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22/01/2021 | FRANCE | N°20NT03059

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 22 janvier 2021, 20NT03059


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 juin 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2007493 du 26 août 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 septemb

re 2020, M. E... D..., représenté par Me Cesse, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 juin 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2007493 du 26 août 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2020, M. E... D..., représenté par Me Cesse, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007493 du tribunal administratif de Nantes du 26 août 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 30 juin 2020 par lesquelles le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes et l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités italiennes :

- il n'est pas établi que Mme B... F..., signataire de la décision, soit compétente faute pour le préfet de Maine-et-Loire de justifier de la délégation de signature directement au profit du chef de pôle régional Dublin et de justifier que les décisions de transfert relèvent effectivement des compétences de ce pôle ; l'arrêté produit par le préfet est une délégation de signature au profit de Mme C... ; le préfet doit justifier de la décision portant nomination du fonctionnaire et l'absence du délégataire ; la décision ne mentionne pas que la personne ayant autorité pour signer aurait été absente ou empêchée ;

- la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; l'arrêté n'explique pas suffisamment et précisément les raisons pour lesquelles le préfet s'est déclaré incompétent et a décidé de le remettre aux autorités italiennes ; le mention d'une consultation du fichier Eurodac n'explique pas pourquoi les autorités italiennes ont été saisies ni pourquoi elles ont accepté de le reprendre en charge et ne permet pas d'identifier précisément le critère du règlement communautaire dont il est fait application ; les éléments sur lesquels s'est fondé le préfet pour estimer qu'il ne relevait pas des dérogations prévues par le règlement ne sont pas indiqués ; les conditions de consultation du fichier Eurodac et de prise des empreintes ne sont pas mentionnées ; la décision est insuffisamment motivée concernant sa situation personnelle et familiale et sur les conséquence de la situation liée à la crise sanitaire ;

- la décision est entachée des vices de procédure :

o la décision de transfert doit, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporter la mention des voies et délais de recours et du droit d'avertir ou de faire avertir un conseil ou toute personne de son choix, et en application de l'article 26 § 2 et § 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, la mention des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique ; ces informations sont une garantie essentielle du demandeur d'asile ; en application de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les décisions de transfert doivent être notifiées dans une langue comprise par son destinataire ;

o il n'est pas démontré qu'il a bénéficié d'une information complète sur le relevé Eurodac ;

o il n'est pas justifié du respect des dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur l'entretien destiné à évaluer la vulnérabilité du demandeur d'asile ;

- le jugement ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré du défaut d'information suffisante, sur le moyen tiré de la remise des brochures en temps utile et le moyen tiré de l'entretien individuel, sur le moyen tiré de ce qu'il n'a pas été mis à même de présenter de manière utile et effective les éléments permettant de déterminer l'Etat membre responsable ;

- il n'y a pas eu d'examen suffisant de sa situation personnelle, notamment de santé ;

- un mémoire a été produit par le préfet de Maine-et-Loire le 25 août 2020 qui ne lui a pas été communiqué, sans qu'il sache de quelles pièces ce mémoire était accompagné ou si elles ont été prises en considération par le premier juge ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- la décision est entachée d'erreur de droit ; le préfet se fonde sur la consultation du fichier Eurodac, sans préciser dans quelles conditions a été déposée sa demande d'asile et ce qui serait de nature à entrainer la responsabilité de l'Italie pour l'examen de sa demande d'asile ; la décision ne permet pas de connaitre le sort de la demande d'asile qu'il aurait déposée en Italie ; le seul dépôt d'une demande d'asile dans un pays n'entraine pas sa responsabilité ; s'il a pu bénéficier d'un titre de séjour en Italie, le motif de transfert serait erroné en méconnaissance des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; le préfet a pris une décision automatique en se fondant sur le relevé Eurodac ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; elle méconnait la clause de souveraineté de l'article 53-1 de la Constitution ; il a des difficultés de santé qui l'empêchent de voyager vers l'Italie ; il parle le français ; il ne peut être transféré en Italie un des premiers pays touchés par l'épidémie de Covid-19 ; le système d'accueil des demandeurs d'asile en Italie est saturé ; il n'existe aucune garantie des soins au Cameroun ;

- la décision méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a fui son pays pour échapper à un conflit d'héritage ; il souffre de différentes pathologies graves, alors que l'Italie connait un contexte de crise sanitaire, et doit bénéficier d'un suivi médical important et de longue durée, déjà programmé ;

. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- la décision est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; aucun élément ne justifie la mise en oeuvre de la procédure d'assignation à résidence, notamment quant à son comportement alors qu'il n'entend se soustraire à aucune obligation ;

- Mme F... signataire de la décision n'est pas compétente, le préfet ne justifiant pas de la délégation de signature qui lui aurait été accordée ;

- il n'y a pas eu d'examen suffisant de sa situation ;

- la décision méconnait l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisque la décision souligne qu'il existe une perspective raisonnable de mettre en oeuvre son éloignement, ce qui exclut qu'il y ait assignation à résidence ; rien ne justifie l'atteinte portée à sa liberté d'aller et venir alors que le préfet ne justifie pas qu'il risquait de se soustraire à son obligation de remise et s'est présenté à toutes ses convocations ; la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- en se contentant de l'assigner à résidence dans le département de la Sarthe, la décision ne précise pas suffisamment précisément le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le délai de transfert de M. D... a été reporté au 26 février 2021 ;

- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... D..., ressortissant camerounais né en mai 1990, est entré en France en février 2020. Il a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 17 juin 2020. Par une décision du 30 juin 2020, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile, et par une décision du même jour a également prononcé son assignation à résidence. M. D... relève appel du jugement du 26 août 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 30 juin 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'article L. 5 du code de justice administrative dispose que : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Par ailleurs, l'article R. 613-3 du même code dispose que : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ". Le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce que le juge se fonde sur des pièces produites au cours de l'instance qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties.

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'a produit d'écritures en défense devant le tribunal administratif de Nantes que le 25 août 2020 postérieurement à l'audience publique qui s'était tenue le 24 août 2020. Ce mémoire n'a pas été communiqué, conformément aux dispositions de l'article R. 613-3 du code de justice administrative. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes soit fondé sur des pièces produites par le préfet de Maine-et-Loire dans son mémoire du 25 août 2020. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu du fait de l'absence de communication de ce mémoire ou de la prise en compte par le juge d'éléments produits dans celui-ci.

4. En second lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ".

5. Contrairement à ce que soutient M. D..., la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a répondu, aux points 5 à 7 de son jugement, aux moyens tirés de la méconnaissance des conditions de notification de l'arrêté portant transfert auprès des autorités italiennes en méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 20 et 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'absence d'information sur le fichier Eurodac et de l'absence d'entretien en méconnaissance des dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, moyens au demeurant inopérants. Il suit de là que M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors qu'il aurait omis de répondre à certains de ses moyens.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté portant transfert auprès des autorités italiennes :

6. En premier lieu, l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour renouveler l'attestation de demande d'asile en application de l'article L. 742-1, procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police (...) ".

7. L'arrêté portant transfert de M. D... auprès des autorités italiennes a été signé, pour le préfet et par délégation, par Mme B... F..., cheffe du pôle régional Dublin. Par un arrêté du 22 avril 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Maine-et-Loire le 23 avril suivant, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à l'intéressée à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme C..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers, notamment les arrêtés de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. En outre, cet arrêté suffit à établir que Mme F... a été nommée en qualité de cheffe du pôle régional Dublin de la préfecture de Maine-et-Loire. Par ailleurs, lorsqu'un fonctionnaire a régulièrement reçu délégation de signature en cas d'absence ou d'empêchement de ses supérieurs hiérarchiques, l'acte administratif signé par lui et entrant dans le champ de la délégation qu'il a reçue ne peut être regardé comme entaché d'incompétence lorsqu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ses supérieurs n'auraient pas été absents ou empêchés. M. D... n'est donc pas fondé à soutenir que la signataire de l'arrêté contesté ne serait pas compétente faute pour l'arrêté de mentionner l'absence de Mme C.... Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 30 juin 2020 n'est pas fondé et doit être écarté.

8. En deuxième lieu, l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. (...) ".

9. En vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

10. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

11. La décision portant transfert de M. D... auprès des autorités italiennes vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le règlement portant modalités d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. D..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsqu'il s'est présenté devant les services de la préfecture de Maine-et-Loire et précise que la consultation du système Eurodac a montré que M. D... était connu des autorités italiennes auprès desquelles il avait sollicité l'asile le 16 janvier 2017. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 du présent arrêt, et alors que l'absence de mention des conditions de consultation du fichier Eurodac et de prise des empreintes de l'intéressé n'a aucune incidence sur le caractère suffisant de la motivation, que la décision portant transfert de l'intéressé auprès des autorités italiennes est ainsi suffisamment motivée en application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En troisième lieu, l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en oeuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. / L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. / L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin. / Lors de l'entretien, le demandeur est informé de sa possibilité de bénéficier de l'examen de santé gratuit prévu à l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale (...) ".

13. La circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé n'a pas fait l'objet de l'évaluation prévue pour déterminer les besoins particuliers en matière d'accueil, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

14. En quatrième lieu, l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ". Par ailleurs, l'article L. 111-8 du même code dispose que : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ". Par ailleurs, l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. Si la personne concernée est représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres peuvent choisir de notifier la décision à ce conseil juridique ou à cet autre conseiller plutôt qu'à la personne concernée et, le cas échéant, de communiquer la décision à la personne concernée. / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. / Les États membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées. / 3 Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend ".

15. Si les conditions de notification de la décision de remise aux autorités italiennes peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours, elles sont sans incidence sur sa légalité. Au demeurant, contrairement à ce que soutient M. D..., la lettre de notification de l'arrêté en cause, rédigée en français, comporte l'ensemble des informations prévues au paragraphe 3 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent du présent arrêt ne peut qu'être écarté.

16. En cinquième lieu, l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend: / a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant; / b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives; / c) des destinataires des données; / d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées; / e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. / 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) 3. Une brochure commune, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du présent article et celles visées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) n o 604/2013 est réalisée conformément à la procédure visée à l'article 44, paragraphe 2, dudit règlement. / La brochure est rédigée d'une manière claire et simple, et dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. / La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres peuvent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces informations spécifiques aux États membres portent au moins sur les droits de la personne concernée, sur la possibilité d'une assistance de la part des autorités nationales de contrôle, ainsi que sur les coordonnées des services du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle (...) ".

17. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

18. En sixième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

19. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

20. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre, le 17 juin 2020, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue française, qu'il a déclaré comprendre. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

21. En septième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

22. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. D... qu'il a bénéficié le 17 juin 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue française, que l'intéressé a déclaré comprendre. Il n'est pas établi que l'intéressé, contrairement à ce qu'il soutient, n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

23. En huitième lieu, l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre (...) ".

24. D'une part, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté du 30 juin 2020 ni des autres pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire, qui a envisagé les conséquences du transfert de M. D... auprès des autorités italiennes, se serait cru lié par les critères résultant de l'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

25. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la consultation du fichier Eurodac a démontré que les empreintes digitales de M. D... avaient été relevées par les autorités italiennes le 16 janvier 2017 à Naples sous le numéro IT1NA03VFO, numéro indiquant qu'il avait déposé une demande d'asile dans ce pays. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu d'entretien signé par l'intéressé, que M. D... a indiqué que sa demande d'asile a été rejetée par les autorités italiennes en mai 2019. Dans ces conditions, dès lors que la demande d'asile de M. D... a été rejetée par les autorités italiennes, qui ont explicitement accepté le transfert de l'intéressé sur le fondement des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 le moyen tiré de ce que le motif de transfert serait erroné et le moyen tiré de l'erreur de droit dans l'application des critères du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

26. En neuvième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".

27. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. D... et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé.

28. D'autre part, M. D... ne produit pas de documents médicaux qui permettent de démontrer à eux seuls que son état de santé le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France, alors même qu'il justifie être atteints de troubles psychiatriques et de troubles gastriques. Les documents médicaux ne permettent pas d'établir la gravité de son état de santé, ni que cet état de santé ne pourrait être pris en charge en Italie. Il ressort au contraire des déclarations de M. D..., retranscrites dans le compte rendu d'entretien, qu'il a bénéficié de soins médicaux en Italie. Enfin, il n'établit pas que l'exécution du transfert serait imminente en raison de l'épidémie de Covid 19 ni que les autorités italiennes ne prendront pas les mesures utiles eu égard à la pandémie qui touche l'Italie comme la France, mesures qui en tout état de cause n'intéressent que l'exécution de l'acte et non sa légalité. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

29. En dernier lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, l'article 8 de cette même convention stipule que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

30. La décision contestée n'a pas pour objet de prononcer l'éloignement de M. D... vers le Cameroun. Il ne peut donc utilement invoquer les risques qu'il encourrait dans son pays d'origine. Par ailleurs, et alors qu'il est constant qu'aucun membre de sa famille ne réside sur le territoire français, et qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 29 du présent arrêt, il n'est pas établi que M. D... ne pourrait bénéficier d'un traitement médical en Italie, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

31. L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". L'article L. 561-1 du même code dispose que : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée (...) ". Par ailleurs, l'article R. 561-2 du même code dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ".

32. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt.

33. En deuxième lieu, la décision portant assignation à résidence de M. D... comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

34. En troisième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté du 30 juin 2020 ni des autres pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen de la situation de M. D... avant de l'assigner à résidence. En outre, contrairement à ce que soutient M. D..., il ressort des dispositions mêmes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la circonstance que l'éloignement de l'étranger demeure une perspective raisonnable constitue une condition pour prononcer son assignation. Il suit de là que les moyens tirés des erreurs de droit ne sont pas fondés et doivent être écartés.

35. En dernier lieu, l'arrêté contesté assigne M. D... à résidence dans les limites du département de la Sarthe, et est donc suffisamment précis quant au périmètre d'assignation contrairement à ce que soutient l'intéressé. Par ailleurs, il n'est aucunement justifié que l'atteinte ainsi portée à la liberté d'aller et venir de M. D... excéderait les buts recherchés par la mesure d'assignation. Ces derniers moyens, tirés de la méconnaissance de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent donc être écartés.

36. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 30 juin 2020. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2021.

La rapporteure,

M. Béria-GuillaumieLe président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03059
Date de la décision : 22/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-22;20nt03059 ?
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