Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 4 juillet 2017 par laquelle le jury du mastère spécialisé " monétique et transactions sécurisées " de l'école nationale supérieure d'ingénieurs de Caen a prononcé l'arrêt de ses études, de lui permettre de se réinscrire pour pouvoir faire son stage, de lui permettre de payer les frais de scolarité lorsqu'il trouvera un stage et de lui verser des dommages et intérêts pour le préjudice que lui a causé la décision d'arrêt de ses études.
Par un jugement n°1801736 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 janvier 2020, M. E... A..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2019 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler la décision du 4 juillet 2017 par laquelle le jury du " mastère spécialisé monétique et transactions sécurisées " de l'école nationale supérieure d'ingénieurs de Caen a prononcé l'arrêt de ses études ;
3°) d'enjoindre à l'école nationale supérieure d'ingénieurs de Caen de l'autoriser à se réinscrire et à régler les frais de scolarité après qu'il a trouvé un stage ;
4°) de condamner l'école nationale supérieure d'ingénieurs de Caen à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices causés par la décision prononçant l'arrêt de ses études.
Il soutient que :
- la décision contestée a été prise par un jury irrégulièrement composé ;
- le règlement de scolarité de l'école ne prévoit pas la possibilité de prononcer à l'encontre d'un étudiant l'arrêt des études pour défaut de paiement de l'intégralité des frais de scolarité ;
- les articles IV. B et IV.E. du règlement de scolarité prévoit la possibilité d'aménager la formation sur 24 mois ; cette possibilité lui permettait de payer les frais de scolarité " ultérieurement ", notamment en vertu de courriels du directeur adjoint des études.
Par une décision n°2019/016083 du 3 septembre 2019, le président de la section du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes chargée d'examiner les demandes relatives aux affaires portées devant la cour a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu le rapport de M. C... au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 27 août 1987 à Dakar, s'est inscrit au sein d'une formation de " mastère spécialisé monétique et transactions sécurisées " à l'école nationale supérieure d'ingénieurs de Caen (ENSICAEN) pour l'année universitaire 2016-2017. Estimant qu'il n'avait pas payé intégralement les droits de scolarité, le jury de ce mastère spécialisé a prononcé, le 4 juillet 2017, l'arrêt de ses études. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et d'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Sur la légalité de la décision du 4 juillet 2017 :
2. Aux termes des dispositions de l'article V.D. du règlement de la scolarité de l'ENSICAEN au titre de l'année 2016-2017 relatives à la constitution des jurys de mastères spécialisés : " (...) Le jury de chaque mastère est composé par arrêté du directeur général de l'ENSICAEN sur proposition du directeur des études et de la vie étudiante (...). Les jurys sont présidés par le directeur général de l'ENSICAEN assisté du directeur des études et de la vie étudiante. (...). Ils sont en outre constitués du directeur adjoint des études en charge des formations par alternance et des mastères spécialisés et des responsables pédagogiques des mastères spécialisés. (...) Le jury peut prendre les décisions suivantes : (...) / 4. Arrêt des études (...) ".
3. D'une part, il n'est pas contesté que M. G... B..., directeur adjoint des études en charge des formations par alternance et des mastères spécialisés n'était pas présent lors de la réunion du jury du mastère spécialisé " monétique et transactions sécurisées " du 4 juillet 2017, à l'issue de laquelle a été prononcé l'arrêt des études de M. A.... L'ENSICAEN n'établit pas, ni même n'allègue, que M. B... ait été dûment empêché, ou que son absence ait été justifiée par un motif légitime, ou même qu'il ait été régulièrement remplacé le jour de la réunion du jury. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir qu'au regard des dispositions précitées, le jury ayant pris la décision contestée était irrégulièrement composé.
4. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte. En l'espèce, toutefois, s'agissant des conditions de l'adoption même d'une décision et non d'un vice affectant la procédure préalable à cette adoption, la circonstance que le jury se soit réuni dans une formation irrégulière entache d'illégalité la délibération contestée, laquelle doit être annulée pour ce motif.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le jury du " mastère spécialisé monétique et transactions sécurisées " de l'école nationale supérieure d'ingénieurs de Caen a prononcé l'arrêt de ses études.
Sur les conclusions indemnitaires :
6. M. A... ne conteste pas l'irrecevabilité opposée par le tribunal administratif de Caen à ses conclusions indemnitaires. Par suite, les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice qu'il allègue avoir subi, lequel n'est au demeurant pas précisé, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu aux points 3 et 4, et après examen des autres moyens soulevés par M. A..., le présent arrêt implique seulement qu'il soit procédé au réexamen de la situation de l'intéressé. Ainsi, il y a lieu d'enjoindre à l'ENSICAEN de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 mars 2019 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 4 juillet 2017 du jury du " mastère spécialisé monétique et transactions sécurisées " de l'école nationale supérieure d'ingénieurs de Caen prononçant l'arrêt des études de l'intéressé.
Article 2 : La décision du 4 juillet 2017 par laquelle le jury du " mastère spécialisé monétique et transactions sécurisées " de l'école nationale supérieure d'ingénieurs de Caen a prononcé l'arrêt des études de M. A... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à l'école nationale supérieure d'ingénieurs de Caen de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à l'école nationale supérieure d'ingénieurs de Caen.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme D..., présidente,
- M. C..., premier conseiller,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2021.
Le rapporteur,
A. C...La présidente,
C. D...
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00029