D. 211-6 du même code : " Les recours devant la commission doivent être formés dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de refus. Ils doivent être motivés et rédigés en langue française. Ils sont seuls de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention des décisions prévues à l'article D. 211-9. ". L'article D. 211-9 de ce code prévoit : " La commission peut soit rejeter le recours, soit recommander au ministre des affaires étrangères et au ministre chargé de l'immigration d'accorder le visa demandé. / Le président de la commission peut rejeter, sans réunir la commission, les recours manifestement (...) mal fondés. ".

5. Lorsque le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejette, sur le fondement de l'article D. 211-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le recours administratif prévu à l'article D. 211-5 comme manifestement mal fondé, cette décision doit être regardée comme fondée sur les mêmes motifs que ceux du refus de visa opposé par les autorités diplomatiques ou consulaires auquel elle se substitue. La circonstance que le demandeur de visa qui conteste une telle décision du président de la commission devant le juge ne discute pas du caractère mal fondé de son recours administratif n'a pas pour effet de rendre inopérants les moyens contestant les motifs du refus de visa consulaire. Par suite, c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur cette circonstance pour écarter comme inopérant le moyen tiré par les requérants de ce qu'ils ont sollicité la délivrance de visas de court séjour afin d'assister au mariage de leur petite fille et qu'ils ne souhaitent pas s'installer en France puisqu'ils ont des attaches matérielles dans leur pays d'origine, alors que, ce faisant, les requérants ont utilement contesté l'un des motifs invoqués par l'autorité consulaire, tiré de ce que leur volonté de quitter le territoire français avant l'expiration du visa n'était pas établie, motif que s'était approprié, par la décision contestée, le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

6. En second lieu, à l'appui de leur moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. et Mme A... ont fait état du mariage de leur petite-fille, de la nationalité française d'enfants et petits-enfants ainsi que des contraintes matérielles auxquelles se heurte leur famille pour les visiter au Cameroun. Ainsi, le moyen ne pouvait être regardé comme manifestement non assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé au sens des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

7. Il suit de là que la demande de M. et Mme A... ne pouvait être rejetée par une ordonnance prise sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. L'ordonnance attaquée est, par suite, entachée d'incompétence et doit être annulée.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

9. Par la décision attaquée, le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté comme manifestement mal fondé le recours formé contre les refus que les autorités consulaires ont opposé aux demandes de visa de M. et Mme A... au motif, notamment, que leur volonté de quitter le territoire des Etats membres avant l'expiration des visas n'était pas établie.

10. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A..., nés respectivement en 1941 et 1946, ont sollicité la délivrance de visas de court séjour en vue d'assister au mariage de leur petite-fille et de visiter d'autres membres de leur famille de nationalité française. Ils ont déjà par le passé bénéficié de visas de court séjour puis sont retournés dans leur pays où se trouvent leurs autres attaches familiales. M. A... perçoit au Cameroun une pension de retraite supérieure au salaire moyen. Il est, par ailleurs, propriétaire foncier. Son épouse exerce des responsabilités au sein d'une communauté religieuse. Aucun élément au dossier ne permet de douter de l'intention des requérants de quitter le territoire français avant l'expiration des visas demandés ni, par suite, d'établir l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires. Dès lors, ce motif ne peut légalement fonder les refus de visa en litige. Il ne résulte pas de l'instruction que le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait rejeté le recours de M. et Mme A... comme manifestement mal fondé s'il ne s'était pas approprié ce motif erroné et avait seulement retenu l'absence de preuve de moyens de subsistance suffisants.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la demande, que M. et Mme A... sont fondés à demander l'annulation de la décision du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 9 août 2019.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Eu égard aux motifs sur lequel le présent arrêt se fonde, son exécution n'implique pas nécessairement que le ministre de l'intérieur délivre à M. et Mme A... les visas sollicités. Les conclusions des requérants présentées à cette fin doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer leurs demandes dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

14. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A... de la somme de 1 400 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Nantes du 6 février 2020 et la décision du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 9 août 2019 sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen des demandes de visa de M. et Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... la somme de 1 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et Jeanne A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 23 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président de chambre,

Mme Douet, président assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mars 2021.

Le rapporteur,

K. B...

Le président,

A. PEREZLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT001545


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01545
Date de la décision : 19/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : KEUFAK TAMEZE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-19;20nt01545 ?
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