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23/02/2021 | FRANCE | N°20NT02965

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 23 février 2021, 20NT02965


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 29 juillet 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2008523 du 4 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2020, M. C... A..., représenté par Me D..., demande à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 septembre 2020 ;

2°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 29 juillet 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2008523 du 4 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2020, M. C... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 septembre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 29 juillet 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé dans un délai de 48 heures, ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa demande d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 48 heures, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier sauf à démontrer qu'il a été signé par la magistrate et la greffière ; il n'a pas été répondu aux moyens opérants tirés de l'irrégularité de la procédure, au regard de l'article 23 du règlement dit Dublin III en raison de l'absence de preuve de l'accord des autorités italiennes donné au transfert et de la méconnaissance de l'application combinée de l'article L. 111-7 et du 1° de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'absence de mention dans la décision de transfert de la langue parlée par M. A... et du fait qu'il sache lire ; subsidiairement, le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu dès lors que le jugement se réfère à un document en langue anglaise ;

- la décision de transfert est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement cité eu égard aux conditions matérielles d'accueil en Italie et à sa propre situation ;

- la décision d'assignation à résidence est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant soudanais né le 2 mai 1997, est entré irrégulièrement en France le 10 juin 2020 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 10 juillet 2020. Ayant considéré que les autorités italiennes étaient responsables de l'instruction de sa demande d'asile, le préfet les a saisies, le 16 juillet 2020, d'une demande de transfert de M. A... à laquelle elles ont explicitement accédé le 28 juillet suivant. Par deux arrêtés du 29 juillet 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, le transfert de M. A... aux autorités italiennes et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours. Par un jugement du 4 septembre 2020, dont M. A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France en juin 2020 en provenance d'Italie, a peu après nécessité des soins. Un premier diagnostic a permis d'établir qu'il présentait une infection au VIH et des explorations ultérieures ont attesté qu'il présentait également une tuberculose pulmonaire justifiant des traitements médicamenteux, pour certains quotidiens et ne devant pas être interrompus, ainsi qu'un suivi spécialisé rapproché effectué au CHU de Nantes. Ces éléments médicaux circonstanciés, s'ils ont été présentés pour la première fois devant la cour, ont trait à une situation sanitaire qui prévalait à la date de la décision préfectorale contestée. Par ailleurs, il résulte de divers rapports publics d'organismes humanitaires que l'Italie, confrontée à un afflux massif de réfugiés, ne peut assurer correctement à toutes les personnes vulnérables la prise en charge, les soins ou le suivi médical que requiert leur état spécifique. Par suite, eu égard à la particulière vulnérabilité de M. A... et aux risques personnels en résultant pour sa santé, le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision de transfert en Italie du 29 juillet 2020 d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé en ne faisant pas usage de la faculté d'instruire sa demande d'asile en France en application des dispositions précitées du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 29 juillet 2020 décidant son transfert aux autorités italiennes, ainsi que, par voie de conséquence, de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de transfert en Italie du 29 juillet 2020. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, dans un délai de quinze jours à compter de la mise à disposition du présent arrêt, d'enregistrer la demande d'asile de M. A... en procédure normale et de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile afférente prévue par l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'imprimé mentionné à l'article R. 723-1 du même code lui permettant de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2008523 du 4 septembre 2020 du tribunal administratif de Nantes et les deux arrêtés du 29 juillet 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé de transférer M. C... A... aux autorités italiennes et d'autre part l'a assigné à résidence, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire, dans un délai de quinze jours à compter de la mise à disposition du présent arrêt, d'enregistrer la demande d'asile de M. A... en procédure normale et de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile afférente prévue par l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'imprimé mentionné à l'article R. 723-1 du même code lui permettant de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Article 3 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. C... A..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 16 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.

Le rapporteur,

C. B...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02965


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02965
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : PHILIPPON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-02-23;20nt02965 ?
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