Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL AECP Conseil a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en premier lieu, d'annuler les titres exécutoires n° 1287 émis le 22 décembre 2017 pour un montant de 2 558,40 euros, n° 1288 émis le 22 décembre 2017 pour un montant de 1 844,70 euros, n° 1289 émis le 22 décembre 2017 pour un montant de 1 142,70 euros, n° 1290 émis le 22 décembre 2017 pour un montant de 8 502 euros, n° 230 émis le 26 avril 2018 pour un montant de 3 950,70 euros et n°231 émis le 26 avril 2018 pour un montant de 11 251,50 euros, en deuxième lieu, de mettre à la charge de la commune de Fleury-les-Aubrais la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1802414 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la SARL AECP Conseil.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2020, la SARL AECP Conseil, représentée par Me A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 décembre 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler les titres exécutoires n° 1287 émis le 22 décembre 2017 pour un montant de 2 558,40 euros, n° 1288 émis le 22 décembre 2017 pour un montant de 1 844,70 euros, n° 1289 émis le 22 décembre 2017 pour un montant de 1 142,70 euros, n° 1290 émis le 22 décembre 2017 pour un montant de 8 502 euros, n° 230 émis le 26 avril 2018 pour un montant de 3 950,70 euros, n° 231 émis le 26 avril 2018 pour un montant de 11 251,50 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Fleury-les-Aubrais la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les titres de recette exécutoires ne mentionnent pas les bases de liquidation des créances, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- ils ne comportent pas de signature, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- les titres de recette exécutoires sont dénués de fondement dès lors que le contrat signé avec la commune de Fleury-les-Aubrais doit être déclaré nul, d'une part, en raison de l'absence de cause du contrat qui eu égard à ses conditions économiques ne revêt pas un caractère onéreux pour la commune et, d'autre part, en ce que son consentement a été vicié car elle a été induite en erreur du fait de l'absence de communication par la commune des tarifs antérieurement pratiqués ;
- le versement des créances invoquées aboutirait à un enrichissement sans cause de la commune au détriment de la société ainsi appauvrie.
Par un mémoire, enregistré le 30 avril 2020, la commune de Fleury-les-Aubrais, représentée par Me B..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête de la SARL AECP Conseil, à titre subsidiaire, à ce que la SARL AECP Conseil soit condamnée à lui verser la somme de 26 691,60 euros et, en toute hypothèse, à ce que soit mis à la charge de la SARL AECP Conseil le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lainé, président de chambre,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. En 2016, la commune de Fleury-les-Aubrais a lancé une procédure adaptée pour la conclusion d'un marché ayant pour objet la réalisation et le financement de ses éditions municipales. Le lot n°3 - Régie publicitaire -, ayant été attribué à la SARL AECP Conseil, un marché a été conclu le 2 janvier 2017 pour une durée d'une année tacitement renouvelable un an de plus. En exécution de ce marché, la SARL AECP Conseil était chargée de la prospection et de la commercialisation des espaces publicitaires et de la mise en page des insertions publicitaires, à raison de cinq magazines et d'un guide par an. Aux termes de l'acte d'engagement et du bordereau des prix unitaires, il était prévu que la SARL AECP Conseil se rémunère en conservant 35 % des recettes issues de la commercialisation des espaces publicitaires et reverse à la commune de Fleury-les-Aubrais 65% des recettes liées à ces prestations, avec un montant minimal annuel garanti de 24 375 euros HT, soit 29 250 euros TTC. Le 22 décembre 2017, la commune de Fleury-les-Aubrais a émis à l'encontre de la SARL AECP Conseil les titres exécutoires n° 1287 d'un montant de 2 558,40 euros pour la recette correspondant au magazine n° 97, n° 1288 d'un montant de 1 844,70 euros pour la recette correspondant au magazine n° 98, n° 1289 d'un montant de 1 142,70 euros pour la recette correspondant au magazine n° 99 et n° 1290 d'un montant de 8 502 euros pour la recette correspondant au guide. Le 26 avril 2018, la commune a également émis un titre exécutoire n° 230 de 3 950,70 euros pour les recettes correspondant aux magazines numéros 100 et 101 ainsi qu'un titre exécutoire n° 231 pour le recouvrement d'une somme de 11 251,50 euros au titre du solde du montant minimum garanti pour l'année 2017. La SARL AECP Conseil a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation des titres de recettes ainsi émis à son encontre. Par un jugement du 10 décembre 2019, dont la SARL AECP Conseil relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, applicable au litige : " Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. L'envoi sous pli simple ou par voie électronique au redevable de cette ampliation à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître à la collectivité territoriale, à l'établissement public local ou au comptable public compétent vaut notification de ladite ampliation. (...) / (...) Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par l'une des autorités mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative notamment de justifier en cas de contestation que le bordereau de titres de recettes comporte la signature de son auteur. Lorsque le bordereau est signé non par l'ordonnateur lui-même mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les noms, prénoms et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif.
3. En l'espèce, il résulte de l'instruction, d'une part, que la commune a produit au dossier de première instance les bordereaux des titres de recette des 22 décembre 2017 et 26 avril 2018, qui sont signés pour l'adjoint au maire compétent par la directrice générale des services, dont les nom, prénom et qualité sont mentionnés sur ces bordereaux. D'autre part, la société AECP se borne à invoquer " l'absence de signature ", alors que celle-ci figure sur les bordereaux et que le troisième alinéa du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales prévoit que seul le bordereau doit être effectivement signé. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément nouveau sur ce point dans la requête d'appel par rapport aux écritures de première instance, le vice de forme tiré du défaut de signature des titres de recettes exécutoires, seul invoqué par la requérante, doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. / (...). Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Les collectivités publiques ne peuvent mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elles se sont fondées pour déterminer le montant de la créance.
5. En l'espèce, les titres n° 1287, 1288 et 1289 du 22 décembre 2017 indiquent respectivement, outre leurs montants de 2 558,40 euros, 1 844,70 euros et 1 142,70 euros, qu'ils ont pour objet la " quote part " de la commune sur la " pub " du " Fleury Mag " pour les numéros 97, 98 et 99. Le titre de recettes exécutoire n° 1290 du 22 décembre 2017, émis pour le recouvrement de la somme de 8 502 euros, indique de même qu'il concerne la " quote part pub Guide ". Enfin, les titres n° 230 et 231 émis le 26 avril 2018 pour les montants de 3 950,70 euros et 11 251,50 euros indiquent qu'ils ont pour objet, respectivement, la " quote part pub " de la commune sur les " Fleury Mag n° 100 + 101 /2017 " et le solde du montant minimum de recettes garanti à la commune au titre de l'année 2017. Il résulte également de l'instruction que, s'agissant de l'édition des magazines et du guide, les titres de recettes concernés se bornent à reprendre les montants exacts des états liquidatifs établis par la société AECP elle-même avec la liste des bénéficiaires des emplacements publicitaires vendus, les sommes versées par ceux-ci et leur répartition entre le prestataire et la collectivité cocontractantes, ainsi que le prévoyait d'ailleurs l'article 6 de l'acte d'engagement du marché. Enfin, si le titre n° 231 émis le 26 avril 2018 n'a pas été établi à partir d'un état liquidatif dressé par la société elle-même, il mentionne clairement les modalités de calcul de la créance eu égard à l'objet de celle-ci qui ne concerne pas la vente d'emplacements publicitaires mais seulement le " montant minimum garanti de recettes pour la ville " prévu par l'article 6 de l'acte d'engagement du marché concernant les " modalités de règlement ". Dans ces conditions, la requérante ne peut sérieusement prétendre qu'elle n'aurait pas été mise à même de discuter les bases de liquidation des créances recouvrées dès lors qu'elle a elle-même, en application du contrat, établi ces bases et que la commune ne les a pas modifiées mais s'est bornée à appliquer les stipulations du marché.
6. En troisième lieu, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.
7. D'une part, une convention peut être déclarée nulle lorsqu'elle est dépourvue de cause ou qu'elle est fondée sur une cause qui, en raison de l'objet de cette convention ou du but poursuivi par les parties, présente un caractère illicite. En l'espèce, il est constant que le marché a un objet licite, qui est défini par l'article 5 de l'acte d'engagement comme constitué par le " financement des éditions municipales par la mise en place d'une régie publicitaire ". Par ailleurs, l'article 6 de l'acte d'engagement stipule " Pour le lot n° 3 - Régie publicitaire, le candidat propose les pourcentages de rémunération au bénéfice de chacune des parties et un montant minimum garanti de recettes pour la ville ", ce dont il résulte que les recettes de vente d'emplacements publicitaires dans les publications de la commune sont partagées entre la collectivité et son prestataire, l'alinéa suivant du même article prévoyant que les états communiqués par le prestataire à chaque parution doivent préciser la part des recettes revenant à la collectivité, donc implicitement mais nécessairement la part revenant à la société cocontractante. De même, l'offre de la société AECP, qui a valeur contractuelle en vertu de l'article 7 de l'acte d'engagement, prévoyait sous l'intitulé " offre budgétaire " que l'entreprise " en tant que régie publicitaire se rémunère sur la base de 35 % du montant HT des insertions commerciales parues et payées " et que " les rétrocessions à la Collectivité sont calculées sur la base de 65 % du montant HT des insertions collectées ", ces pourcentages étant fondés sur une estimation par la société elle-même des recettes minimum envisagées pour chaque type de publication concerné. Dès lors qu'ainsi il existe bien une contrepartie à la prestation de gestion et vente des espaces publicitaires assurée par la société, un tel mode de rémunération n'est pas constitutif d'une absence de contrepartie entraînant la nullité du contrat. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le contrat serait dénué de cause et entaché de nullité en l'absence de caractère onéreux pour la commune, alors que cette dernière abandonne une partie significative des recettes publicitaires de ses publications à son cocontractant.
8. D'autre part, contrairement à ce qu'elle affirme, la société AECP ne peut être fondée à invoquer une erreur qui aurait vicié son consentement au contrat en raison de l'absence de communication par la commune de Fleury-les-Aubrais des tarifs antérieurement pratiqués qui ne l'aurait pas mise à même d'apprécier les conditions substantielles de son offre et l'étendue de son engagement. Aucune disposition du code des marchés publics ni aucun principe général n'imposaient à la commune de transmettre à son cocontractant une telle information et en sa qualité de professionnel expérimenté ayant déjà souscrit à de nombreux marchés du même type la société AECP était suffisamment éclairée pour établir en toute connaissance de cause les tarifs qu'elle proposait. Elle a d'ailleurs elle-même défini un " équilibre général du marché " dans la partie " offre budgétaire " de son offre à valeur contractuelle et si elle a commis une erreur dans l'estimation des minimums de recettes qui y figurent elle ne peut imputer cette erreur à la commune, dès lors qu'il n'est aucunement établi que celle-ci se serait livrée à des manoeuvres dolosives.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que l'application du contrat ne saurait être écartée et que la société AECP n'est pas fondée à soutenir que les titres de recettes seraient dénués de fondement juridique en raison de la nullité du marché qui lui a été attribué.
10. En quatrième et dernier lieu, eu égard à l'existence d'un accord contractuel régissant l'ensemble des relations financières entre les parties, la commune de Fleury-les-Aubrais, qui en émettant les titres de recettes contestés s'est bornée à appliquer les stipulations du marché, ne peut être regardée comme bénéficiaire d'un quelconque enrichissement sans cause.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, par les moyens qu'elle invoque, la société AECP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions tant de la SARL AECP Conseil que de la commune de Fleury-les-Aubrais, présentées sur le fondement de des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL AECP Conseil est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Fleury-les-Aubrais présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL AECP Conseil et à la commune de Fleury-les-Aubrais.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
Le président rapporteur,
L. Lainé
L'assesseur le plus ancien,
C. RivasLe rapporteur,
H. BrasnuLe président,
F. Bataille
La greffière,
V. Desbouillons
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT00139