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18/03/2021 | FRANCE | N°19NT02533

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 mars 2021, 19NT02533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Hôtels et casino de Deauville a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, la décision du 8 janvier 2018 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Calvados a rejeté sa demande d'agrément de dépenses de travaux et d'équipement à caractère immobilier ouvrant droit à l'abattement supplémentaire sur les produits bruts des jeux pour des montants de 356 107,10 euros, 1 420 893,50 euros et 1 336 247,76 euros et, d'autre part, l'arrêté du

2 février 2018 par lequel le préfet du Calvados a partiellement rejeté sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Hôtels et casino de Deauville a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, la décision du 8 janvier 2018 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Calvados a rejeté sa demande d'agrément de dépenses de travaux et d'équipement à caractère immobilier ouvrant droit à l'abattement supplémentaire sur les produits bruts des jeux pour des montants de 356 107,10 euros, 1 420 893,50 euros et 1 336 247,76 euros et, d'autre part, l'arrêté du 2 février 2018 par lequel le préfet du Calvados a partiellement rejeté sa demande d'agrément de dépenses de travaux et d'équipement à caractère immobilier ouvrant droit à l'abattement supplémentaire sur les produits bruts des jeux pour un montant de 817 279,29 euros.

Par un jugement nos 1800510, 1800511, 1800512 et 1800794 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 juin 2019, 17 septembre 2020 et 15 janvier 2021, la SA Hôtels et casino de Deauville, représentée par Me B... et Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision et cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le gouvernement n'aurait pas dû prendre le décret du 29 mai 1997 compte tenu de ce que la loi de finances rectificative du 30 décembre 1995 ne prévoit pas l'intervention d'un décret pour son exécution ;

- l'article 9 du décret du 29 mai 1997 est contraire à la loi 30 décembre 1995 dans la mesure où le décret a un champ d'application plus restreint ; ce texte ne prend pas en compte les dépenses de désamiantage, de curage et de mise en conformité des lieux aux nouvelles réglementations écologiques et vient limiter l'incitation fiscale prévue par la loi ;

- il y a lieu d'écarter les dispositions du décret du 29 mai 1997 pour appliquer une approche comptable de l'éligibilité des dépenses à caractère immobilier ;

- l'administration aurait dû retenir les dépenses pour frais d'études, d'autorisation, de plans, de notes de calcul, de balisage, de préparation, d'installation et de protection des ouvrages, de démolition, de dépose, de nettoyage, d'évacuation des gravats, de désamiantage, de transport, de luminaires, d'électricité, d'éléments de salle de bains, de tringles et têtes de lit, de tissus, de cordons HDMI, de refixation d'une volige, d'installation de climatisation, d'installation de chantier, de nettoyage, de prestations intellectuelles, de dépose et pose de sanitaires, d'autres déposes et de curage ;

- elle se prévaut de l'instruction n° 98-047-T34 du 18 mars 1998 qui précise les modalités d'application de l'article 34 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1995.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 août et 17 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SA Hôtels et casino de Deauville ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 95-1347 du 30 décembre 1995 portant loi de finances rectificative pour 1995 ;

- le décret n° 97-663 du 29 mai 1997 pris pour l'application de l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Mes B... et D..., et représentant la SA Hôtels et casino de Deauville.

Considérant ce qui suit :

1. Afin de bénéficier de l'abattement supplémentaire sur le produit brut des jeux prévu par l'article 34 de la loi n° 95-1347 du 30 décembre 1995 portant loi de finances rectificative pour 1995, la société anonyme (SA) Hôtels et casino de Deauville, qui exploite les hôtels Royal, du Golf et Normandy, a sollicité du préfet du Calvados l'agrément préalable de ses dépenses d'équipement hôtelier et d'entretien. Par un arrêté du 28 octobre 2013, le préfet a agréé ces dépenses à hauteur de 3 708 691 euros pour l'hôtel Royal, 4 254 334 euros pour l'hôtel du Golf et 846 159 euros pour l'hôtel Normandy. Puis, par décision du 4 janvier 2018, le directeur départemental des finances publiques du Calvados lui a accordé un abattement supplémentaire définitif à hauteur de 1 336 247,76 euros pour la saison des jeux 2015-2016, de 1 420 893,50 euros pour la saison des jeux 2014-2015 et de 356 107,10 euros pour la saison des jeux 2015-2016 au titre des dépenses à caractère immobilier respectivement effectuées dans les hôtels Royal, du Golf et Normandy. Par un arrêté du 2 février 2018, le préfet a accordé un nouvel agrément. Par cet arrêté et cette décision, le préfet et le directeur départemental des finances publiques du Calvados ont respectivement rejeté le surplus des dépenses en estimant que celles-ci ne présentaient pas un caractère immobilier. La SA Hôtels et casino de Deauville a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 4 janvier 2018 et l'arrêté du 2 février 2018. Par un jugement du 24 avril 2019, le tribunal a rejeté cette demande. La société relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 34 de la loi n° 95-1347 du 30 décembre 1995 portant loi de finances rectificative pour 1995 dans sa version résultant de la loi n°2014-1655 du 29 décembre 2014 : " Les casinos peuvent également bénéficier d'un abattement supplémentaire de 5 p. 100 sur le produit brut des jeux correspondant aux dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien à caractère immobilier qu'ils réalisent dans les établissements thermaux et hôteliers leur appartenant ou appartenant à une collectivité territoriale et dont ils assurent la gestion. Ces établissements doivent être situés dans la commune ou les communes limitrophes. L'abattement est plafonné à 1 060 000 euros par an et par casino et ne peut excéder 50 p. 100 du montant de chaque opération d'investissement réalisée. Le bénéfice de cet abattement ne restera acquis qu'à la condition que le casino détienne ou assure la gestion de l'établissement thermal ou hôtelier en lui maintenant sa destination thermale ou hôtelière, pendant une durée ne pouvant être inférieure à quinze ans à partir de la date d'achèvement des travaux. ".

3. Aux termes de l'article 8 du décret n° 97-663 du 29 mai 1997 pris pour l'application de l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1995 : " Pour ouvrir droit au bénéfice de l'abattement supplémentaire prévu au présent titre, les dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien doivent : a) Présenter un caractère immobilier ; (...) e) Avoir été préalablement agréées dans les conditions fixées ci-après ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " En ce qui concerne les dépenses d'équipement, et d'entretien, dont la construction, les travaux et équipements susceptibles d'ouvrir droit au bénéfice de l'abattement supplémentaire prévu à l'article 34 de la loi de finances du 30 décembre 1995 susvisée, sont : I. - Les travaux de gros oeuvre, immeubles par nature, afférents aux établissements proprement dits ou à leurs annexes et dépendances ; II. - Les équipements considérés comme les accessoires ou les compléments des travaux de gros oeuvre, qui ne peuvent être détachés sans détérioration grave ou révélant par leur genre de construction, leur importance et leurs caractéristiques particulières, le but spécial dans lequel ils ont été construits : Lorsque les travaux et équipements sont effectués dans des immeubles affectés à plusieurs usages, seuls ceux concernant les locaux et installations exclusivement affectés à l'exploitation hôtelière ou de restauration seront pris en compte". Aux termes de l'article 10 du même décret : " Les demandes d'agrément visées à l'article 8 ci-dessus sont établies pour chaque établissement bénéficiaire et sont adressées par les casinos au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques, au plus tard trois mois avant la clôture de la saison de rattachement souhaitée, accompagnées d'un devis détaillé des travaux, pour les dépenses d'équipement et d'entretien ". Aux termes de l'article 11 de ce décret : " Les agréments visés à l'article 10 ci-dessus sont accordés par le préfet après avis du maire de la commune siège du casino et sur avis conforme du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publique (...) ". Aux termes de l'article 14 du même décret : " Après la réalisation du projet et prise en charge des dépenses correspondantes, le casino doit, pour bénéficier de l'abattement supplémentaire sur le produit brut des jeux, adresser au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques une demande portant référence à la décision d'agrément. Cette demande doit être appuyée : D'un état descriptif des travaux. De plus si l'établissement hôtelier ou thermal appartient à la collectivité territoriale, il devra comporter certification de la réalisation et de la période d'exécution de ces travaux ainsi que du justificatif de versement de la subvention ; Des factures et mémoires correspondants dûment acquittés(...).". Aux termes de l'article 15 du décret : " Sous réserve des contrôles prévus à l'article 14 ci-dessus, le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques arrête le montant de l'abattement accordé aux casinos. Cet abattement de 5 % sur le produit brut des jeux est plafonné à 1 060 000 euros, par an et par casino, et ne peut excéder 50 % du montant de chaque opération d'investissement réalisée (...) ".

Sur les exceptions d'illégalité :

4. En premier lieu, la société requérante soutient que le décret n° 97-663 du 29 mai 1997, en prévoyant qu'en ce qui concerne les dépenses d'équipement, et d'entretien, dont la construction, les travaux et équipements susceptibles d'ouvrir droit au bénéfice de l'abattement supplémentaire prévu à l'article 34 de la loi de finances du 30 décembre 1995, sont, d'une part, les travaux de gros oeuvre, immeubles par nature et, d'autre part, les équipements considérés comme les accessoires ou les compléments des travaux de gros oeuvre, qui ne peuvent être détachés sans détérioration grave ou révélant, par leur genre de construction, leur importance et leurs caractéristiques particulières, le but spécial dans lequel ils ont été construits, a un champ d'application plus restreint que celui de la loi selon laquelle les dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien à caractère immobilier sont susceptibles d'ouvrir droit au bénéfice de l'abattement supplémentaire de 5% sur le produit brut des jeux correspondant à ces dépenses. Toutefois, dans le cadre du pouvoir d'exécution des lois qui lui est reconnu par l'article 21 de la Constitution, le premier ministre a pu prendre ces dispositions du décret pour préciser la portée des dispositions de l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1995, eu égard aux objectifs fixés par ces dispositions.

5. En second lieu, le moyen tiré de ce qu'il y a lieu d'écarter les dispositions du décret du 29 mai 1997 pour une application comptable de l'éligibilité des dépenses à caractère immobilier est dépourvu de précisions.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la décision du directeur départemental des finances publiques du Calvados du 4 janvier 2018 relative à l'abattement supplémentaire définitif pour dépenses d'équipement et d'entretien à caractère immobilier prises en charge par la SA Hôtels et casino de Deauville :

6. Les dépenses pour frais d'études, d'autorisation, de plans, de notes de calcul, de balisage, de préparation, d'installation et de protection des ouvrages, de démolition, de dépose, de nettoyage, d'évacuation des gravats, de désamiantage, de curage et de transport ne constituent pas par elles-mêmes des dépenses de gros-oeuvre ni des dépenses d'équipements considérés comme des accessoires ou des compléments de gros oeuvre au sens de l'article 34 de la loi du 30 décembre 1995 et des articles 8 et 9 du décret du 29 mai 1997.

7. Les dépenses de luminaires et d'électricité dans les hôtels Royal et du Golf, d'éléments de salle de bains, de tringles, de têtes de lit, de tissus et de cordons HDMI dans l'hôtel Royal, qui ne concernent pas des travaux de gros oeuvre, ne sauraient davantage être regardées, au vu des photographies produites par la société requérante, comme engagées, au sens des dispositions du II de l'article 9 du décret du 29 mai 1997, pour la réalisation d'équipements accessoires ou de compléments des travaux de gros oeuvre ne pouvant en être détachés sans détérioration grave ou révélant, par leur genre de construction, leur importance et leurs caractéristiques particulières, le but spécial dans lequel ils ont été construits

8. S'agissant des dépenses d'installation de la climatisation de l'hôtel Normandy, seule la zone 13 a fait l'objet de l'agrément du 28 octobre 2013 selon les derniers documents produits en dernier lieu. Ainsi, les dépenses de même nature en zone 11 n'ont pas fait l'objet de l'agrément préalable du 28 octobre 2013. Elles ne sauraient être retenues compte tenu des dispositions du e de l'article 8 du décret du 29 mai 1987 qui énoncent que pour ouvrir droit au bénéfice de l'abattement supplémentaire, les dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien doivent avoir été préalablement agréées dans les conditions énoncées à l'article 10 du même décret. S'agissant des dépenses similaires effectuées dans l'hôtel Royal, la société requérante ne justifie pas non plus, par les documents qu'elle produit, que ces dépenses ont fait l'objet d'un agrément préalable.

En ce qui concerne l'arrêté du préfet du Calvados du 2 février 2018 portant agrément de dépenses d'équipement hôtelier :

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les dépenses de refixation d'une volige dans l'Hôtel Royal et les dépenses d'installation de chantier, de nettoyage, de démolition, de prestations intellectuelles, de dépose et pose de sanitaires, d'autres déposes et de curage dans l'Hôtel du Golf ne doivent pas être retenues en l'absence de tout caractère immobilier de ces dépenses.

10. La SA Hôtels et casino de Deauville n'a pas d'intérêt pour agir contre le refus d'agréer des dépenses pour l'hôtel Normandy dès lors que la demande d'agrément a été présentée par une autre société.

11. Le moyen tiré d'une interprétation administrative de la loi fiscale par une circulaire de l'administration, invoqué par la société requérante sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, est inopérant devant le juge de l'excès de pouvoir. Par suite, la société ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni de l'instruction n° 98-047-T34 du 18 mars 1998 qui précise les modalités d'application de l'article 34 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1995 ni du paragraphe 20 du BOI-BIC-AMT-10-30-3-0-10.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Hôtels et casino de Deauville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Hôtels et casino de Deauville est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Hôtels et casino de Deauville et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 25 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. C..., président,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021

Le président-rapporteur,

J.-E. C...

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau

H. Brasnu

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02533
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL DADI RENOUX DE MANNEVILLE SAVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-18;19nt02533 ?
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