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18/03/2021 | FRANCE | N°20NT00859

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 mars 2021, 20NT00859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 avril 2019 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à se présenter chaque vendredi à 11 heures au commissariat de police de Laval.

Par un jugement n° 1905199 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
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Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mars 2020 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 avril 2019 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à se présenter chaque vendredi à 11 heures au commissariat de police de Laval.

Par un jugement n° 1905199 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mars 2020 et 1er octobre 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) demande qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros à Me D... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- le préfet a méconnu les stipulations du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien en estimant que sa fille pouvait avoir un accès effectif à des soins en Algérie ;

- la décision méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 3 août 2020, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne, née le 10 septembre 1983, est entrée en France le 25 août 2017 sous couvert d'un visa de court séjour avec son époux et leurs trois enfants. Elle a donné naissance à un quatrième enfant le 21 mars 2018 à Laval. Elle a sollicité, le 10 octobre suivant, la délivrance d'un certificat de résident sur le fondement du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 16 avril 2019, le préfet de la Mayenne a pris à son encontre un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a astreinte à se présenter le vendredi à 11 heures au commissariat de police de Laval et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 30 janvier 2020, le tribunal a rejeté sa demande. Mme B... fait appel de ce jugement.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien (...) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un certificat de résidence. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un certificat de résidence dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Mme B... a demandé un certificat de résidence afin de rester auprès de sa fille A..., née le 16 mai 2012, pendant que celle-ci est soignée en France. Par un avis du 5 avril 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a indiqué que, si la fille de Mme B... nécessite un traitement médical dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant A... est atteinte d'autisme grave et a été reconnue handicapée avec un taux d'incapacité supérieur ou égal 80 % le 9 octobre 2018, ce qui a entraîné un accompagnement par une auxiliaire de vie scolaire individuelle sur tous les temps de présence dans l'établissement scolaire. Elle était inscrite à l'école maternelle pour les années 2017-2018 et 2018-2019, avec un temps de scolarisation limité le matin, A... se rendant ponctuellement dans les classes. Elle a été admise dans un institut médico-éducatif / section autisme et troubles envahissants du développement (SATED) à compter de la rentrée 2019, soit postérieurement à l'arrêté contesté. Elle est suivie au centre médico-psychologique de Laval depuis le mois d'août 2018. Si Mme B... soutient que l'autisme n'est pas correctement pris en charge en Algérie, elle ne produit que des articles de presse mentionnant notamment une carence des moyens et des retards dans la prise en charge, et une lettre de l'association Adapei du 2 avril 2020 se bornant à indiquer qu'un dispositif médico-social pluridimensionnel est nécessaire pour l'enfant A..., alors que le préfet produit également des articles de presse de 2016 et 2018 mentionnant de nouveaux outils de diagnostics de l'autisme, l'ouverture de dix-sept services de pédopsychiatrie, d'un centre national pour enfants autistes à Oran ainsi que d'une école pour enfants autistes à Tizi-Ouzou et qu'en 2016 un programme national de prise en charge de l'autisme a été lancé en Algérie. Ainsi, les éléments produits par la requérante ne suffisent pas à infirmer l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Mme B... est entrée en France le 25 août 2017, soit moins de deux ans avant la date de l'arrêté contesté. Elle a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 34 ans et il n'est pas établi qu'elle n'y aurait plus d'attaches personnelles et familiales. Si elle est divorcée depuis le 4 février 2019, son ex-mari étant retourné en Algérie, rien ne fait obstacle à ce qu'elle reconstitue une cellule familiale en Algérie, dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué que ses enfants ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité et que, comme il a été dit au point 4, l'enfant A... pourra également bénéficier effectivement d'une prise en charge appropriée en Algérie. Par conséquent, alors même qu'un de ses enfants est né en France en 2018 et que Mme B... effectuerait des activités de bénévolat, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 25 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.

La rapporteure,

P. F...

Le président,

J-E. Geffray

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00859
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-18;20nt00859 ?
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