La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2021 | FRANCE | N°19NT03512

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 janvier 2021, 19NT03512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 août 2016 par lequel le maire de Trébeurden a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la rénovation, l'agrandissement, la démolition partielle d'un bâtiment existant et la création de douze logements sur un terrain situé 36, rue de Trozoul, et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Trébeurden d'instruire à nouveau sa demande de permis de construire déposée le 1er mars 2016, dans un délai

de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 août 2016 par lequel le maire de Trébeurden a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la rénovation, l'agrandissement, la démolition partielle d'un bâtiment existant et la création de douze logements sur un terrain situé 36, rue de Trozoul, et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Trébeurden d'instruire à nouveau sa demande de permis de construire déposée le 1er mars 2016, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement no 1604432 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de Trébeurden d'instruire de nouveau la demande de M. E... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 août 2019 et le 17 juin 2020, la commune de Trébeurden, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. E... ;

3°) de mettre à la charge de M. E... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable dès lors que l'arrêté contesté du 3 août 2016 était purement confirmatif d'un précédent arrêté de refus de permis de construire du 7 mars 2015 portant sur le même projet ;

- c'est à tort que le jugement attaqué a considéré que les deux motifs de refus de permis de construire étaient entachés d'illégalité ;

- aucun des moyens invoqués par M. E... ne sont fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2020, M. E..., représenté par la SELARL Ares, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Trébeurden ;

2°) d'enjoindre au maire de Trébeurden de délivrer le permis de construire sollicité, en application du plan d'occupation des sols, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Trébeurden une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés ;

- sur l'effet dévolutif, l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et entaché de détournement de pouvoir.

Par un courrier du 6 octobre 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attache tant aux motifs (point 3) qu'au dispositif du jugement no 1403152 du 17 mars 2017 du tribunal administratif de Rennes.

Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2020, la commune de Trébeurden conclut aux mêmes fins que sa requête et soutient que le moyen que la cour est susceptible de relever d'office n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2020, M. E... conclut aux mêmes fin que précédemment et soutient que :

- le moyen que la cour est susceptible de relever d'office est fondé ;

- le projet litigieux respecte l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme tel que précisé par le schéma de cohérence territoriale du Trégor.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me B... substituant Me D..., représentant la commune de Trébeurden.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a déposé en mairie de Trébeurden, le 1er mars 2016, une demande de permis de construire portant sur la rénovation, l'agrandissement, la démolition partielle d'un bâtiment existant et la création de douze logements sur un terrain situé 36, rue de Trozoul. Par un arrêté du 3 août 2016, le maire de Trébeurden a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité en se fondant sur la méconnaissance des articles UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols et R. 111-27 du code de l'urbanisme et sur celle de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme. Le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. E..., cet arrêté par un jugement du 28 juin 2019. La commune de Trébeurden relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par le tribunal administratif :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Aux termes de l'article UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols, alors en vigueur : " La création architecturale, la qualité des constructions leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public. Le respect de cet intérêt relève notamment de la responsabilité de l'autorité habilitée à délivrer le permis de construire. / En conséquence : 1/ l'implantation et le volume général des constructions ou ouvrages à modifier devront être traités en relation avec le site dans lequel ils s'inscrivent, qu'il soit naturel ou urbain. (...) ". Ces dernières dispositions ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan d'occupation des sols que le juge doit apprécier, au terme d'un contrôle normal, la légalité de la décision attaquée.

3. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un site ou un paysage propre à fonder le refus opposé à une demande d'autorisation de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ladite autorisation, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur ce site.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la parcelle d'assiette de la construction projetée jouxte la partie nord du site naturel classé des Roches Blanches, lequel constitue un amoncellement pittoresque et caractéristique de rochers de la côte de granit rose, inscrit à l'inventaire des sites pittoresques par un arrêté du 3 décembre 1935 pris en application de la loi du 2 mai 1930. Ce site naturel est lui-même entouré, à l'est, de deux parcelles non bâties, au sud, de la plage de Tresmeur formant un coude aboutissant au promontoire de granit du Castel et, à l'ouest, d'une aire de stationnement prolongée par des bâtiments accueillant les services du port de plaisance et des commerces. Au nord-est, le site s'ouvre, au-delà de la rue de Trozoul, sur un quartier du bourg de Trébeurden composé essentiellement de maisons d'habitation de type pavillonnaire de deux à trois niveaux maximum, implantées en retrait de la voie publique avec une emprise au sol limitée.

5. D'autre part, le projet prévoit d'étendre significativement le bâtiment existant sur le terrain d'assiette du projet, notamment en direction du site classé, en vue d'aménager et d'édifier un immeuble de cinq niveaux comportant douze logements et des surfaces en rez-de-rue susceptibles, ainsi que l'a indiqué M. E..., d'accueillir ultérieurement des commerces. Ce projet aura pour effet d'augmenter d'un tiers la surface de plancher existante, qui passera de 608 à 915 mètres carrés, ainsi que d'étendre l'emprise au sol à près de 80 % de la surface totale de la parcelle du fait de la création d'un niveau qualifié " d'entresol ", espace couvert qui sera situé en rez-de-rue sous une " dalle paysagée ". Des extensions d'environ 8 mètres de largeur en façade et d'environ 12 mètres de largeur, en incluant les balcons et terrasses du premier étage, seront réalisées de part et d'autre du bâtiment existant au nord et au sud, conduisant à un doublement du linéaire de façade et à un quasi-triplement du linéaire de l'édifice en incluant les terrasses et balcons. Certains balcons et terrasses des façades sud et ouest seront situés à un mètre ou moins de la limite séparative du site classé et à une dizaine de mètres environ de l'amas principal de ce site, réduisant ainsi l'écrin naturel de ce dernier. Par sa masse, sa hauteur et son volume sensiblement accrus, en dépit de sa conception prévoyant des balcons en retraits successifs au fur et à mesure des étages, le projet constituera un élément prégnant du paysage au détriment de la visibilité du site classé voisin, qu'il dépassera d'ailleurs depuis certains points de vue. La création d'un front bâti d'une cinquantaine de mètres, du côté de la rue de Trozoul, limitera en outre de façon importante la visibilité du site depuis le nord de cette rue. Enfin, il ressort des photographies du bâtiment existant versées au dossier que le projet sera parfois visible du paysage maritime. Par conséquent, le projet litigieux, par sa situation, ses dimensions et ses caractéristiques, est de nature à porter significativement atteinte au caractère et à l'intérêt du site classé des Roches Blanches. Il en résulte que c'est par une exacte application des dispositions de l'article UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols que le maire de Trébeurden a refusé de délivrer le permis de construire sollicité.

6. En second lieu, l'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'un jugement, devenu définitif, annulant un refus de permis de construire, ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire, fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le permis de construire sollicité soit à nouveau refusé par l'autorité administrative ou que le permis accordé soit annulé par le juge administratif, pour un motif identique à celui qui avait été censuré par le tribunal administratif.

7. Par un jugement no 1403152 du 17 mars 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 6 juin 2014 par lequel le maire de Trébeurden a refusé de délivrer à la société Eolarmor un permis de construire un immeuble comportant douze logements sur le même terrain. Ce jugement d'annulation était, notamment, fondé sur le motif tiré de ce que le maire de Trébeurden, en estimant que le projet de la société Eolarmor constituait une extension non limitée de l'urbanisation, avait fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, transférées à l'article L. 121-13 du même code. Cependant, si le projet de 2016 de M. E... présente des similitudes avec celui de 2014 présenté par la société Eolarmor, ces deux projets ne sont pas identiques. En particulier, alors que le refus de permis de construire opposé à la société Eolarmor et annulé par le jugement du 17 mars 2017 concernait un immeuble de 880 mètres carrés de surface de plancher et d'une hauteur de 11 mètres, prévoyant la démolition de la charpente du bâtiment existant, le refus de permis de construire opposé à M. E... par l'arrêté contesté concerne un immeuble de 915 mètres carrés de surface de plancher et d'une hauteur de plus de 13 mètres, conservant la charpente du bâtiment existant. Les différences entre ces deux projets constituent une modification de la situation de fait. Partant, l'autorité de chose jugée qui s'attache au dispositif du jugement du 17 mars 2017, rendu postérieurement à l'arrêté contesté, ne trouve pas à s'appliquer pour apprécier la légalité du nouveau refus de permis de construire litigieux.

8. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. " Aux termes de l'article L. 121-13 du même code : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. / En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. Le plan local d'urbanisme respecte les dispositions de cet accord. / (...) " Aux termes de l'article L. 121-16 du même code : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (...). "

9. Il résulte des dispositions des articles L. 121-8, L. 121-13 et L. 121- 16 du code de l'urbanisme, que, sous réserve des exceptions qu'elles prévoient, notamment pour les activités agricoles, dans les communes littorales, ne peuvent être autorisées, dans les zones situées en dehors des espaces déjà urbanisés, que les constructions réalisées en continuité soit avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, et, s'agissant des espaces proches du rivage, à la condition qu'elles n'entraînent qu'une extension limitée de l'urbanisation spécialement justifiée et motivée et qu'elles soient situées en dehors de la bande littorale des cent mètres à compter de la limite haute du rivage. Ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces.

10. Il résulte des dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme qu'une opération conduisant à étendre l'urbanisation d'un espace proche du rivage ne peut être légalement autorisée que si elle est, d'une part, de caractère limité, et, d'autre part, justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme selon les critères qu'elles énumèrent. Cependant, lorsqu'un schéma de cohérence territoriale ou un des autres schémas mentionnés par ces dispositions comporte des dispositions suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives qui précisent les conditions de l'extension de l'urbanisation dans l'espace proche du rivage dans lequel l'opération est envisagée, le caractère limité de l'urbanisation qui résulte de cette opération s'apprécie en tenant compte de ces dispositions du schéma concerné.

11. Le territoire de la commune de Trébeurden est couvert par le schéma de cohérence territorial du Trégor, approuvé le 5 décembre 2012, dont la partie 3.5 du document d'orientations et d'objectifs met en oeuvre les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme. Ce document prescrit que " Une partie des agglomérations et des villages identifiés par le SCoT se trouve à l'intérieur de l'espace proche du rivage. Ils peuvent être développés mais selon la règle de l'extension limitée prévue par la Loi Littoral. / L'urbanisation envisagée doit être justifiée et motivée dans le P.L.U., en distinguant entre deux types de secteurs : / - Des centralités à renforcer, car elles proposent des services à la population utiles pour maîtriser les besoins de déplacement, et qu'elles sont déjà fortement urbanisées. A cette fin, les secteurs concernés pourront être aménagés avec une densité plus élevée et accueillir un nombre de constructions nouvelles plus important que dans le reste de l'espace proche du rivage, qui a vocation à demeurer plus naturel. Les secteurs concernés sont figurés dans le schéma n° 8. Ils se situent (...) à l'intérieur de dents creuses importantes, au sein des agglomérations de (...) Trébeurden. / - Des secteurs à préserver, en raison de leur forte sensibilité environnementale, de leur qualité architecturale ou de leur intérêt paysager. Ils devront être protégés ou urbanisés dans des volumes de constructions et des densités mesurés, en lien avec l'ambiance des lieux. " Le schéma " recommande " en outre que " dans les espaces proches du rivage, le renouvellement urbain et le comblement des dents creuses est le mode de développement à privilégier. " Il ressort du schéma n° 8 du schéma de cohérence territorial du Trégor que la parcelle du projet litigieux est identifiée parmi les " centralités à renforcer ". Ces dispositions du document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Trégor sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions de l'article L.121-13 du code de l'urbanisme.

12. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux, situé dans la bande littorale des cent mètres, consiste à étendre significativement le bâtiment existant en vue d'aménager et d'édifier un immeuble de cinq niveaux comportant douze logements et des surfaces en rez-de-rue susceptibles, ainsi qu'il a été dit au point 5, d'accueillir ultérieurement des commerces. Ce projet aura pour effet d'augmenter d'un tiers la surface de plancher existante, qui passera de 608 à 915 mètres carrés, ainsi que d'étendre l'emprise au sol à près de 80 % de la surface totale de la parcelle du fait de la création d'un niveau qualifié d'" entresol ", espace couvert qui sera situé en rez-de-rue, sous une " dalle paysagée ", alors que les constructions avoisinantes, essentiellement composées d'habitations de type pavillonnaire, présentent une emprise au sol comprise entre 10 et 30 %, à l'exception d'un immeuble de logement collectif qui présente une emprise de 46 %. En outre, alors que les constructions avoisinantes sont implantées en retrait de l'alignement, ce qui participe au caractère aéré de l'urbanisation, le projet litigieux s'implante à l'alignement de deux voies publiques, générant un front bâti de plusieurs dizaines de mètres sur la rue de Trozoul. De même, le projet prévoit l'édification d'un immeuble de cinq niveaux contrastant avec les volumes restreints de deux à trois niveaux des constructions de cette rue. Enfin, si la demande de permis de construire mentionne une surface de plancher de 915 mètres carrés, la surface bâtie totale du projet excèdera les 3 000 mètres carrés, soit une surface nettement supérieure à celle de la majorité des bâtiments du quartier. Dans ces conditions, eu égard à son implantation, son importance et sa densité, le projet en litige prévoit une densification significative de cet espace urbanisé situé dans la bande littorale des cent mètres et ne peut être regardée comme une extension limitée de l'urbanisation, en tenant compte des dispositions du schéma de cohérence territorial du Trégor, alors même que ces dernières autorisent une densité plus élevée dans les " centralités à renforcer ". Il en résulte que c'est par une exacte application des dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme que le maire de Trébeurden a refusé de délivrer le permis de construire sollicité.

13. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que le maire de Trébeurden aurait pris la même décision de refus de permis de construire en se fondant uniquement sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols.

14. Il résulte des développements qui précèdent que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 3 août 2016 portant refus de permis de construire litigieux, le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur ce qu'il avait été pris en méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ainsi que des articles R. 111-27 de ce code et de l'article UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols.

15. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Rennes.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. E... :

16. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui énonce, avec une précision suffisante, les conditions de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé.

17. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet arrêté serait entaché du détournement de pouvoir allégué par M. E....

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que la commune de Trébeurden est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 3 août 2016 de son maire et lui a enjoint d'instruire à nouveau la demande de M. E....

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées en appel par M. E... :

19. Le présent arrêt annule le jugement d'annulation du refus de permis de construire opposé à M. E.... Il en résulte que les conclusions de ce dernier tendant à qu'il soit enjoint au maire de Trébeurden de lui délivrer le permis de construire sollicité ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Trébeurden, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. E... demande au titre des frais exposés par lui à l'occasion du litige soumis au juge. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Trébeurden au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 juin 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. E... versera à la commune de Trébeurden une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Trébeurden et à M. F... E....

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., présidente,

- M. Frank, premier conseiller,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 janvier 2021.

Le rapporteur,

F.-X. C...La présidente,

C. A...

Le greffier,

C. Goy

La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 19NT03512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03512
Date de la décision : 12/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCP ARES BOIS COLLET LEDERF-DANIEL LE DANTEC

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-12;19nt03512 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award