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02/02/2021 | FRANCE | N°19NT04149

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 02 février 2021, 19NT04149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, dans l'instance n° 1705151, la décision par laquelle l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa de retour ainsi que la décision du 27 juillet 2017 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant son recours formé contre la décision consulaire et, d'autre part, dans l'instance n° 1904235, la décision du 13 janvier 2019 par laquelle l'au

torité consulaire française à Oran (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, dans l'instance n° 1705151, la décision par laquelle l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa de retour ainsi que la décision du 27 juillet 2017 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant son recours formé contre la décision consulaire et, d'autre part, dans l'instance n° 1904235, la décision du 13 janvier 2019 par laquelle l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa de retour ainsi que la décision du 27 mars 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre cette décision consulaire.

Par un jugement n°s 1705151 et 1904235 du 30 août 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2019, M. D... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les décisions des 27 juillet 2017 et 27 mars 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en ne se prononçant pas sur les moyens tirés de ce que les décisions de 2017 de l'autorité consulaire et de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France étaient entachées d'une erreur de droit ;

- ces décisions sont entachées d'erreur de droit ; l'autorité consulaire et la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France devaient se placer à la date du dépôt de sa demande de visa de retour et non à la date de la décision de l'autorité consulaire, pour considérer que son récépissé de demande de renouvellement de son titre de séjour était encore valable ;

- ces décisions intervenues en 2017 sont entachées d'erreur dans l'appréciation du lieu du centre de sa vie sociale qui se situe en France depuis qu'il y est arrivé en 1984 ;

- elles ne peuvent légalement se fonder sur l'arrêté d'expulsion pris par le préfet du Rhône qui lui a été notifié le 7 juillet 2017, arrêté annulé par le tribunal administratif de Lyon ;

- elles portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision de la commission de recours du 27 mars 2019 est fondée sur un fait matériellement inexact ; sa demande de renouvellement de son titre de séjour n'était pas expirée le 7 février 2017 mais le 6 mai 2017 ;

- elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation du risque de menace pour l'ordre public, lequel doit en outre s'apprécier au regard des dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né en 1980, est arrivé en France en 1984. Il a bénéficié de certificats de résidence, dont le dernier était valable jusqu'au 7 avril 2008 et en a demandé le renouvellement à compter de cette date. Le 1er mars 2017, il s'est rendu en Algérie pour y célébrer son mariage. Il a été interdit de retour sur le territoire français, à défaut de pouvoir présenter, soit l'original de son titre de séjour expiré depuis le 7 avril 2008 avec le récépissé de sa demande de renouvellement valable du 7 février 2017 au 6 mai 2017, soit un visa de retour en France. Le 20 mars 2017, M. C... a demandé un visa de retour en France. Par une décision non datée, notifiée le 23 mai 2017 à l'intéressé, l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) a refusé de délivrer le visa sollicité. Saisie d'un recours formé contre cette décision, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France l'a rejeté par une décision du 27 juillet 2017. Le 23 décembre 2018, M. C... a déposé une nouvelle demande de visa de retour. Par une décision du 13 janvier 2019, l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) a refusé de délivrer le visa demandé. Saisie d'un recours formé contre cette décision consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France l'a rejeté par une décision du 27 mars 2019. Par un jugement du 30 août 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation, d'une part, de la décision notifiée le 23 mai 2017 par laquelle l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa de retour ainsi que de la décision du 27 juillet 2017 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant son recours formé contre la décision consulaire et, d'autre part, de la décision du 13 janvier 2019 par laquelle l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) a refusé de lui délivrer un visa de retour ainsi que de la décision du 27 mars 2019 par laquelle la commission de recours a rejeté son recours formé contre cette décision consulaire. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes dirigées contre les décisions des 27 juillet 2017 et 27 mars 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal administratif s'est prononcé sur les moyens dirigés contre la décision consulaire du 23 mai 2017 qu'il a écartés comme inopérants. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision du 27 juillet 2017 de la commission de recours :

3. D'une part, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 27 juillet 2017 s'étant substituée à la décision de l'autorité consulaire, les moyens dirigées contre cette dernière décision sont inopérants.

4. D'autre part, le préfet du Rhône a pris, le 30 mai 2017, un arrêté d'expulsion à l'encontre de M. C.... Par suite, dès lors qu'à la date du 27 juillet 2017 à laquelle elle a statué, cet arrêté n'avait été ni rapporté, ni annulé, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France était tenue de rejeter le recours formé par M. C... contre la décision de l'autorité consulaire lui refusant un visa de retour en France. Il suit de là que les moyens tirés de ce que cette décision est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

En ce qui concerne la décision du 27 mars 2019 de la commission de recours :

5. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où le visa peut être refusé à un étranger désirant se rendre en France, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises disposent d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard, et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, mais également sur toute considération d'intérêt général.

6. La décision du 27 mars 2019 de la commission de recours est fondée sur ce que le récépissé de la demande de renouvellement du titre de séjour de M. C... était expiré depuis le 7 février 2017 et sur ce que la présence en France de l'intéressé présentait un risque de menace à l'ordre public.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet de trois condamnations pénales en 2000, 2002 et 2003 pour vols et vols en réunion, d'une condamnation à deux mois d'emprisonnement, en 2003, pour conduite malgré une suspension de son permis de conduire et d'une condamnation à deux mois d'emprisonnement, en 2003, pour violence par conjoint ou concubin. Il a, en outre, été condamné, en 2008, à quinze années de réclusion criminelle assortie d'une période de sûreté de dix ans pour avoir commis neuf viols, dont deux sous la menace d'une arme, une tentative de viol et quatre agressions sexuelles, dont une sur une mineure de quinze ans. Au cours de son incarcération, M. C... a également été condamné, en 2009, à une peine d'un mois d'emprisonnement pour recel de bien provenant d'un délit et, en 2014, à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion. Eu égard au caractère répété des faits commis, sur une longue période, de leur particulière gravité et du caractère récent de la dernière condamnation prononcée à l'encontre de M. C... alors qu'il était encore incarcéré, la commission de recours n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en retenant que le retour de l'intéressé sur le territoire français constituait un risque de menace pour l'ordre public, alors même qu'il n'aurait pas commis de nouvelles infractions depuis sa remise en liberté en 2016 et qu'il produit plusieurs attestations médicales faisant état d'une évolution favorable de sa personnalité. Il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.

8. En deuxième lieu, il est constant que M. C... est arrivé en France, en 1984, à l'âge de quatre ans et y a vécu jusqu'en 2017, avec tous les membres de sa famille. Il est également le père d'un enfant français né en 2003. Toutefois, d'une part, il ne justifie pas entretenir des liens particuliers avec lui, ni participer à son éducation. D'autre part, il est parti, en février 2017, en Algérie, et a épousé, dans son pays une compatriote. Dans ces conditions, et eu égard au risque de menace à l'ordre public évoqué au point 7, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 27 mars 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés. Pour ces mêmes motifs, M. C... n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.

9. En dernier lieu, il ne peut utilement invoquer la violation des dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne constituent pas le fondement légal de la décision contestée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, par voie de conséquence.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, président assesseur,

- M. Frank, premier conseiller,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président

C. BUFFET

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04149
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL BS2A BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-02-02;19nt04149 ?
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