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22/01/2021 | FRANCE | N°20NT00645

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 22 janvier 2021, 20NT00645


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation.

Mme D... G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligée à quitter le territo

ire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation.

Mme D... G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à défaut de se conformer à cette obligation.

Par un jugement n° 1905781 et 1905782 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2020, M. C... F... et Mme D... G..., représentés par Me Renard, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905781 et 1905782 du tribunal administratif de Nantes du 26 septembre 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 3 mai 2019 par lesquelles le préfet de Maine-et-Loire les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office à défaut de se conformer à ces obligations ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de procéder à un nouvel examen de leur situation et de leur délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille huit cents euros à verser à leur avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat, ou subsidiairement à son profit s'il ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, tant pour la première instance que l'appel.

Ils soutiennent que :

. en ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

- il n'y a pas eu examen de leur situation personnelle ainsi que le montre l'utilisation de motivations stéréotypées ; le préfet n'a pas tenu compte des nationalités distinctes des membres du couple ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; ils résident en France depuis quatre et trois ans et y possèdent l'ensemble de leurs attaches familiales, leurs enfants de 6 ans, 4 ans et deux ans, y ayant l'ensemble de leurs repères culturels et sociaux ; la cellule familiale ne pourra se reconstituer, compte tenu de la nationalité différente des membres du couple ;

- les stipulations de l'article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

- les décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

. en ce qui concerne les décisions fixant le pays d'éloignement :

- les décisions sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;

- il n'y a pas eu examen de leur situation personnelle ; l'exécution des mesures d'éloignement entrainera une séparation de la famille ; l'autorité administrative n'est pas tenue par les décisions de l'Ofpra et de la Cnda et doit examiner spécifiquement leur situation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils encourent des risques en cas de retour dans leur pays d'origine et ne peuvent retourner ni en Russie ni en Arménie ; les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. F... et Mme G... ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 janvier 2020.

Par une ordonnance du 24 août 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... F..., ressortissant russe né en avril 1977 est entré en France en mai 2015. Il a déposé une demande d'asile en France mais celle-ci a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 novembre 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 juin 2016. La compagne de M. F..., Mme D... G..., ressortissante arménienne née en novembre 1982, et leurs enfants A... et I... sont entrés en avril 2016 en France, pays dans lequel est né le troisième enfant du couple. La demande d'asile de Mme G... a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 3 juillet 2017, confirmée par la CNDA le 29 janvier 2019. Par deux arrêtés du 3 mai 2019, le préfet de Maine-et-Loire a obligé M. F... et Mme G... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office à défaut de se conformer à cette obligation. M. F... et Mme G... relèvent appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 3 mai 2019.

Sur les obligations de quitter le territoire français :

2. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

3. En premier lieu, il ne ressort ni de la motivation des arrêtés du 3 mai 2019 ni des autres pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. F... et de Mme G.... Il ressort notamment de la motivation des deux arrêtés que, pour chacun des intéressés, le préfet de Maine-et-Loire a rappelé leur nationalité respective.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. F... réside en France depuis le mois de mai 2015 mais n'a séjourné qu'en qualité de demandeur d'asile. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de la CNDA du 30 juin 2016. Sa compagne, Mme G..., est quant à elle entrée en France en avril 2016 et n'a également séjourné dans ce pays qu'en qualité de demandeur d'asile. La demande d'asile de Mme G... a été définitivement rejetée par la CNDA le 29 janvier 2019. Si la plus jeune de leurs enfants, B..., est née en France en mai 2017, elle n'était âgée que de deux ans à la date des arrêtés contestés, tandis que les deux autres enfants du couple A... et J..., âgés à la même date de six et quatre ans, sont nés à Moscou. L'ainée du couple était scolarisée en grande section de maternelle à la date des arrêtés portant obligation de quitter le territoire français, tandis que son frère J... était scolarisé en petite section. Par ailleurs, les obligations de quitter le territoire français n'ayant pas pour objet, par elles-mêmes, de fixer le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé en cas d'exécution d'office, les intéressés ne peuvent invoquer leurs nationalités différentes. Dans ces conditions, compte tenu des conditions du séjour en France de M. F... et de Mme G... et du jeune âge de leurs enfants, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas porté une atteinte excessive à leur droit à une vie privée et familiale normale en prononçant à leur encontre des obligations de quitter le territoire français. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, les décisions contestées n'ont pas, par elles-mêmes, pour effet de séparer soit M. F..., soit Mme G... de leur trois enfants. Dans ces conditions, et alors que la scolarité en France des deux ainés du couple est récente, les décisions contestées n'ont pas méconnu l'intérêt supérieur des trois enfants de M. F... et Mme G....

8. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant les obligations de quitter le territoire français du 3 mai 2019 doit être écarté.

Sur les décisions fixant le pays d'éloignement :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 du présent arrêt que l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français n'est pas établie. Le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions, que M. F... et Mme G... invoquent, par la voie de l'exception, à l'encontre des décisions fixant le pays d'éloignement doit, dès lors, être écarté.

10. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation des arrêtés du 3 mai 2019 ni des autres pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. F... et de Mme G.... En particulier, il ne ressort aucunement des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par les décisions de la CNDA des 30 juin 2016 et 29 janvier 2019 rejetant les demandes d'asile des intéressés.

11. En troisième lieu, si M. F... et Mme G... invoquent leur nationalité distincte, respectivement russe et arménienne, et le fait que la cellule familiale sera séparée, il ressort des pièces du dossier et notamment des déclarations de Mme G... qu'elle a résidé en Russie, pays dont son compagnon a la nationalité, entre le mois de janvier 2012 et le mois d'avril 2016 et qu'elle n'établit pas qu'elle ne serait plus admissible dans ce pays. Par ailleurs, M. F... n'établit aucunement que son droit au séjour en Russie serait remis en cause, alors qu'il justifie de la nationalité russe. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En dernier lieu, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile (...) / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Par ailleurs, l'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. Si Mme G... indique encourir des risques en cas de retour en Arménie en raison de malversations qu'elle aurait dénoncées et si M. F... invoque des risques en raison de ses origines en cas de retour en Russie, ils n'apportent, à l'appui de leurs allégations et alors que leurs demandes d'asile ont été définitivement rejetées par la CNDA, aucune pièce de nature à établir la réalité des risques allégués. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes dirigées contre les arrêtés du 3 mai 2019 portant, à leur encontre, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays d'éloignement.

Sur les frais du litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. F... et Mme G... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... et de Mme G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F..., à Mme D... G... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2021.

La rapporteure,

M. Béria-GuillaumieLe président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00645


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00645
Date de la décision : 22/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SELARL R et P AVOCATS OLIVIER RENARD ET CINDIE PAPINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-22;20nt00645 ?
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